Du chiffon rouge au vert de rage…(1)
Persepolis, de
Marjane Satrapi auteur franco-iranienne, est une bande-dessinée en noir et blanc racontant l'enfance de cette femme en Iran dans les années 80. Dans le premier album, après avoir chassé le Shah du pouvoir en Iran lors de la révolution islamique, la famille Satrapi n'a cessé d'agiter le chiffon rouge devant cette radicalisation religieuse forcée.
Dans le tome deux, l'Iran étant affaibli, l'Iraq en profite pour attaquer son voisin et entre en guerre en septembre 80.
Après la fermeture des universités et le changement vestimentaire obligatoire, un deuxième drame s'abat sur la population iranienne : les bombes iraquiennes.
Le nouveau pouvoir en place va chercher dans cette guerre à ressouder l'esprit nationaliste iranien disloqué après les lendemains douloureux de la révolution. Afin de s'attaquer à Saddam Hussain, les pilotes enfermés en prison par les islamistes ressortent comme des héros pour bombarder Bagdad. En échange, l'Hymne iranien jusqu'alors formellement interdit est diffusé de nouveau à la radio.
L'Iraq étant mieux armé, l'Iran joue sa seule carte maitresse, le nombre d'hommes mobilisables. En effet, les enfants des familles pauvres sont envoyés au front pour être massacrés. Heureusement pour eux, ils emportaient autour du cou une petite clé dorée qui leur permettrait d'atteindre, le cas échéant, le paradis…
Afin d'éviter tout exode de population, le gouvernement a interdit à tout iranien de quitter le pays entre 80 et 83. Par la suite, malgré l'assouplissement de la mesure, les garçons de plus de treize ne pouvaient toujours pas quitter l'Iran.
Conjuguant la guerre extérieure avec l'Iraq et une répression intérieure religieuse,
Marjane Satrapi nous fait vivre de l'intérieur cette période terrible de l'Iran, alliant un humour savoureux à une émotion palpable. Les dessins sont très évocateurs et éclairent à merveille les effets dévastateurs d'un pays doublement en guerre.
Je finirai par cette anecdote cruelle concernant cet ancien laveur de carreau promu directeur d'hôpital par la grâce de la révolution. Pourtant sans aucune compétence, lui seul peut décider du sort de l'oncle de Marjarne gravement malade et nécessitant une opération urgente. « Si Dieu le veut bien » comme le dit si bien ce directeur barbu et fanatique!
Je ne peux que vous inciter à vous plonger dans
Persépolis, réussite graphique et historique, mettant en avant cette fillette verte de rage contre cet état meurtrier. Magnifique !
(1) le premier album de
Persépolis était rouge, le second étant vert pour des raisons que j'ignore encore.