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EAN : 9782253005858
EDITIONS LIVRE DE POCHE N° 3621 (01/01/1974)
3.43/5   7 notes
Résumé :
« Le Times » c'est le petit nom qu'Albertine donnait à son journal de prison. Ce journal se confond avec le temps luimême, dont il essaie de tuer le désolant étirement. En 1959, date du présent texte, les « Lettres à Julien », publiées par ailleurs, sont une chronique (« potineuse », dit-elle) de la vie quotidienne - tentative pour en partager avec le destinataire les menus ou les graves événements. Le « Journal a, ; écrit pour elle-même, prend au contraire de la ha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'univers carcéral est un thème qui me fascine. En littérature, il me fait penser irrésistiblement au comte de Monte-Cristo, mais aussi, d'un certain point de vue, à Robinson Crusoe lui aussi confronté à l'isolement. Transposé au cinéma, je pense au prisonnier d'Alcatraz (Clint Eastwood), à la grande évasion (Steeve McQueen), à la ligne verte (Tom Hanks) et à bien d'autres films qui m'ont laissé d'impérissables souvenirs. Toutes ces oeuvres abordent ce thème sous des angles différents, elles ont toutefois de nombreux points communs.

 La grande question posée est la confrontation de l'homme face à la solitude et à la perte d'une des libertés les plus fondamentales, celle d'aller et venir. Autant de contraintes qui peuvent conduire à une lente déshumanisation. Sous cet aspect, c'est une problématique qui peut aussi concerner les personnes affectées d'un lourd handicap ou les personnes âgées dans certains EPAD.

 Que faire dans ces conditions pour ne pas devenir fou et comment envisager l'avenir ? La prison est-elle l'occasion de se livrer à une introspection fructueuse, peut-elle fournir l'occasion de s'amender, de se reconstruire, de se convertir, de préparer une revanche, de mieux profiter de la liberté une fois celle-ci retrouvée, de reprendre des études, de lire, de prier, de se consacrer a temps plein à un projet unique ? L'éventail des possibilités est large et peut déboucher sur des transformations radicales des individus concernés.

 La prison est un catalyseur qui transforme ses occupants en chrysalide. Nul ne peut savoir ce qu'il en ressortira : un imago, une chimère ou un écrivain comme Albertine Sarrazin ?

 L'espace clos de la prison peut devenir un lieu de recueillement, une thébaïde propice aux réflexions métaphysiques et religieuses.

 Les écrivains célèbres ayant fait des séjours en prison pour divers motifs plus ou moins graves sont plus nombreux qu'on pourrait le penser : François Villon, André Chénier, Gérard de Nerval, Dostoievski, Verlaine, le marquis de Sade, Oscar Wilde, Appolinaire, Robert Brasillac, Céline, Jean Genet, Soljenitsyne et quelques autres. le cas d'Albertine Sarrazin est cependant unique à bien des égards. Comme souvent, avant de lire un auteur, je m'intéresse à sa biographie et c'est après avoir pris connaissance de sa vie tourmentée aux rebondissements à peine croyables que je me suis décidé à entreprendre la lecture de son "journal de prison" rédigé entre 1958 et 1959.

 Son parcours illustre le fait que les aptitudes fondamentales d'un individu finissent toujours par émerger, quelles que doit l'adversité. Les épreuves et la misère peuvent d'ailleurs parfois constituer un terreau fertile pour l'imagination créatrice.

 Son enfance est déjà un parcours du combattant : assistance publique dés sa naissance, paludisme à deux ans, à dix ans, elle est violée par son oncle.

 En 1952, interne au lycée, elle y démontre de réelles aptitudes intellectuelles, mais ses enseignants se plaignent de son indiscipline ; son père adoptif la place en maison de correction au bon Pasteur et demande peu après la révocation de l'adoption.

