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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« La certitude que quelqu'un continue à aimer et à attendre, pour qui le reste n'est qu'un dérivatif momentané et sans pouvoir, est un grand bonheur pour un malade. Il a la sensation que la vie qu'il a laissée s'est aperçue de son absence. »
C'est avec cette aspiration chevillée au coeur et au corps, cette fragile et douce espérance que son amant attendra son retour, que Marcelle Sauvageot rejoint le sanatorium où elle doit être soignée contre le mal qui la ronge depuis plusieurs années, la tuberculose.
Mais quelques jours plus tard, l'espoir d'un futur permettant de « continuer en mieux ce qui était autrefois » s'effondre brusquement, avec la réception d'une lettre de l'homme aimé contenant ces quelques mots lapidaires « Je me marie….Notre amitié demeure… ».
Une lettre de rupture qui la laisse au bord du vide et l'esprit en souffrance mais avec malgré tout le désir farouche de répondre à l'offense et à la trahison par une longue missive adressée à l'amant perdu.
Une lettre qui ne sera jamais envoyée mais dans laquelle l'auteur pourra exprimer sa détresse, analyser les variations de son coeur et explorer ses sentiments vis-à-vis de l'amour, de la relation amoureuse entretenue avec l'être aimé ou encore des termes employés pour tenter d'adoucir l'annonce de la rupture par celui qu'elle surnommait « Bébé ».

Ce texte intitulé « Commentaire » lors de sa première parution en 1933 sera le seul écrit que laissera Marcelle Sauvageot (1900 – 1934), décédée peu après des suites de sa maladie à 34 ans à peine.
D'abord parue dans l'intimité, cette oeuvre vibrante d'émotion et de justesse et encensée par des écrivains tels que Clara Malraux, Charles du Bos (qui en signe l'avant-propos) ou Jacques Chardonne, n'a pas cessé d'être rééditée depuis 80 ans, ralliant un public de plus en plus large bouleversé par la puissance, l'authenticité et l'universalité de son sujet.
Car « Laissez-moi » fait partie de ces écrits intimes où l'on est dans le vrai, dans le juste, dans ce que l'esprit s'octroie délibérément de franchise et de légitimité quand il sait que la maladie le tient en sursis. Pour Marcelle Sauvageot, il n'est plus temps de mentir ou de paraître autre que ce que l'on est.
Ce qu'elle ne peut plus trouver auprès d'un amant qui aurait été à la fois son complice, son double et son confident, elle entend le trouver au fond d'elle-même, puisant dans la lucidité et l'acuité de son regard la force de s'affranchir de la souffrance et de surmonter l'épreuve.

Le regard qu'elle jette alors sur la relation homme / femme et notamment sur son ancien amant, est des plus affûtés et des plus clairvoyants.
C'est d'abord la volonté de démythifier un tant soit peu l'être aimé, de le remettre à sa juste place en soulignant l'indélicatesse toute masculine du comportement de rupture. La demande d'amitié formulée pour compenser l'impossibilité de l'amour, si elle est souvent de mise dans ce genre de situation, est loin d'être une option envisageable pour Marcelle Sauvageot qui s'en explique en décrivant avec une ironie fine les liens qui unissent communément les « amis » et ne sauraient s'appliquer à son ancien amour.
C'est aussi le travail d'introspection, les interrogations et l'expression de la souffrance, les erreurs et les hésitations, les difficultés à dévoiler ses sentiments. « En niant que mon coeur aime, je m'attache plus que celui qui me dit : je t'aime. Je voudrais qu'on me devine : mais on ne voit que les pirouettes et l'ironie. Lui aussi n'a dû voir qu'elles ; je ne lui ai rien montré d'autre. Est-ce que je n'ai pas trop demandé à son attente ? »

Marcelle Sauvageot fait montre d'un esprit d'indépendance rare pour l'époque. Son intelligence vive et réfléchie, son insolence, sa modernité, la force et la dignité qu'elle projette dans ces belles lignes écrites sans complaisance, avec un grand souci de rigueur, de clarté et d'honnêteté vis-à-vis de soi- même et des autres, embrasent le texte d'une émotion purifiée de tout pathos ou de toute autre exagération sentimentale.
La sincérité du ton ajoutée à la pertinence de l'analyse, à la précision des arguments, lui donnent une dimension universelle ainsi qu'un parfum de doux féminisme. le passage par exemple, dans lequel l'auteur parle des femmes mariées n'ayant que le mot « mon mari » à la bouche est encore bien d'actualité lorsqu'on écoute certaine femme autrefois si « libérée » nous donnant du « Mon Mari » à toutes les sauces depuis leur union avec un certain chef d'état ….

