«
Hors de soi » est le premier roman de
Sasha Marianna Salzmann. Ce livre ambitieux retrace l'histoire d'une famille sur quatre générations, autour du personnage d'Ali. Il y est question d'émigration, des relations familiales, du genre, de la religion…quand tous les repères éclatent et se diffractent, comment construire son identité ?
D'origine russe, Alissa, qui vit en Allemagne, arrive à Istanbul. Elle cherche désespérément à retrouver son frère jumeau, Anton, qui a mystérieusement disparu. Un soir, elle croit l'apercevoir dans une boîte de nuit. C'est là qu'elle rencontre Katharina, qui a amorcé sa transformation en homme pour devenir Katho. Ali suit un cheminement qui l'amène à s'interroger sur sa propre identité – l'histoire de ses parents, grands-parents, arrière grands parents, mais aussi les événements qui ont marqué son enfance sont autant de balises venant éclairer le destin singulier de la jeune femme.
La première partie (intitulée ‘Un') relate l'arrivée d'Ali à Istanbul et ses premières rencontres. L'atmosphère est un peu glauque, on sent bien que l'héroïne porte en elle une grande souffrance – elle semble égarée, simplement témoin de son existence. Et pour expliquer cette errance, cette perte de repères, il faudra remonter, comme souvent dans les romans, aux origines familiales d'Ali.
C'est alors que démarre l'histoire de la saga familiale. Malgré la liste des (principaux) personnages établie au début de l'ouvrage, je dois avouer que j'ai fini par complètement me perdre entre la lignée paternelle et maternelle, d'autant plus que les aïeux portent parfois le même nom (lui-même décliné en de multiples surnoms), que leurs descendants. Comme les personnages ne sont que rarement reliés au contexte historique, on ne peut se raccrocher à des dates. Reste à suivre le fil du récit, qui enchaîne des anecdotes plutôt savoureuses, mais sans grand lien entre elles. Peut-être est-ce un défaut commun à beaucoup de primo-romanciers : en voulant tout donner, ils ouvrent trop de brèches, dans lesquelles le lecteur s'engouffre et finit par s'égarer.
Après cette traversée foisonnante des antécédents familiaux, survient la partie ‘Deux', qui est beaucoup plus resserrée et intense…puis devient réellement captivante, jusqu'à la toute dernière phrase.
Parvenue au terme de la lecture, je ne peux que constater le fossé colossal qui sépare les générations et m'interroger sur l'existence, ou non, d'un héritage pour Ali. C'est plutôt la conjonction d'un ensemble de facteurs qui va causer sa déconstruction : il me semble bien qu'en passant de sa Russie natale, à l'Allemagne, puis à la Turquie, elle a égaré ses racines, oublié sa judéité, défait l'ancrage de sa langue maternelle; et en perdant son jumeau, son identité s'est fracturée définitivement. Cette diffraction rend le personnage d'Ali infiniment touchant, à la fois par sa fragilité et par cet amour éperdu qu'elle porte à son frère. Pour la suite, cliquez sur le lien !
Lien :
https://bit.ly/2VZI379