 En 1953, Albertine obtient le baccalauréat avec la mention bien et s'enfuit à Paris. Elle mène une existence marginale en vivant de petits larcins et en se prostituant. À la suite d'une tentative de hold-up à main armée, elle est condamnée à sept ans de prison. En détention, elle prépare le certificat d'études littéraires générales, commence à écrire des poèmes et poursuit l'écriture de son journal commencé dès l'âge de quatorze ans.

 Albertine est libérée en 1960. Quelques mois plus tard, elle a un accident de voiture avec son ami Julien (qui deviendra son mari en 1959) et sa mère adoptive. Cette dernière meurt.

 Elle connaît un court répit dans sa vie tumultueuse et publie en 1964 L'Astragale (qui raconte sa tentative d'évasion au cours de laquelle elle va rencontrer Julien). le succès vient en 1966 lorsqu'elle reçoit le prix des quatre-jurys. Mais Albertine, de santé précaire doit subir une opération du rein, elle meurt à 29 ans à la clinique Saint-Roch de Montpellier, des suites d'une série d'erreurs médicales. le chirurgien et l'anesthésiste responsables de son décès seront condammés à deux mois de prison avec sursis. La clémence des juges contraste avec les condamnations sévères qu'Albertine eut à subir pour avoir voulu simplement exister.

 L'ensemble de ses livres a été tiré à plus de 3 millions d'exemplaires et deux d'entre eux (l'astragale et la cavale) ont fait l'objet d'une adaptation au cinéma.

 Sa vie ressemble au synopsis d'un roman noir dont on pourrait dénoncer l'exagération morbide et pourtant tout ceci est authentique. Foudroyée en pleine ascension, elle portait en elle la puissance de vie, l'esprit de révolte, l'impertinence et le goût de la liberté que l'on prête à la jeunesse. Ses écrits en sont le reflet, c'est la raison pour laquelle elle peut encore parler aux générations d'aujourd'hui. Sa soif de liberté la conduira à sauter d'un mur haut de dix mètres pour échapper à la prison. Elle provoque ainsi un bouleversement dans sa vie, car ce saut dans l'inconnu sera le chemin qui la conduira vers le grand amour de sa vie, Julien, qui est lui-même un marginal. le "journal de prison" doit se lire comme une longue lettre à Julien. Albertine s'y exprime avec sincérité, sans tricherie, ni artifice. On retrouve dans son style toute la singularité de sa personnalité. Un texte parfois difficile à saisir, que j'ai même parfois trouvé hermétique. Il faut le prendre comme une poésie qui délivre une musique, mais conserve toujours une part de mystère et d'informulé. Elle écrit à la page 78 (s'adressant à Julien) : "Si tu lis un jour, ce ne sera que prise de conscience plus nette de mes maladroites tentatives. Maladroites parce que volontairement en friche. Je préfère l'ébauche et le paradoxe : ça me permet de dire ce que je veux, et pense. Si je fais profession de démontrer, j'y perds en sincérité et liberté. L'artifice...non ! Mais oui à l'incohérence, magie des mots en pagaille."

 Ce texte mérite qu'on s'y attarde pour son originalité, sa force et l'étonnante maturité de l'auteure (elle avait vingt et un an). Mais, pour mieux l'apprécier, je pense qu'il serait utile de bien connaître la vie d'Albertine en lisant au préalable ses romans autobiographiques notamment l'Astragale (sa rencontre avec Julien) et la Cavale (sa vie en prison). Il existe aussi une biographie complète écrite par Josane Duranteau. J'ai ces livres dans ma bibliothèque (sauf celui de Duranteau que je vais essayer de me procurer) depuis pas mal de temps, et même si je connaissais un peu le parcours d'Albertine, je n'avais pas encore lu ses textes. Je viens de lire quelques pages de l'Astragale et il me semble plus adapté à une découverte de l'auteure que son journal de prison.

