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Critique de Jolap


Thomas Edward Lawrence, Alias Lawrence d'Arabie, personnage romanesque s'il en est, impose à celui qui le suit, de franchir les frontières du rêve, de l'imaginaire et de la mesure, de se tenir bien au-delà, acceptant de facto qu'un homme puisse développer avec autant d'esprit, de fulgurance, de volonté, de risques et de passion ou de désespoir son désir de pousser toujours plus loin les limites de ses possibilités qu'elles soient intellectuelles, émotionnelles, instinctives ou manuelles.


L'écrivain historien François Sarindar, ami très actif et attentif sur Babelio, nous propose de le suivre en France, en Angleterre au Moyen-Orient. Il est un véritable guide, sachant doser d'une manière claire et très accessible certains rappels historiques qu'il couple avec de nombreuses connaissances géopolitiques. Il met en relief les points stratégiques et l'évolution de la situation notamment en Moyen-Orient.


Je ne connaissais Lawrence que par les bribes d'informations glanées ici ou là. Cette rencontre m'a étonnée. Non ce mot n'est pas assez fort. Elle m'a subjuguée. Elle m'a transportée. Ces heures n'ont pas été de tout repos, loin s'en faut. Ce voyage que ce soit dans l'espace, dans le temps ou dans les petits recoins insoupçonnés de la psychologie a mobilisé mon énergie, mon attention et ma réflexion. François si vous me lisez, vous l'aurez compris : j'ai beaucoup aimé Lawrence sous votre plume, ses audaces, ses faiblesses, son courage, ses incohérences, ses défaites et ses victoires, sa fierté et son humilité, son émotivité et son indifférence, mais surtout sa capacité à explorer tout ce qui se présentait à lui pour en créer une histoire digne des contes les plus fantastiques et originaux.


Je n'ai pas l'intention de raconter ce livre. François Sarindar l'a fait mieux que quiconque et résumer un tel parcours, serait terriblement réducteur. Je me demande vraiment quels sont les passages de sa vie essentiels et/ou déterminants : Son enfance tellement singulière tant par sa filiation que par la manière dont elle s'est déroulée ? Sa jeunesse, tout absorbée par sa passion pour l'histoire médiévale et l'archéologie, son amour des livres « grand amateur de littérature française et d'oeuvres de nos penseurs » ?
L'étincelle, que dis-je, la foudre qui le propulse en Orient et fait de lui un explorateur, un géographe, un naturaliste, un cartographe, un sportif endurant, un ingénieur,, un politique, un prince. le prince du désert qui parlait, outre sa langue maternelle l'anglais, le français et le dialecte syrien ?
Sa sexualité qui est abordée sans artifice par l'auteur du livre s'appuyant sur des documents précis fruits de témoignages ou d'écrits de Lawrence lui-même ? . .
Ou ses talents d'écrivain qui fait des « sept piliers de la sagesse » un livre « classé parmi les chefs d'oeuvres de la littérature du xxème siècle » ?.


Je propose quelques mots picorés ça et là dans l' ouvrage de François Sarindar, les sortant de leur contexte, juste pour mettre en appétit le lecteur potentiel qui ne manquera pas d'aller plus loin dans cette belle découverte :
« Aussi devons-nous prendre Lawrence tel qu'il était à ce moment-là et non pas comme on nous le présente dans nombre de biographies où l'on a tendance à juger l'homme d'après les événements qui allaient survenir de 1918 à 1922 » (page 110)
« Lawrence a voulu masquer son insatisfaction derrière un écran d'autodérision » p 158.
« le roi était nu. Et Lawrence n'avait rien pu faire pour empêcher de perdre sa couronne » p 208 .
« (Lloyd George : Selon moi le Colonel Lawrence est l'une des personnalités les plus remarquables et les plus romantiques des temps modernes ».(p209)
« « Sykes était venu s'entretenir avec Fayçal ….puis avec le Chérif Hussein……Sykes détruisit ainsi une partie du rêve qui animait Lawrence……Cette absence de sens moral suscitait d'autant plus l'indignation (des fonctionnaires britanniques envoyés en Arabie) qu'ils redoutaient de passer pour des hypocrites et des menteurs auprès des Arabes……..Lawrence et ses compagnons éprouvèrent ce dégoût. »(p149)


