AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,07

sur 282 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un grand merci à Babelio et aux éditions French Pulp...

Elle contemple, à travers les barreaux de la fenêtre, l'aurore éclore. Après la pluie qui n'a cessé de toute la nuit, la cour est encore noire. le silence règne encore dans le Centre. D'ici peu de temps, les premiers résidents ne tarderont pas à se lever, les chariots à couiner dans les couloirs...
Juillet 2006. Cela aurait dû bien se passer. Beau Gosse avait tout prévu. Malheureusement, le cambriolage a mal tourné. Un petit vieux et son chien dans la rue, ce dernier ameutant tout le quartier avec ses aboiements. Des fenêtres, ici et là, qui s'éclairent. Beau Gosse qui tente de faire taire le cabot à coups de pied, La Fouine, apeurée, qui s'en prend au vieillard. Deux coups de feu tirés depuis l'un des immeubles en face. Beau Gosse et La Fouine tués par une balle de 22 long rifle. L'autre s'est pris 15 ans ferme. Une double peine pour celle qui se sent enfermée dans son corps...

Enfermé.e, titre très à propos, narre l'histoire de Virginie, née garçon et devenue fille. de sa naissance dans une famille mal aimante à l'enfer dans les prisons en passant par une enfance compliquée et une adolescence révélatrice. À partir de nombreuses références, d'articles et de témoignages, Jacques Saussey tisse un scénario ô combien passionnant mais encore tabou de nos jours. La preuve : la transidentité n'est plus considérée, en France, comme une affection psychiatrique seulement à partir de 2010. de même, l'OMS affirmera seulement le 18 juin 2018 que le transsexualisme n'est plus considéré comme une maladie mentale. le texte sera présenté en mai 2019 à l'Assemblée mondiale de la Santé et entrera en vigueur le 1er janvier 2022 ! Traitant de ce sujet mais aussi des conditions des transgenres en prison, des mentalités, des regards, l'auteur dépeint avec force le parcours très personnel de Virginie. Alternant passé et présent, il dévoile peu à peu les pièces du puzzle. Tout en nous plongeant dans une ambiance noire et violente, il nous offre un roman tout à la fois brut, bouleversant et captivant, habité par une Virginie inoubliable, le seul personnage prénommé.
Dense, original et remarquable...
Commenter  J’apprécie          899
Je savais que ce livre allait me plaire. Je le lorgne depuis longtemps.

Je lis enfin Jacques Saussey et quelle lecture !

Virginie est née dans le mauvais corps. C'est une femme enfermée à l'intérieur d'un corps masculin.

Après une peine de prison, elle se retrouve embauchée au Centre où elle semble avoir un but bien précis mais mystérieux.

Le roman s'articule entre la vie de Virginie dans ce Centre où des personnes très âgées viennent passer les derniers instants de leur vie et le récit de l'existence de Virginie depuis l'enfance.

Virginie est un des rares personnages du livre qui porte un prénom. Tous les êtres, souvent abjects, qui gravitent autour d'elles n'ont pas d'identité. le Pére. La Mère. le Curé. le Moche. le Musicien. L'auteur explique ce choix à la fin du livre. La société refusant à Virginie une identité, il décide d'enlever cette identité aux protagonistes du livre. Retour de boomerang.

On a entre les mains un roman très dur, parfois trop. Beaucoup de noirceur. de désespoir.

J'ai pensé à Karine Giebel ou à Claire Favan avec ce destin de femme qui prend aux tripes et sans concession.

Décidément le roman noir français est plein de pépites à découvrir.
Un sujet rare. Qui, au-delà d'un récit mené tambour battant qu'on ne peut lâcher, fait réfléchir à la place donnée dans notre société à la différence. A une époque où le droit à l'indifférence semble de plus en plus menacer, j'ai trouvé salutaire d'évoquer dans un roman de genre le transsexualisme.

J'ai donc encore une fois pu découvrir un auteur et ce roman étant le onzième de Jacques Saussey, je vais pouvoir prendre quelques cours de rattrapage.
Commenter  J’apprécie          810
Quand ça veut pas, ça veut pas.
Certains sont assujettis à la double peine.
Virginie, elle, connaîtra un double enfermement, celui du mitard couplé à celui du corps.
Pas née avec les bons chromosomes, elle n'aura qu'une seule et unique obsession, vouloir s'affirmer malgré l'effroi ouvertement affiché du Père et de la Mère.
Mais la roue tourne, dit-on. Lentement. Roue de l'infortune évoluant péniblement au rythme des pires brimades et de biens lourds tourments.
Puis vient la délivrance. Celle que l'on espérait plus. Celle qui allait lui permettre une certaine forme de résilience acquittée au prix fort.

