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Citations sur Tropismes (23)

La moindre action, comme d'aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l'eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d'audace.
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Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et qu'on voyait l'escalier, plein d'un calme impeccable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l'avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu'on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits-enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu'il fallait le plus longtemps possible - attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c'était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.
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Et elles parlaient, parlaient toujours, répétant les mêmes choses, les retournant, puis les retournant encore, d'un côté puis de l'autre, les pétrissant, les pétrissant, roulant sans cesse entre leurs doigts cette matière ingrate et pauvre qu'elles avaient extraites de leur vie (ce qu'elles appelaient "la vie", leur domaine), la pétrissant, l'étirant, la roulant jusqu'à ce quelle ne forme plus entre leurs doigts qu'un petit tas, une petite boulette grise.
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Ils semblaient sourdre de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de l'air, ils s'écoulaient doucement comme s'ils suintaient des murs, des arbres grillagés, des bancs, des trottoirs sales, des squares.
Ils s'étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons. De loin en loin, devant les devantures des magasins, ils formaient des noyaux plus compacts, immobiles, occasionnant quelques remous, comme de légers engorgements.
Une quiétude étrange, une sorte de satisfaction désespérée émanait d'eux. Ils regardaient attentivement les piles de linge de l'Exposition de Blanc, imitant habilement des montagnes de neige, ou bien une poupée dont les dents et les yeux, à intervalles réguliers, s'allumaient, s'éteignaient, s'allumaient, s'éteignaient, s'allumaient, s'éteignaient, toujours à intervalles identiques, s'allumaient de nouveau et de nouveau s'éteignaient.
Ils regardaient longtemps, sans bouger, ils restaient là, offerts, devant les vitrines, ils reportaient toujours à l'intervalle suivant le moment de s'éloigner. Et les petits enfants tranquilles qui leur donnaient la main, fatigués de regarder, distraits, patiemment, auprès d'eux, attendaient.
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Cela, elles l'avaient bien toujours entendu dire, elles le savaient : les sentiments, l'amour, la vie, c'était là leur domaine. Il leur appartenait.
Et elles parlaient, parlaient toujours, répétant les mêmes choses, les retournant, puis les retournant encore, d'un côté puis de l'autre, les pétrissant, les pétrissant, roulant sans cesse entre leurs doigts cette matière ingrate et pauvre qu'elles avaient extraite de leur vie (ce qu'elles appelaient « la vie », leur domaine), la pétrissant, l'étirant, la roulant jusqu'à ce qu'elle ne forme plus entre leurs doigts qu'un petit tas, une petite boulette grise.
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Elle était accroupie sur un coin du fauteuil, se tortillait, le cou tendu, les yeux protubérants : « Oui, oui, oui, oui », disait-elle, et elle approuvait chaque membre de phrase d'un branlement de la tête. Elle était effrayante, douce et plate, toute lisse, et seuls ses yeux étaient protubérants. Elle avait quelque chose d'angoissant, d'inquiétant et sa douceur était menaçante.
Il sentait qu'à tout prix il fallait la redresser, l'apaiser, mais que seul quelqu'un doué d'une force surhumaine pourrait le faire, quelqu'un qui aurait le courage de rester en face d'elle, là, bien assis, bien calé dans un autre fauteuil,qui oserait la regarder calmement, bien en face, saisir son regard, ne pas se détourner de son tortillement. « Eh bien ! Comment allez-vous donc? » il oserait cela. « Eh bien ! Comment vous portez-vous ? » il oserait le lui dire - et puis il attendrait. Qu'elle parle, qu'elle agisse, qu'elle se révèle, que cela sorte, que cela éclate enfin - il n'en aurait pas peur.
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De temps à autre seulement, quand il était trop fatigué, sur leur conseil, il se permettait de partir seul faire un petit voyage. Et là-bas, quand il se promenait à la tombée du jour dans les ruelles recueillies sous la neige, pleines de douce indulgence, il frôlait de ses mains les briques rouges et blanches des maisons et, se collant au mur, de biais, craignant d’être indiscret, il regardait à travers une vitre claire, dans une chambre au rez-de-chaussée où l’on avait posé devant la fenêtre des pots de plantes vertes sur des soucoupes de porcelaine, et d’où, chauds, pleins, lourds d’une mystérieuse densité, des objets lui jetaient une parcelle – à lui aussi, bien qu’il fût inconnu et étranger – de leur rayonnement ; où un coin de table, la porte d’un buffet, la paille d’une chaise sortaient de la pénombre et consentaient à devenir pour lui, miséricordieusement pour lui aussi, puisqu’il se tenait là et attendait, un petit morceau de son enfance.
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Quelquefois le cri aigu des cigales, dans la prairie pétrifiée de soleil et comme morte, provoque cette sensation de froid, de solitude, d’abandon dans un univers hostile où quelque chose d’angoissant se prépare.
Étendu dans l’herbe torride, on reste sans bouger, on épie, on attend.
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Ils regardaient longtemps, sans bouger, ils restaient là, offerts, devant les vitrines, ils reportaient toujours à l’intervalle suivant le moment de s’éloigner. Et les petits enfants tranquilles qui leur donnaient la main, fatigués de regarder, distraits, patiemment, auprès d’eux, attendaient.
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Ce bruit soudain de l'eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal (...)
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