 Sa dernière évasion était en voie de réussite, elle devait lui permettre d'échapper à l'enfermement et à l'injustice sociale en devenant un écrivain reconnu. le sort s'est acharné sur elle en l'empêchant d'achever une oeuvre dont les premiers chefs-d'oeuvre demeureront toutefois dans la mémoire des hommes.

 J'ai cherché en vain une édition de ses oeuvres complètes. Ce serait une bonne idée de rassembler ses romans, lettres et poésies dans un volume de la collection bouquin par exemple. Cela comblerait un manque et rendrait hommage à une comète de la littérature qui a rejoint trop tôt le paradis des auteurs précoces, comme Rimbaud, Alain-Fournier ou Radiguet.

Bibliographie :

Journal de prison, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1973), éditions Sarrazin.

l'Astragale, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1969), Jean-Jacques Pauvert.

La Traversière, Albertine Sarrazin, le livre de poche (1966), Jean-Jacques Pauvert.

Albertine Sarrazin par Josane Duranteau (le livre de poche 1975), éditions Sarrazin.

Document :

Albertine Sarrazin, le roman d'une délinquante, documentaire (2004) écrit et réalisé par Sandrine Dumarais (52 mn).

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Il y a des livres dont on sent dès les premières lignes qu'ils vont vous plaire, que vous allez avoir envie de les aimer, et ça se produit du même coup.
Ce livre a traîné un peu chez moi pendant plus d'un an, me faisant de l'oeil de temps à autres, sans jamais me motiver assez pour l'ouvrir plus que pour le feuilleter. C'est aussi le problème des introductions qui sont longues et qui vous posent toujours un dilemme, et qui ne devraient pas trop nous influencer, mais qui peuvent freiner.
Au final, l'introduction est vraiment intéressante et donne envie de lire le texte, mais le texte est au-delà de mes espérances suite à cette intro.
J'ai l'impression d'avoir lu une soeur littéraire, un style qui est un style de langue parlée mise sur papier, c'est écrit comme on parle, mais comme on parle avec talent, brillance, intelligence, finesse, subtilité et ça semble facile...
Quelques passages un peu moins forts, ou un peu plus banals, mais ils ne donnent que plus de lumière aux passages qui brillent.
Ne vous attendez pas à un récit ou un documentaire sur l'incarcération ou la prison, à des détails et descriptions des lieux ou des personnes, non ici il n'est question que de subjectivité, de sujet, de vitalité, et d'amour de la vie, d'une certaine vie.
J'exagère sans doute mon enthousiasme, parce qu'on a besoin de s'enthousiasmer dans nos temps moroses, et malgré le titre et le thème, ce livre y est parvenu.
Et sans doute à très bientôt, Albertine, ma soeur.
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J'avais beaucoup aimé mes lectures de L'astragale et La cavale et, même s'il a longtemps dormi dans ma PAL, j'étais enthousiaste à l'idée de découvrir ce journal de prison.
Enthousiasme rapidement douché malheureusement.

Tout d'abord, je m'attendais à ce qu'elle raconte la prison, mais comme me l'a vite appris la préface (la loooongue préface), ce n'est pas le cas. Ce n'est pas un récit des menus événements du quotidien, mais des réflexions personnelles. C'est un dialogue avec elle-même, avec son journal, avec nous alter-ego inopinés. Elle disserte sur l'amour, la mort, le mariage (qui se conclut cette année 1959), sa vie hors normes…
Elle s'y montre bavarde, d'une verve vive et papillonnante. Je l'avoue, je ne suis pas parvenue à rentrer dans son journal, à suivre son esprit, ses pensées, à m'intéresser à ses réflexions trop volubiles. La langue était belle pourtant, discours tantôt poétique, tantôt très oral. Cependant, bien que révélateur de la maturité et de l'intelligence de l'autrice, le contenu m'a laissée sur le bord de la route. J'ai tenu une centaine de pages avant de lâcher l'affaire.