♪Saussey, sey, sey, sey, sey le même♫.
Ben non, justement.
Il fait ici preuve d'un regard aiguisé et touchant sur un thème rarement usité, la transidentité.
Une problématique délicate traitée avec énormément d'acuité mais également de douleur psychique et physique.
Un agrégat de supplice et de désespoir suscité par un environnement aussi bestial que bas de plafond.

Le récit est habile, accrocheur, sans toutefois préserver le lecteur à la digestion un brin délicate d'user à l'envi de son sac à vomi.
En effet, Saussey ne nous épargne rien du quotidien dantesque de Virginie. Un karma placé sous le signe de la matriochka et c'est un cercle (sans mauvais jeu de mot) d'affliction infini auquel l'auteur nous convie.

J'ai adoré la trame, un peu moins le brouillard épais qu'il a fallu percé à grands coups de patience et de persévérance .
Nonobstant cette légère amertume finale, Enfermé.e se dévore littéralement tout en questionnant sur le sujet ce qui est plutôt notable dans ce genre littéraire qu'est le polar.

Enfermé.e, libérateur des pulsions les plus malsaines, légitime le talent pressenti de conteur de Jacques Saussey qui s'affirme comme une valeur incontournable du roman noir.
Commenter  J’apprécie          566
ATTENTION, pour lecteur averti...
Enfermé.e, c'est l'histoire d'un... euh ! d'une..., enfin, c'est l'histoire de quelqu'un.
Virginie assume sa différence, elle assume l'inconfort de sa situation.
Virginie assume le regard des autres.
Virginie subit. Les vexations, les coups, les viols.
Virginie veut être libre.
Mais un jour, dans cette vie déjà bien chaotique, tout bascule.
Virginie, déjà enfermée dans son corps se retrouve derrière les barreaux.
D'une prison à l'autre, Virginie va connaître la violence.
Dans des scènes parfois insupportables, Jacques Saussey va nous entrainer dans l'enfer de la vie de son personnage.
Le lecteur va l'accompagner de son plus jeune âge jusqu'à demain, en 2019.
Vous allez la suivre dans son parcours de combattant, pour se faire admettre, par les siens qui l'ont renié, par une société qui la condamne ou la rejette.
Derrière ce déchaînement de haine et de violence, il y a un message.
Saussey vous interpelle.
Il vous pointe du doigt.
Alors, serez-vous bourreau ?
Aurez-vous de la compassion ?
Vous révolterez-vous ?
Combattrez-vous pour la cause ?
En tout cas, je pense que vous ne resterez pas indifférent.
Un roman qui nous parle de notre monde.
D'êtres humains que nous croisons, avec mépris ou interrogation.
Des personnes que notre société a trop longtemps considérées comme des malades.
Il en a fallu des combats et des injustices pour arriver à les accepter comme nôtres.
Vous allez avoir le ventre noué, n'en doutez pas.
Comme moi, vous aurez envie d'abandonner cette lecture.
Mais au final, tout au bout, quand vous aurez tourné la dernière page, que vous aurez consulté les notes de l'auteur, alors viendra le temps de l'analyse et des questions.. Et si ce livre changeait votre regard ?
Commenter  J’apprécie          431

Peu après mon affectation au service des impôts des entreprises d'Arras, je regardais brièvement trois collègues d'un autre service que je ne connaissais pas fumer leur cigarette à l'extérieur.
- Elle n'est pas un peu bizarre, elle ? demandais-je aux personnes de mon service en désignant l'une de ces femmes, aux jolies jambes mais à la mâchoire carrée, maquillée comme un pot de peinture, au visage ... perturbant.
- Ah ben oui toi tu ne connais personne ici alors forcément tu n'es pas au courant. Avant elle s'appelait Pierre.
Je regrettais un peu mon ironie, de m'être arrêté à ce physique un peu spécial. Je n'ai jamais jugé du choix de vie, de cette volonté qu'avait eu Pierre de changer de sexe.
Je lui dis bonjour, mais lorsque je la croise je ressens toujours un imperceptible malaise. Il ne s'agit pas d'intolérance mais davantage d'incompréhension.

