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3,48

sur 283 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'auteure a expliqué les tropismes comme étant « des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir ». de fait dans ce premier livre de Nathalie Sarraute composé de vingt-quatre textes très courts il s'agit de situations banales, sans trame romanesque, où des personnages anonymes semblent mus par la seule volonté de faire les choses du quotidien ou de passer le temps. Et pourtant sous cette banalité apparente il existe une intensité sous-jacente des sentiments, des rapports humains complexes et violents qui donnent une force inouïe à ces Tropismes.
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Pour quelles raisons n'ai-je pas fait la connaissance des Tropismes de Nathalie Sarraute plus tôt ? Ils m'ont tellement déconcertée à la première lecture, que je les ai immédiatement relus.

Les tropismes sont pour Nathalie Sarraute «les mouvements subtils, à peine perceptibles, fugitifs contradictoires, évanescents, de faibles tremblements, des ébauches d'appels timides et des reculs, des ombres légères qui glissent, et dont le jeu incessant constitue la trame invisible de tous les rapports humains et la substance même de notre vie.» Ils se situent à la limite de la conscience.
Les tropismes qu'elle a théorisés en littérature ont marqué toute son oeuvre et en ont fait l'une des précurseurs du Nouveau Roman.
Ce sont ici vingt-quatre très courts textes, sortes de petits contes de trois-quatre pages maximum, qu'aucune progression ou fil narratif ne relient. Indépendants, ils peuvent être lus et agencés selon la convenance du lecteur. Ils composent un chapelet de lambeaux de rêve, de bulles poétiques, de saynètes, à l'atmosphère étrange, où apparaissent des personnages anonymes, vagues silhouettes désincarnées.
Les protagonistes se rencontrent, bavardent, répondent à des convenances sociales, mais les discussions tournent à vide, et ils se trouvent rapidement enfermés dans des attitudes stéréotypées, plus particulièrement les femmes. Figures caricaturales, elles prennent le thé, tricotent, arpentent les magasins en quête d'un improbable tailleur en gros tweed à dessins. Elles sont souvent empêchées, en marge de l'action, en proie à des sentiments de peur, en position d'attente, car le temps est suspendu.
Les enfants sont également très présents, inscrits dans des relations énigmatiques avec les parents ou grands-parents qui exercent une supériorité, un pouvoir à leur égard, au travers de gestes envahissants ou violents.
On peut se demander si toutes ces situations ne sont pas vues à hauteur d'enfants, au travers d'une perception déformée de la réalité dans laquelle les adultes sont indistincts, où les objets et les meubles s'animent, et où des menaces diffuses planent.
Revenons aux tropismes : ils se situent pour l'autrice en amont du langage, et pourtant, c'est bien par le langage qu'elle parvient à en laisser une trace sur la page, un langage qu'elle peaufine puisqu'il lui aura fallu cinq ans pour les écrire.
Souvenirs, réminiscences, fragments surgis de l'inconscient ou d'on ne sait où ?
Deux niveaux de lecture nous sont proposés : celui des scènes de la vie de tous les jours, un peu vaine, absurde, et celui d'une matière brute faite de sensations, d'une intériorité qui se déverse et qui serait à l'origine des comportements humains.
Nathalie Sarraute situe-t-elle l'articulation entre les deux ? de quoi parle-t-elle exactement ?
Une lecture passionnante, déstabilisante et marquante qui aura soulevé chez moi de nombreuses interrogations et qui me pousse à aller plus loin dans sa bibliographie.

