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Emballée par le monstre de la mémoire, je suis allée faire un petit tour du côté des premiers livres d'Yishai Sarid..des polars, essentiellement. Ce n'était pas pour me déplaire. .. Pas mal, et même pas mal du tout, ce Poète de Gaza, un polar, un roman noir et à suspense, qui retrace quelques semaines (éprouvantes) de la vie d'un agent israélien des services de renseignements, chargé, en pleine vague d'attentats, de repérer et de neutraliser les poseurs de bombe ou les kamikazes. Un en particulier, disparu des écrans radar ( alerte jaune!) , après un séjour en Syrie (alerte rouge!) , fils radicalisé ( alerte noire) d'un vieux poète gazaoui lequel est en train de mourir gentiment de son cancer du pancréas dans un hôpital palestinien. Il va falloir faire miroiter au poète un protocole compassionnel dans un service hospitalier israélien et l'y chouchouter un peu, le temps d'obtenir des renseignements sur le fiston disparu. Et de lui mettre la main dessus avant qu'il ne fasse exploser sa ceinture dans un supermarché.. Sauf que , résumé comme ça, on passe à côté de ce qui fait le sel de l'histoire. Le poète s'appelle Hani, il est vieux, malicieux, cultivé, adorable et il a pour amie et probablement plus que ça , autrefois, Dafna, une romancière israélienne de gauche, pacifiste et encore bien jolie qui donne des cours d'écriture romanesque.. .par elle, peut-être pourra-t-on approcher le poète, le faire venir en Israël et mettre son terroriste de fils hors d'état de nuire.. Suffit de se prétendre apprenti écrivain, ce que notre agent qui aime lui aussi taquiner la muse fait sans effort. Ce qui corse l'affaire, c'est que notre agent secret -également narrateur de l'histoire- est en pleine crise existentielle , professionnelle et conjugale, à deux doigts du burning out. Phagocyté par les séances d'interrogatoire musclées, sous la pression du résultat qui est censé sauver des vies, il en vient à renier à peu près complètement ses principes de respect du droit et même de simple humanité. Les bavures se multiplient. Sa femme et son fils le quittent, il se fait horreur et, comble de misère, ses supérieurs préconisent un congé ou des séances chez le psy! Celui qu'il est en train de devenir lui fait horreur, mais près de la douce Dafna et de son vieil ami palestinien il redevient le bon israélien de gauche, lettré et amical, protecteur et salvateur qu'il aurait tant aimé être. Sauf que ce n'est qu'une manipulation. Une fiction. Une sorte de jeu de rôle. Un roman comme celui de l'homme aux cédrats qu'il prétend écrire.. . Le récit tient en haleine, croquant au passage quelques jolis portraits , des atmosphères de villes, de plages, où on prend une bouffée d'air avant de repiquer dans le cynisme et la violence des interrogatoires, des traquenards et des attentats. On s'attache à Dafna, à Hani...et on est plein de compassion pour l'agent de renseignement partagé entre son devoir de patriote et son honneur d'homme. Je ne vous dirai pas, bien entendu, lequel des deux l'emporte... + Lire la suite |