Peut-être y reviendrai-je un jour, quand j'aurai lu ses autres écrits (La traversière, Lettres à Julien, Biftons de prison…). Ou peut-être, après la double déception Anaïs Nin/Albertine Sarrazin, dois-je conclure que les journaux intimes ne sont vraiment pas ma tasse de thé à l'exception de ceux de Mireille Havet ?
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Rien ne m'attache à rien, et j'aime rester ta petite tombée de l'enfer, puisque ce vol d'un instant a cassé pour jamais et sans douleur les derniers fils de mon passé. Refondre mon être aux forges de notre entente. Et pourtant, me garder totalement. T'apprendre des jeux que tu ignores encore ; t'inculquer définitivement cette fois, ce goût et cet émerveillement en l'unité, que je ne connaissais pas non plus, mais qui m'a élue maître sans apprentissage : instinct, révélation et cristallisation impérieuse ; sans l'éclair; lumière filtrante, revendicatrice comme l'aube.
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C'est lorsqu'on a introspecté toutes ses possibilités qu'on se définit sans arbitraire, me semble-t-il. Celui qui a goûté à beaucoup de choses peut goûter à quelque chose. Sans regret, car il ne supportera que quelque chose où tout se trouve impliqué. Et quelque chose toujours virtuellement jaillissant ; car, à celui qui a eu soif, il faut inépuisable fontaine. Même s'il ne veut plus que l'entendre couler...
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L'oeil expert... Expert en choses merveilleuses, ou expert en choses pitoyables ? M'en fous. D'ailleurs, la putain qui se marie est plus jolie que la mondaine, qui compte les marches de la garçonnière. Et on ne peut jamais, jamais, juger ou étiqueter les autres. C'est pourquoi j'en parle si peu. Seul mon cas peut être prétexte à mes erreurs, mes observations et mes expériences. Ailleurs, si je le fais, c'est dans droit aucun. Et sans clairvoyance.
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Renouveler les éblouissements, non. Rien ne peut m'étonner, ni me désarçonner, ni me perdre, car j'ai tout perdu, par précaution, avant. La seule expérience valable : celle qui ne nous a pas guéris, tout en nous faisant apprendre. Avoir pris connaissance de certains problèmes, savoir que la solution est accessible, mais refuser ce confort de l'eurêka, car le problème, à mon avis, n'a d'intérêt qu'en sa donnée. Laisser donc chaque nuance à l'état fluide, jusqu'à ce que d'elle-même elle se dissolve, ou s'irise, ou se précise. Je m'en fiche. Je lutte because bagarreuse, plaisir des dents serrées, non celui de vaincre. Je crois qu'on ne lutte jamais sans restreindre, d'une manière ou d'une autre, son horizon intime; alors qu'il suffit souvent de penser doucement à autre chose pour que revienne l'état de grâce...
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Une folie ne peut être qu'originale, ne peut qu'être originale, plutôt. Si tout le monde s'y adonne,on le baptise alors Norme et même impératif. Donc, plus le monde est dingue, moins ça se remarque. La cervelle collective n'a que faire de l'introspection. Mais son exubérance s'arrête aux limites de l'individuel : qu'un des membres de la tribu se détache de la ronde - "orginet-Porginet" - pour exécuter une figure de son cru, ni plus ni moins frénétique, mais autre, le carrousel s'arrête et rythme des mains : c'est la meilleure hypothèse; ou bien il l'arrache au sol et le porte jusqu'au zénith, et finalement lui passe sur le corps, pendant que s'accélère le rythme initial...
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Vidéo de Albertine Sarrazin
Le choix des libraires. Rencontre avec Mélanie Dumont, de la librairie « L'Astragale » située dans la Cité des Gaules. Découvrez avec elle sa sélection d'ouvrages dont évidemment « L'Astragale » le roman d'Albertine Sarrazin, en passant par « le ciel de Bay City » de Catherine Mavrikakis ou encore « Dysfonctionnelle » d'Axl Cendres.
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