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Ce premier livre de Nathalie Sarraute a laissé perplexes une grande proportion de lecteurs, on s'en aperçoit à la lecture des critiques de Babelio, qui met en évidence l'absence de trame narrative et d'identification des personnages. C'est ce qui a le don de me laisser perplexe…
Dire que près de 60 ans après sa parution, on en est encore à chercher dans la littérature un bon roman à la Balzac, avec des personnages bien dessinés, une intrigue bien rassurante et des descriptions qui rendent le récit bien « réaliste » ! C'est à se demander à quoi sert la littérature. J'ai accompagné cette lecture de Tropismes de celle de son essai sur le nouveau roman L'ère du soupçon , écrit quelques années plus tard. Elle m'a été utile pour mieux saisir non pas les raisons pour lesquelles Nathalie Sarraute utilisait les formes impersonnelles ou à se défaire des sacro-saintes règles narratives, mais plutôt savoir ce qu'elle cherchait dans ces mouvements indéfinissables qui glissent aux limites de la conscience, ces fameux « tropismes ». Voici tout ce qu'elle souhaite retranscrire grâce aux techniques littéraires dans cette suite de scènes quotidiennes et banales. Ces tropismes gouvernent nos comportements, nos attitudes et nos réactions. Ce sont eux qui nous poussent à dire des banalités au cours d'une soirée entre amis, ce sont eux qui forcent un rire, un toussotement, un cri ou une exclamation. Ce sont eux qui nous poussent à aimer les choses insignifiantes et les futilités pour compenser nos angoisses face aux incompréhensions de l'existence. Nous offrir cette expérience, cela vaut bien un Balzac !
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Ce roman ressemble à un album d'instantanés, de touches impressionnistes de personnages, de sentiments, de sensations, de perceptions multi-faces. C'est très étonnant et déroutant à la fois. Ça suggère plus que ça ne raconte une histoire, une situation psychologique. le lecteur a tout un travail de construction, d'assemblage des éléments du puzzle que lui présente l'écrivain. C'est aussi le lecteur qui participe à la création du roman, un peu comme un spectateur jouerait un rôle dans une pièce qui serait représentée devant lui, ou comme un amateur participerait à la création du tableau qu'il regarde. C'est le phénomène qui se produit dans l'art moderne. Je pense par exemple à la « Casbah » de Matisse : dans ce tableau le peintre ne fait que suggérer avec quelques aplats de couleurs et quelques traits et c'est le spectateur qui « compose le tableau ». C'est fascinant, car il y a ainsi autant de tableaux que de spectateurs. Dans un livre tel que « Tropismes », c'est la même chose. Et les contours sont tellement impressionnistes, qu'un même lecteur lira deux romans différents à deux moments différents !
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N°1860– Avril 2024.

TropismesNathalie Sarraute – Les éditions de Minuit.

C'est un recueil de vingt quatre textes courts et indépendants les uns des autres, paru en 1939 dans l'indifférence quasi générale après avoir été refusé notamment par Gallimard et qui ne connut le succès que vingt en plus tard lors de sa réédition. Ce détail relativise les choses quant au talent de notre auteure, cet ouvrage étant considéré comme fondateur du mouvement littéraire dit du « nouveau roman ». Il n'est pas interdit de penser que ces circonstances ont nourri la trame de son roman « Les Fruits d'or » paru en 1963. 
Le tropisme est une réaction d'orientation générée par un agent physique ou chimique, par exemple dans le cas du tournesol qui recherche le soleil. Au sens figuré, c'est un sentiment fugace, bref, inexpliqué face à un phénomène banal. Chaque texte s'attache à étudier la réaction d'inconnus, hommes et femmes, en contact avec leurs semblables, met en scène des personnages non définis, à peine esquissés, sans lien entre eux, juxtaposés, qui vivent un moment de leur vie d'une manière presque indifférente et qui se termine bizarrement dans une sorte d'expectative où rien ne se passe que des faits anodins, comme si l'intérêt de leur vie se résumait à une attente, à une immobilité (le verbe attendre revient souvent). Cette absence d'action se double d'une sorte de négligence, une sorte de lassitude face aux choses qu'on laisse se dérouler d'elles-mêmes sans qu'on fasse rien pour en modifier le cours. C'est le contraire du mouvement, un peu comme la tiédeur d'un dimanche après-midi qui distille l'ennui, la solitude, le temps qui passe inexorablement, mais aussi l'indifférence à l'autre quand la méchanceté qui est une des particularité de la nature humaine, ne vient pas bouleverser l'agencement de ce morne décor. Alors s'installe la peur de l'autre et aussi la haine, le plaisir de déranger sa vie, d'étouffer ses habitudes, ses espoirs avec des mots médisants, des actions malsaines parfois, pour le seul plaisir de se prouver qu'on existe ou d'exorciser sa propre lassitude de vivre. Cette vie artificielle s'étire, s'emploie à parler de tout et surtout de rien, à faire des plans sur la comète, à médire d'autrui, à exercer son imagination débordante et malveillante dans des domaines futiles et inutiles. Cette superficialité trouve aussi sa réalité dans la volonté de suivre la mode qui est à la fois changeante et frivole. Cette vie marginale, égoïste, ne se limite pas aux petites gens, ceux qui ne laissent aucune trace de leur passage, mais s'étend également aux intellectuels suffisants dont la conscience qu'ils ont de leur supériorité les distingue du commun, ceux qui trouvent dans la foi religieuse et ses rituels surannés une raison de vivre ou ceux que la culture enivre parce qu'elle entretient leur différence et leur en donne la certitude d'être différents, ceux qui se plaisent à croire que la vieillesse leur a conféré une forme de sagesse et donc d'importance avec des pouvoirs exorbitants ou que rien ne doit venir bousculer leur décor familier et immuable.
Il s'agit d'un essai dont la rédaction, cherche à redéfinir une nouvelle manière d'écrire, en réaction contre la seconde guerre mondiale, ses excès et ses violences, notamment la volonté nazie dont elle a été la victime d'exterminer les juifs.