Quel angle choisir ?
Parler de son rôle actif pendant la guerre au Moyen-Orient l'espoir qu'il fondait à aider la Syrie (constituée de l'actuel Liban, de la Syrie, de la Palestine et de la Transjordanie lors de la révolte arabe) ou évoquer la promesse qu'il a faite à Fayçal roi de Syrie dont il était conseiller, la main sur le coeur, d'oeuvrer pour un affranchissement de cette région menacée par les turcs alors qu'il connaissait les accords secrets Sykes-Picot négociés entre la France et le Royaume-Uni et prévoyant un découpage du Proche-Orient. La France recevant mandat du Liban et de la Syrie tandis que la Grande Bretagne celui de la Mésopotamie, de la Transjordanie et de la Palestine ?.
(« j'affirmai donc à mes compagnons de lutte que l'Angleterre respectait la lettre et l'esprit de ses promesses. Rassurés là-dessus, ils se battirent vaillamment. Pour moi, loin d'être fier de ce que nous faisions ensemble, je ne cessai de remâcher une amère honte » extrait des 7 piliers de la sagesse page 152

Parler de son humanisme lui qui a rencontré les personnes les plus en vue dans le monde des arts, de la culture et de la politique, lui qui a cotoyé les plus humbles avec le même intérêt, la même attention, la même amitié ?

Faut-il mettre mon grain de sel et souligner ses contradictions lorsqu'il veut s'affranchir d'une mère trop pesante tout en continuant pendant des années de lui écrire et lui rendre compte de ses faits et gestes ?
du sentiment d'ambiguïté qui m'assaille parfois ne sachant pas comment définir ses actions, ses manières et passant d'une admiration profonde à une défiance déterminée, une incompréhension, un flou dérangeant entourant ses desseins ?
Son désir à peine voilé parfois de fuir lui le frondeur, le guerrier, l'aventurier ?
Ses mensonges ayant pour but de le faire paraître plus grand qu'il n'est ? Ou peut-être d'un orgueil déplacé qui pourrait être le pilier de sa politique personnelle du tout ou rien.

Même si, dans l'épaisseur des pages de ce livre je parle de nos petits différends, je l'admire Lawrence. Je lui demande de m'honorer de son amitié et de son soutien et je le remercie de notre intimité de ces derniers jours.

Tout comme Lawrence qui a mes yeux était adepte du tout ou rien que je viens d'évoquer, je conseille au lecteur potentiel de tout lire ou de ne rien lire. On ne peut demander à quelqu'un d'apprécier un tableau à partir d'une esquisse !

Dans cette biographie soignée et très documentée, de François Sarindar à laquelle Claudia son épouse a participé, j'ai trouvé un écho des sentiments qu'inspirait Lawrence à ses contemporains. Il a mis en relief le comportement d'un homme que la nature avait doté de grands talents ainsi qu'un témoignage sur la diversité de ses projets. Cela m'a permis d'évaluer l'influence de ce dernier sur l'échiquier international mettant en évidence une région du monde encore d'actualité aujourd'hui.

Lawrence fût doté d'un grand pouvoir de raisonnement qui, joint à l'intelligence, à la faculté de mener sa vie comme il l'entendait, ne l'a pas empêché d'emporter avec lui les explications les plus rationnelles concernant certains de ses actes ou quelques-uns de ses comportements. . François a proposé son interprétation étayée, un travail que je salue.

J'adresse toutes mes excuses aux lecteurs pour la longueur de ce billet. Il est d'autant plus long que la vie de Lawrence fût courte. C'est un paradoxe. Cependant ma tête est encore pleine de cette rencontre. Je n'ai pas su trier, je suis encore sous l'emprise de Lawrence. de cet homme sans nul doute charismatique et influent. Puisse-t-il m'habiter encore longtemps ! Je souhaite vivement que cette épopée orientale ne glisse pas de mes doigts comme les grains de sable du désert. J'aimerais me souvenir de tout........ou de rien ce qui m'étonnerait vraiment.

Ce billet est long certes mais c'est aussi une lettre a un ami.
Merci Claudia. Merci Lawrence. Merci François.
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