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Critique de lafilledepassage


"Que de bavardages, si tu ne veux pas courir de risques, il ne faut pas faire de politique !"

Je redécouvre avec bonheur cette pièce de Sartre, qui jadis m'avait été imposée au cours de français et qui avait suscité de vifs débats. Et il est intéressant de voir comment le temps a modifié mon point de vue …

Dans un pays envahi par les nazis, à la veille de leur chute et de l'invasion par l'armée rouge, deux hommes s'opposent : Hugo, un jeune intellectuel issu de la bourgeoisie, et Hoederer, l'un des chefs du parti révolutionnaire communiste.

C'est le combat entre l'idéaliste qui veut rester pur sans concession et le réaliste qui s'adapte aux circonstances avec le risque de se pervertir, de se perdre. C'est le combat entre l'homme d'idées, l'intellectuel, convaincu de la justesse de ses opinions bien arrêtées et loin de l'homme ordinaire, de la vie quotidienne, et de l'homme d'action, l'homme politique, qui connait la misère des hommes, leur souffrance et leurs angoisses, … Hugo hésite à tuer Hoederer, Hoederer est prêt à protéger (et donc à aimer) Hugo : ces personnages sont complexes, ambigus et non sans paradoxe. Ce qui en fait des hommes de chair qui ne nous laissent pas indifférents.

C'est aussi un livre sur le crime politique et sur l'action politique : les idées peuvent-elles justifier le meurtre d'un homme ? Peut-on tuer de sang froid un homme qu'on a côtoyé ? Qu'est-ce qu'une action politique ? Faut-il chercher l'efficacité en politique ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Quel est le rôle des idées dans la politique ?

Je découvre aussi un Sartre misogyne, laissant peu de place aux femmes dans sa pièce, telles la fiancée qui apparait idiote et superficielle ou l'amie terroriste, froide, butée et prête à tout pour défendre des idées toutes fabriquées par les hommes, incapable – selon Sartre - de penser par elle-même.

L'écriture en dialogue permet les formules chocs, expéditives voire brutales. Comme des vérités trop évidentes et qui forcent le débat. Telles « c'est vrai, tu as des idées toi. Cela te passera », ou le magnifique « méfiez-vous des enfants sages », ou encore « c'est si commode de donner, ça tient à distance. Et puis on a l'air inoffensif quand on mange » et « La politique est une science, tu peux démontrer que tu es dans le vrai et que les autres se trompent. »

Autant de petites phrases qui – comme des slogans publicitaires ou … politiques - résonneront encore longtemps dans mon esprit et nourriront mes réflexions.
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