D'autres cachent ce malaise par le bais de l'humour.
Je pense à Rosa qui se retrouve dans la peau de William Shakespeare dans le roman humoristique de David Safier : Sors de ce corps, William.
A toutes ces séries ( Code Quantum ) où le temps d'un épisode deux héros se réveillent après un étrange échange de corps, souvent masculin et féminin.
Je pense à Miriam Rivera, héroïne transgenre de l'émission de téléréalité britannique "There's something about Miriam". Mannequin de 21 ans d'origine mexicaine, elle jouait le rôle d'une sorte de Bachelor pour six hommes qui devaient la séduire en ignorant bien sûr que cette femme attirante était née homme et disposait alors encore probablement de certains attributs masculins.
L'émission a-t-elle permis d'ouvrir les yeux des téléspectateurs et d'accepter davantage la communauté souffrant de transidentité ?
Ou n'était-ce au fond qu'une farce réalisée aux dépends de tous les candidats suivie par un public prêt à s'esclaffer lors du dernier épisode quand la vérité a éclaté au grand jour ?
"Est-ce qu'on devient homosexuel quand on baise avec un travelo ?"

Et pourtant, des personnes transgenres, on en connaît tous sans même le savoir.
"Mais les trans d'aujourd'hui sont médecins, instituteurs, ouvriers, banquiers, comptables... Il y en a partout et ils sont invisibles la plupart du temps."
Jacques Saussey nous donne quelques chiffres : C'est une personne sur cinq cent qui souffre d'un problème d'identité en France, soit 134 000 personnes qui sont concernées. France qui a été le premier pays au monde à ne plus considérer ce trouble identitaire comme relevant de la psychiatrie.
Et c'était en 2010.

Dans ce roman paru il y a deux ans désormais, Jacques Saussey nous fait vivre l'enfer en prenant pour héroïne Virginie, de sa naissance en tant que garçon à ses trente-et-un ans en tant que femme.
"Je ne suis pas un travesti. Je suis une femme coincée dans le corps d'un homme."
"La nature s'est trompée."
"Elle n'est pas née du bon côté de la barrière."
Le roman alterne entre deux parties. le passé de Virginie année après année, comme de courts flashs de moments bouleversant son existence ou illustrant simplement sa souffrance quotidienne.
Et le présent de Virginie, quand elle devient aide-soignante à sa sortie de prison dans une maison de retraite appelée le Centre. Tous les employés y sont d'anciens criminels à qui le Directeur accepte de donner une chance de se réinsérer dans la société.
"Parricides, infanticides, violeurs, braqueurs, dealeurs, hommes de main, assassins divers et variés, la liste est longue."
Par courts chapitres de trois à six pages, l'auteur écrit donc presque deux romans distincts avec la même héroïne transgenre. L'un très psychologique et absolument bouleversant, l'autre davantage policier, un peu moins intéressant malgré sa galerie de personnages inquiétants et son ambiance lugubre. du moins jusqu'à ce qu'on réalise où Jacques Saussey nous emmène.

L'écrivain n'explique pas comment ce petit garçon est progressivement devenu Virginie. La seule piste éventuelle c'est le rejet qu'a manifesté son père à sa naissance. Mais y a-t-il vraiment une explication à chercher, un traumatisme à mettre à jour ?
"Votre fils sera incapable d'avoir une existence normale tant que nous n'aurons pas réussi à le remettre sur les rails de son identité masculine."
Pourquoi raisonner comme s'il s'agissait d'une maladie ? Est-il si inconcevable que l'esprit et le corps ne soient pas toujours coordonnés ? Chaque homme a une part de féminité, et inversement. Personnellement je vis très bien avec et je n'en n'ai pas honte. Mais si cette part était décuplée ? Ou davantage ? Qui aurait pu me comprendre et m'accepter ?
L'empathie qu'on ressent pour Virginie est si intense qu'elle nous noue le ventre. On essaie de comprendre ce garçon ... cette fille.
"Mais alors ... t'es quoi exactement ? Gay ? Travesti ? Transsexuel ?"
Et sans forcément y parvenir on veut la protéger, on souhaite qu'elle soit acceptée telle qu'elle est. Il s'agit bien d'un être humain à part entière et non d'une bête de cirque, d'une Chose.
Mais ça n'est pas au lecteur de décider. Et c'est les mains liées que nous assisterons à la descente aux enfers de l'héroïne, incomprise notamment par ses camarades de classe et par son père.
"Son fils ne serait ni un pédé ni un travelo, ça non ! Il allait le dresser et ça n'allait pas traîner !"
Et on leur en veut à tous ces idiots pour le déferlement de violences physiques et morales qu'ils vont faire subir à une personne déjà mal dans sa peau, pour qui le suicide pourrait être la seule échappatoire.
En même temps on vit dans un monde où, si la tolérance progresse, apprendre ne serait-ce que l'homosexualité d'un de ses enfants n'est pas toujours une pilule facile à avaler sans que l'amour parental ne soit forcément à remettre en cause.