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On ne lit pas les oeuvres de Nathalie Sarraute pour l'histoire.

Sarraute elle-même est la première à reconnaître que, dans ses ouvrages, « après les différentes phases par lesquelles on passe, tout se termine presque toujours par rien (...) : qu'est-ce qu'il y a, qu'est-ce qui s'est passé ? Mais rien ».

Apparemment affranchie des contraintes de l'histoire, elle affirme qu'en écrivant elle erre « à l'aventure, dans la solitude, sans soutien. Je m'avance je ne sais où ».

Et pourtant, il y a bel et bien une histoire dans les écrits de Sarraute. Mais elle tourne autour d'un « rien » qui se dérobe tout en se désignant. La littérature de Sarraute se donne pour but de « ra conter » l'histoire impossible des tropismes — ces mouvements fuyants, rythmiques, à peine conscients, qui participent d'un ordre de « réalité » que, dans les essais de l'Ère du soupçon, l'auteur nomme le : « noyau dur (...) un foyer de chaleur qui irradie (...) quelque chose (…) qu'on ne sait désigner autrement que par des termes imprécis, tels que « la vérité » ou « la vie ». C'est à cette réalité-là qu'avec Nathalie Sarraute nous revenons toujours.

Les Tropismes contient en germe tout ce que cet auteur allait développer dans ses ouvrages suivants, c'est « la substance de tous mes livres ».
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Le Nouveau Roman dans toute sa splendeur. le travail d'interprétation est entre les mains du lecteur aguéri, les courtes histoires se dévorent au pétit déjeuner, dans les transports; partout avec facilité. Nathalie Sarraute nous guide à peine de quelques adjectifs soigneusement choisis, et nous partons à la rencontre du monde.
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Il ne se passe rien dans ce livre. Des ombres passent le long des murs, dans les cages d'escalier, des ombres sans nom et sans visage, préoccupés de peu, sensibles à peu. Une succession de clichés flous et mal cadrés, dont l'ensemble dégage un malaise discret, une odeur de vieux meuble, d'escalier mal lavé, de rue froide.
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Modernité de ce petit livre saisissant tout ce qui n'est pas verbal dans la communication, même et surtout quand elle se présente comme une insipide conversation. Écriture en cela théâtrale, suite de scènes quotidiennes et intemporelles.

Curiosité de ces courts récits donnant également en 1957 une représentation minutieuse et datée des années 40 ou 50, anticipant de huit années les Choses de Perec, dans leur intérêt pour ce que montrent et cachent aussi les objets de notre vie.
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Rapidement, j'ai eu de la difficulté à me rappeler certaines scènes. Un lien sans doute avec les trente minutes que j'ai pris pour passer de la deuxième à troisième couverture. J'ai lu ensuite sur internet, via des sites d'analyse, la description de chacun des personnages des 24 histoires. Je devrai y revenir un jour pour savourer tout ce que j'ai manqué.
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