AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de latina


Me voilà arrivée au bout de ce long chemin de souffrances et de moments de totale jubilation.
Et voilà que je me découvre en train de penser et de m'exprimer d'une manière qui ne m'est pas commune !
C'est que je sors d'un livre difficile, dérangeant, captivant, mené de main de maître, cela va sans dire, par José Saramago.

Par quoi commencer ?
Par ma difficulté. Ma difficulté à entrer dans cette prose sans espace pour respirer, uniquement composée de virgules, sans aucun tiret marquant les dialogues, sans aucun paragraphe.
Difficulté aussi à comprendre où l'auteur voulait en venir, et donc surprise totale devant cette réécriture de l'histoire de Jésus, oui, mais mêlant subtilement humour grinçant, légèreté, iconoclasme, psychologie profonde.

Par quoi continuer ?
Par mon plaisir profond à suivre cette famille dont tout le monde parle depuis la nuit des temps, dont ma famille m'a parlé depuis mon enfance. Ce Joseph, taciturne et – comme tous les hommes de cette époque – méfiant à l'égard des femmes, même de la sienne. Cette Marie, discrète mais têtue. Ce Jésus, adolescent rebelle et tourmenté, puis homme amoureux d'une femme et aimant les gens.

Plaisir mêlé de trouble, aussi, de découvrir la face cachée des choses, à la manière de Saramago : un Joseph hanté par sa culpabilité – celle de n'avoir pas pu prévenir à temps le village de Bethléem du massacre des tout-petits – et mis à mort comme le sera son fils : crucifié, mais par erreur.
Un Jésus hanté lui aussi par la culpabilité de son père, et ne sachant comment se débarrasser de ce remords pourrissant.
Un Diable au demeurant bien sympathique ! Bien plus sympathique que ce Dieu présenté comme cruel, vindicatif, orgueilleux. D'ailleurs, je ne résiste pas à vous recopier ce passage ô combien essentiel mais tellement irrévérencieux, au moment où Dieu envoie Jésus en mission et où il révèle ses pensées cachées :
« Tu t'es fabriqué là un joli destin, après 4000 ans de travail et de soucis que les sacrifices sur les autels, pour abondants et variés qu'ils soient, ne compenseront jamais, tu continues à être le dieu d'un tout petit peuple qui vit dans une partie minuscule du monde que tu as créé avec tout ce qui s'y trouve, alors dis-moi, mon fils, si je peux me tenir pour satisfait (...) Tu peux m'aider à étendre mon influence, à faire en sorte que je sois le dieu de beaucoup plus de gens. »
Bref, le ton est donné, et je comprends très bien pourquoi l'Eglise catholique a crié à l'assassin à la sortie de roman ! Mais moi, je me suis esclaffée, et j'ai réfléchi, aussi, très sérieusement, à cette religion catholique faite de « renoncement, clôture, souffrance, mort, guerres et carnages » (ces pages bouleversantes sont le summum !).

Plaisir enfin à suivre les méandres de la pensée du narrateur, qui n'hésite pas à interpeller le lecteur en comparant les choses anciennes à notre propre modernité, et toujours avec beaucoup d'humour.

Finalement, je ressors de cet évangile dévastateur toute pleine de cahots, secouée par le rire et l'interrogation, bénéfiques et libérateurs.

Commenter  J’apprécie          7110



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}