J'ai un petit reproche quand même à formuler, ce sont les trop nombreuses scènes de sexe. Elles ne sont pas détaillées, mais elles pullulent au point de faire - vous me pardonnerez l'expression - de l'anus de Virginie un véritable garage à bites.
"Je suppose que vous n'avez jamais essayé la sodomie ?"
Liaisons consenties, liaisons tarifées et bien sûr viols à répétition en particulier en prison.
Des moments de dégradation et d'humiliation parfois nécessaires pour comprendre que les traumatismes physiques et psychologiques n'avaient désormais plus aucune limite pour Virginie qui sombrait dans un tunnel sans fin et n'était plus considérée que comme source de plaisir.
Mais d'autres aussi qui m'ont laissé plus sceptiques. Ou c'est peut-être mon esprit étriqué qui veut ça. Mais j'ai trouvé surprenant qu'une femme pas encore totalement sortie de sa chrysalide, pas encore tout à fait devenue papillon, puisse séduire autant d'hommes à sa sortie de prison.
"Ses seins allaient pousser. Ses poils allaient devenir plus discrets, plus souples. Son visage allait s'affiner."
Après il est possible que malgré cette lecture qui nous oblige à ouvrir les yeux, à partager l'existence, les souffrances et l'injustice quotidiennes d'une victime qui n'avait jamais rien demandé à personne, je me sente malgré tout encore obligé de ranger les personnes dans des cases. Mais avec bien plus de recul qu'auparavant parce qu'il s'agit forcément d'un livre qui participe à changer les regards.

Et l'un des tours de force de ce roman, c'est d'avoir enlevé à chaque protagoniste son patronyme.
Jamais vous ne connaitrez le prénom de Virginie à la naissance. Ni ceux de ses parents qui seront tout simplement "Le père" et "La mère".
Les regards sur elle en font un objet de curiosité, un travesti, une pute, un androgyne. Rien d'autre. Sûrement pas un être humain à part entière avec sa vie, ses rares joies, ses nombreux appels au secours, ses propres pensées, ses besoins en tant qu'individu.
Alors Jacques Saussey met tout le monde sur un pied d'égalité.
Vu que les regards d'autrui s'arrêtent à ce qu'ils voient en surface, tous les autres protagonistes du livre seront eux aussi réduits à leur plus simple expression : leurs fonctions, leurs surnoms.
La lingère, le curé, la fouine, le bouledogue, l'infirmière, le cinglé, l'Africain, le gâteux, le chétif ... Et bien d'autres encore.
Pour mieux nous dire qu'il ne faut pas d'arrêter à la surface.
Que limiter une personne à un trait de caractère, une fonction ou un aspect physique relève de l'irrespect.
Si vous connaissez un transsexuel et qu'il n'est que ça à vos yeux, imaginez que pour les autres vous ne soyez que "Le gros", "La vieille", "Le black", "Le gros con", "La nympho", "L'illuminé", "La dépressive".
Comment un seul mot pourrait-il décrire une personne sans la réduire à néant ?

