AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de topocl


Quel livre étrange et sombre ! Qui m‘a emportée comme je comprends qu'il puisse laisser sur le côté.

Regardez ce pauvre petit Willie qui arrive au cimetière de Oak Hill. Son père, le respecté Abraham Lincoln, éploré et toute une foule accablé l'ont accompagné dans son « caisson de souffrance ». Mais à la nuit, les morts se réveillent, sortent des tombes, déambulent, discourent, soupirent après le monde d'avant. Et ce jeune garçon qui arrive, que son père déchiré entre son drame personnel et le drame national de la Guerre de Sécession n'arrive pas à quitter, ce garçon pur et droit dont les force du mal ne tardent pas à vouloir s'emparer, va chambouler tous les non-dits et les précaires équilibres.

Le lecteur se voit offrir une narration alternée : du côté des vivants, l'enfant agonisant pendant la resplendissante réception du Président des Etats-Unis, l'enterrement dans la boue, le père qui revient hanter le cimetière la première nuit, incapable d'y abandonner son doux enfant à la solitude de la mort, George Saunders compile des extraits de livres, articles, textes, références systématiquement à l'appui, dans un compilation scrupuleuse de points de vues extérieurs ainsi confrontés. Je me suis demandé tout au fil de ma lecture si ces extraits étaient réels, ou s'ils étaient composé malicieusement par l'inventif auteur, et je dois dire que je n'ai pas su répondre. Qu'importe, George Saunders refuse en tout cas d'être un narrateur omniscient, il laisse la parole à à ces nombreux témoins qui se sont plus ou moins amicalement penchés sur le destin de Lincoln..

Pour ce qui est du monde des morts, là non plus on ne dispose pas d'un récit linéaire, mais bien d'une pièce de théâtre où chacun prend la parole sans intertexte, commente, vitupère, n'hésitant pas au recours aux néologismes. C'est une sorte de choeur antique qui rapporte cette folle nuit de luttes, de terreur et de remise en question. Et ce choeur, s'il a quelques acteurs principaux, est composé de pas moins de 170 voix (dit-on) qui s'interpellent dans la nuit, alternativement tragiques, dérisoires, héroïques.

Les morts répondent ainsi aux vivants, de leurs deux royaumes de douleur et de misère.

Cette narration totalement inédite déconcerte au début. N'est-ce pas la pose d'un auteur qui s'est interrogé sur comment faire autre original, l'aboutissement surfait d'un atelier d'écriture mal digéré ? J'y ai cru un moment, puis, peu à peu cette scénarisation m'a envoûtée : une écriture déconcertante pour un conte baroque. Ces morts hurlant d'angoisse dans la nuit m'ont réellement subjuguée, je voyais ces formes hallucinées, hallucinantes, ces spectres grotesques, j'étais la metteuse en scène fébrile de cette farce tragique.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}