"La sorcière" est un drame en cinq actes écrit par Victorien Sardou.
Il a été représenté, pour la première fois, le 14 décembre 1903, à Paris, sur la scène du théâtre Sarah-Bernardt.
En 1506, aux environs de la ville de Tolède, sur les hauteurs qui dominent la rive gauche du Tage, un jeune maure, Kalem, a été lapidé, au pied d'un orme, pour avoir séduit une jeune chrétienne.
Son corps, pourtant abandonné au pied de l'arbre, a disparu ...
La chair humaine n'est pas faite pour repaître les corbeaux et les loups.
Zoraya, la jeune mauresque, lui a donné une digne sépulture dans une crevasse de roche.
C'est une sorcière ! dit-on
Avec ses mauvaises paroles, elle donne la clavelée aux moutons.
Elle a tari le lait de Zumiga.
Elle a fait choir le feux du ciel sur la grange à José Barilla.
Et un berger, qui par peur de sa vengeance s'était enfui, l'a dénoncée à don Enrique Palacios, le commandant des archers et des arbalétriers de la ville ...
"La sorcière" est une pièce de théâtre splendide et intemporelle.
La plume souple et élégante de Victorien Sardou tricote les dialogues aux réparties pour faire de ce morceau de scène une fine et solide étoffe.
La pièce est moderne, aujourd'hui encore !
Victorien Sardou ne s'embarrasse pas de nuances et de circonvolutions pour attaquer l'Église et le clergé, trouvant même l'occasion, en quelques mots, de plaider en faveur de l'euthanasie.
Moderne, la pièce l'est certainement par les idées qu'elle véhicule, mais plus encore parce que son héroïne est une amoureuse, une jeune femme audacieuse, fière, belle et intelligente, qui se joue des préjugés et de l'obscurantisme.
Victorien Sardou, certainement, lui aussi, tombé sous le charme de Zoraya, se fait complice de son héroïne en ne lui refusant rien de ce qui peut ajouter à son charme.
Sarah Bernardt, sur la scène du théâtre qui porte son nom, est Zoraya.
La pièce est belle et claire car elle plaide pour la tolérance.
Et pour plus de plaisir encore, le texte, offert par le supplément à "l'Illustration" du 9 janvier 1904, est illustré par quelques magnifiques et grisonnants dessins crayonnés ...
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Aisha - Tu vois ! Quand je pense qu'à cette heure nous pourrions être loin, en sûreté.
Tu étais si résolue à faire comme les plus avisés des nôtres et à fuir la persécution des Nazaréens jusque sur la côte africaine !
Il a fallu la rencontre de cet homme !
Ah ! Misère de nous !
La première fois que sur la colline où nous respirions la brise du soir, il a paru subitement devant nous et où tu t'es jetée si follement dans ses bras, j'ai cru entendre les ailes noires d'Azraël, l'ange de la mort, frôler le toit de notre maison ! ...
Zoraya - Ah ! Que je la comprends d'avoir oublié qu'elle était espagnole et catholique, pour n'être plus qu'une femme, une simple femme.
Ô nature ! Devant toi !
Que je l'envie de s'être donnée corps et âme à l'être adoré, sans effroi de la torture qui la menaçait dans ce monde, de la damnation qu'on lui promettait dans l'autre ! ...
Enrique - Des remèdes, ces herbes vénéneuses ?
Zoraya - Mais salutaires aussi et compatissantes.
Le fruit vermeil de la jusquiame noire et celui de la belladone, provoquent le délire et la folie.
Elles endorment aussi les souffrances.
Ainsi des autres.
Il en est d'elles comme de toute chose au monde, l'amour lui-même : suivant le cas et la dose, remède ou poison ...