On ne peut pas dire qu'Enfermé.e soit un petit bijou d'optimisme.
Toutes les formes d'incarcération y sont explorées : La prison bien sûr, les maisons de retraite qui sont la dernière demeure de personnes âgées bien souvent prisonnières de leur corps ou de leur esprit, attendant simplement la mort. Et la prison de personnes souffrant de transidentité, qui sont nées dans la mauvaise enveloppe charnelle.
La majorité des personnages sont donc tous d'une façon ou d'une autre en marge de la société : Criminels, vieillards solitaires, personnes en recherche d'identité, victimes de railleries.
C'est très noir, c'est violent sur le plan émotionnel, c'est sans concession.
Et pourtant ..
En choisissant Virginie pour héroïne, en nous montrant tous les obstacles qui se dressent sur son chemin pour l'empêcher de se construire comme elle le voudrait ...
"Je ne veux pas devenir une fille. Je suis une fille !"
... En nous montrant les rires, les brimades, les abus sexuels, la méchanceté et l'aveuglement de la quasi totalité de l'entourage de Virginie, à quelques douces exceptions près ...
Jacques Saussey réussit son pari on ne peut plus humain.
Il nous demande, à nous lecteurs, si nous souhaitons participer à cette ignorance, à cette incompréhension qui était aussi la mienne et dont je vous parlais en début de chronique.
Quelle que soit déjà votre ouverture d'esprit, Enfermé.e nous demande la plus grande indulgence face à ces personnes déjà suffisamment perdues, qu'il faut savoir écouter, et dont il faut respecter les choix.
Vous ne pourrez que constater que la problématique et les souffrances sont encore bien plus importantes que vous ne le soupçonniez. Que vous ne faisiez qu'effleurer la surface.

Si votre fille veut devenir un garçon, elle ne changera que physiquement.
Elle sera plus heureuse ainsi.
Et ne se jettera pas sous un train.

Commenter  J’apprécie          356
Jacques Saussey écrit le plus souvent du thriller, ce n'est pas pour autant qu'il se laisse enfermer dans un style. C'est tout à son honneur. Enfermée.e en est un exemple des plus frappants.

Oui il y a des meurtres, du suspense, de l'action, mais tout ceci n'est là que pour mettre en scène une thématique forte et rarement traitée.

Faites appel à votre empathie et tentez (à minima) de vous mettre à la place d'une personne captive d'un mauvais corps, d'une femme claustrée dans un corps d'homme. C'est tellement difficile de vraiment ressentir ce que peut vivre psychologiquement au quotidien une personne comme elle.

Le cheminement de compréhension, on le fait avec Jacques Saussey, on l'accompagne suite à ses recherches. Un cheminement que l'auteur a fait avec intelligence (cf la liste des livres cités en référence, en fin d'ouvrage), avec son coeur et ses tripes (l'histoire lui est venue suite au coming out de sa nièce).

Enfermé.e n'en reste pas moins une fiction. Et l'écrivain a voulu parler d'un sujet fort sans se départir de son talent naturel qui est d'écrire des romans noirs. le récit a donc une intrigue, des rebondissements et un final surprenant.

Le sujet tourne autour de la transidentité. Rien que pour bien comprendre cette notion et ne plus mélanger les genres (désolé pour le mauvais jeu de mot), ce livre est salvateur. Non, il n'est pas question d'orientation sexuelle, mais bien de personnes dont l'identité intérieure n'est pas en corrélation avec leur enveloppe extérieure.

L'idée de traiter ce thème difficile à travers un roman noir est tout simplement formidable. On comprend petit à petit le cheminement personnel de l'héroïne, son parcours de vie, ses épreuves et ses questionnements. le tout enrobé dans une vraie intrigue qui fait qu'on est pris dans l'histoire tout en comprenant mieux cette transidentité.

Il y a tant de bonnes idées dans ce livre ! le fait de ne donner un nom à aucun des protagonistes, sauf Virginie le personnage principal, mais les affubler d'un qualificatif. Belle manière de nous faire comprendre ce que peut vivre une personne comme elle, toujours traitée de surnoms peu flatteurs.

Le jeu avec les époques est également joliment maîtrisé au sein d'une intrigue qui prend peu à peu du corps.

Sans trop en dévoiler, une partie du livre m'a fait penser à ce qu'on retrouvait dans Meurtre pour rédemption de Karine Giébel. J'en parle parce que c'est le bémol très personnel que j'émettrais (et je suis très minoritaire à lire les autres commentaires vus sur le livre) : certaines scènes sont très violentes, et cette violence est souvent justifiée. J'ai cependant ressenti qu'il y en avait trop, avec quelques passages que j'ai trouvé dispensables. Comme à l'époque du livre de Giébel, que j'ai pourtant beaucoup aimé.

Enfermé.e est un roman unique, dans l'air du temps, salutaire. Il est tout ce qui représente la bonne littérature noire à mes yeux : plonger le lecteur dans une histoire prenante tout en le faisant réfléchir sur notre monde, notre société. C'est grâce à ce genre de livres que l'on avance vers une meilleure compréhension de l'autre et une meilleure acceptation de la différence (qui est TOUJOURS une richesse).

Jacques Saussey a pris des risques en se lançant dans une telle aventure. A l'image de la couverture bien trouvée, il est allé au-delà des barreaux pour regarder au fond des yeux et de l'âme des personnes transidentitaires. Il l'a fait avec sérieux et sensibilité pour nous offrir un roman noir différent et terriblement humain.

PS : je dois dire mon scepticisme quant à la 4ème de couverture. On s'énerve souvent contre celles qui en disent trop sur l'histoire. Ici, on est à l'exacte opposé, elle ne dit rien et ne me semble vraiment pas vendeuse pour ceux qui n'ont préalablement pas entendu parler du livre.
Lien : https://gruznamur.com/2018/1..
Commenter  J’apprécie          180
J'avais le choix entre un polar sanglant et Enfermé.e. J'ai choisi Enfermé.e en pensant un thriller psychologique. Eh bien âme sensible passe ton chemin. Violence psychologique, violence physique, humiliation... Rien ne nous est épargné.
Virginie est né garçon. Elle l'a su très tôt qu'on lui demandait d'être quelqu'un qu'elle n'est pas. Née en 1988, rien n'est simple dans son enfance : moqueries et violence à l'école, incompréhensions et violence à la maison.
Rien ne s'arrange à l'âge adulte. Elle est condamnée à 15 ans de prison. Je vous passe les violences...

Le récit se lit très vite. Je l'ai commencé samedi soir et je l'ai fini dimanche soir. L'intrigue alterne enfance, prison, vie après la prison. le personnage de Virginie subit le pire et pourtant elle a la force de continuer, elle a un esprit conquérant et vengeur. J'ai totalement adhéré à la volonté de l'auteur de donner aux personnages des identités par les autres. Mais malheureusement ça crée un rapport bons/méchants sans nuance parfois. On est parfois dans l'incompréhension du comportement de Virginie car on en oublie que c'est un roman.
Bravo à l'auteur pour son personnage transgenre. le roman malgré des imperfections est bien mené et le retournement de situation non attendu.
Je lirai d'autres romans de l'auteur dès que j'en aurai l'occasion.
Commenter  J’apprécie          152
Ouh la la Monsieur Saussey, mais vous avez décidé d'être horrible avec votre personnage principal ! C'est quoi cette envie de lui donner un destin si épouvantable. J'espère que vous êtes fière de vous ! 😉

Virginie est une jeune femme emprisonnée pour le meurtre d'une personne âgée survenu lors d'un cambriolage qui a mal tourné. Mais, elle a une double peine puisqu'elle est captive d'un corps qui ne lui correspond pas. Elle est née garçon. L'histoire commence à sa libération et son embauche dans une maison de retraite un peu particulière.

La Secrétaire a eu une mimique éloquente en scrutant sa chevelure d'un verdâtre pisseux.
— Et cette couleur, c'est pourquoi ?
— C'est parce que je suis libre, aujourd'hui. Libre d'assumer tous mes choix. Libre de proclamer que je suis différente et que ce n'est pas contagieux.
La femme a souri.

Voilà un thème peu banal ! Ou tout du moins qui se généralise tout doucement en fonction des mentalités qui changent. Il y a encore quelque temps, j'aurai pu écrire que c'est un sujet tabou, maintenant cela ne me vient pas à l'esprit. Et c'est tant mieux ! La transidentité existe et n'est plus considérée comme une déviance psychologique. D'ailleurs l'auteur, nous donne quelques renseignements fort intéressants, que ce soit en nota benne ou à la fin de son roman. Il y a un travail de recherche très constructif pour le lecteur et qui renforce le message de l'auteur.

Maintenant, je suis persuadée que l'auteur sait lâché ! Et je préviens les lecteurs que c'est cru, violent. Si vous avez l'âme sensible, ce récit n'est pas pour vous ! le personnage de Virginie va vivre des moments abjects qui vont donner la nausée au lecteur. Et même ce qu'elle s'inflige par la suite est loin d'être anodin. Cette jeune femme ne connait que les sévices, les insultes. Comment s'aimer dans de telles circonstances ?

Bien entendu, Jacques Saussey ne nous pond pas un bouquin juste pour ce déchaînement de coups, il a bien entendu une trame, une intrigue. Il se passe quelque chose dans cette maison de retraite et vous le découvrirez lors de votre lecture. J'ai pour ma part compris ce qu'elle faisait, mais absolument pas la raison de tout cela.

Tous les personnages sont des repris de justice, donc des salopards ! Voilà ça, c'est dit 🙂 Les pensionnaires sont aussi hauts en couleur. Une mention spéciale pour la petite vieille muette.

– Quoi ?? Tu parles ? Mais pourquoi tu ne nous as jamais rien dit ?
La Vieille pose un regard d'un gris blanc sur lui.
– Ce n'est pas parce qu'une armoire est fermée qu'elle est vide…
– En tout cas, c'est pas souvent qu'une bonne femme ouvre la bouche pour dire quelque chose d'intelligent !
– C'est parce qu'on n'a pas souvent en face de nous quelqu'un qui l'est assez pour comprendre.

Alors convaincu ?? Ce livre est pour vous !
Lien : https://lesciblesdunelectric..
Commenter  J’apprécie          130
Le personnage transgenre doit être à la mode car « Enfermé.e » est le deuxième roman que je lis en quinze jours sur ce thème du « transsexualisme ». Comme le dit l'auteur en fin d'ouvrage, « un rapport du Conseil de l'Europe indique qu'un humain sur 500 serait concerné par la transidentité », autrement dit, par le fait de naître dans une enveloppe corporelle qui ne correspond pas à l'identité ressentie par l'esprit. Difficile, dès lors, de se construire.
Les difficultés liées à ce « trouble de l'identité », le personnage principal de ce roman va en rencontrer, en masse, dès le plus jeune âge. Virginie, ainsi qu'elle s'est elle-même prénommée, est née dans le corps d'un garçon. Très vite, elle se sent appartenir à la gent féminine. Mais le regard des autres n'en a pas décidé ainsi. Tout d'abord, celui des parents, qui ne savent pas comment (ré)agir, puis celui des camarades de classe, et enfin, celui des amoureu(ses)x.
Une fois adulte, Virginie va devoir continuer à construire son identité propre, mais le chemin sera semé d'embûches et de mauvaises rencontres qui l'emmèneront dans un lieu sans foi ni loi : la prison. Comment s'en sortir vivant(e) lorsqu'on est une femme incarcérée dans une prison d'hommes parce que l'on a un corps doté d'un appareil génital masculin ?

Jacques Saussey est parti de témoignages réels pour construire son roman de fiction ; une réalité imaginée ou une fiction réelle ? En tout cas, une lecture qui donne de nombreux frissons !
Commenter  J’apprécie          120
La différence ... être différent ! Parfois cela peut être bénéfique mais très souvent, au contraire cela peut anéantir la personne ^^
Virginie c'est une fille avec un zizi comme elle dit ... mais c'est une fille !! et elle l'assume très bien mais malheureusement personne ne la comprend (ni dans sa famille, ni à l'école, ...) Elle sera victime d'une violence inouie de la part des autres mais également d'elle même.
Attention, certaines scènes dans ce livre sont très très choquantes ! à ne pas mettre entre toutes les mains ! Je ne sais si on me comprendra mais pour moi c'est une histoire à la K.Giebel avec la plume de J.Incardona ... C'est pour vous montrez à quel point ce livre peut être trash parfois ...
J'ai passé un excellent moment de lecture mais j'avoue avoir été choquée par moment ... cette façon si réelle et si trash d'expliquer les choses me laisse une colère en moi ... Une révolte plus exactement !
Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (670) Voir plus



Quiz Voir plus

Enfermé.e - Jacques Saussey

[Juillet 2006] Qui a participé au cambriolage avec Virginie et la Fouine ?

Le Cinglé
Beau Gosse
Le Curé
Le Jardinier

13 questions
12 lecteurs ont répondu
Thème : Enfermé.e de Jacques SausseyCréer un quiz sur ce livre

{* *}