« Laissez-moi » est de ces oeuvres qui résonnent longtemps au fond de soi parce qu'elles disent l'indicible avec des mots qui reflètent chacun d'entre nous.
A la perte des illusions, au renoncement d'un tendre amour, au combat de la maladie, Marcelle Sauvageot oppose encore et toujours la petite flamme de la vie et l'éclat fulgurant d'une existence brève mais intense.
« J'aimerais conserver en moi comme un talisman le souvenir d'hier soir. Fermons les yeux pour que l'illusion revienne. C'est la même chose qu'en rêve : il ne faut pas bouger.»

A noter dans la nouvelle édition Libretto, la très belle préface d'Elsa Zylberstein qui a interprété « Laissez-moi » en 2007 au théâtre des Bouffes du Nord sous la direction de Laetitia Masson.
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Je ne connaissais pas cette collection de Librio " oeuvre du matrimoine" mettant en avant des textes courts écrits par des femmes souvent méconnues. Les sortir de l'oubli est en soi une excellente idée.

Marcelle Sauvageot, dont c'est l'unique livre, est morte en 1934 de la tuberculose, peu de temps après la publication de" Laissez-moi". On pourrait penser que c'est un récit autobiographique car la narratrice répond à son amant, qui lui a envoyé une lettre de rupture et lui a annoncė son prochain mariage, depuis un sanatorium où l'auteure a elle-même séjourné.

L'écriture est remarquable de justesse , l'analyse psychologique fouillée et précise. Toutes les phases par lesquelles passe cette femme blessée sont décortiquėes avec pertinence et force: colère, jalousie, anéantissement, volonté pourtant de se relever seule, de retrouver sa liberté, son indépendance, ce qui dans cette société de début 20 ème siècle est encore mal vu pour une femme...

Mais il m'a manqué de l'émotion, je n'ai pas réussi à imaginer cette femme en chair et en os, la dissection de ses sentiments, sensations, m'a semblé un peu froide, distanciée, même si le procédé est sans doute voulu. C'est ce qui a un peu modéré mon enthousiasme. Cependant, voilà assurément un texte à découvrir.


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Je voudrais juste rajouter à toutes les critiques ici extrêmement élogieuses et que je partage en très grande partie, une toute petite nuance : oui cette introspection est d'une profondeur et d'une exigence rares, et ce témoignage amoureux poignant. Oui, certaines phrases sont d'une beauté étonnante. Mais ce que je retiens surtout est que cette femme écrit cette lettre (non pas à des fins d'être publiée), en 1930, et qu'elle y affirme avec force une indépendance et un féminisme tout à fait rares pour l'époque.
Je dois reconnaître que pour ma part j'ai un peu fléchi dans mon admiration par moment, trouvant l'expression un peu trop désincarnée, mais c'est un ressenti tout à fait personnel qui n'altère en rien la certitude que Marcelle Sauvageot aurait pu nous transmettre des oeuvres encore plus abouties si la maladie ne l'avait pas emportée.
Toutefois, ce qui m'a surtout gênée, c'est la postface et l'orientation appuyée (je dirais presque "récupération") vers des valeurs religieuses et chrétiennes. Quelles que soient les convictions de l'auteur ou de ses amis, que je respecte, je trouve que c'est affaiblir la portée de cette lettre qui dépasse de loin, selon moi, tout attachement religieux.
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Une rupture amoureuse n'est jamais facile. Mais quand la femme délaissée est de surcroît très malade, la tuberculose, et apprend la rupture par une lettre que lui a adressé son amant, lors de son retour au sanatorium ; le choc est certainement plus rude encore.
"Je me marie... notre amitié demeure..."
Du 7 novembre au 24 décembre 1930, le texte retrace un pseudo échange épistolaire. L'homme écrit, mais on n'en voit que des bribes ; la femme répond, mais sans jamais rien expédier. Son texte s'apparente davantage au journal intime qui permet de garder trace de l'évolution des sentiments.
La lettre de rupture est reçue le 10 décembre, deux petites semaines pour digérer la douleur et tirer un trait.
Dignité, sobriété, intensité, dépouillement du style. Si l'amour est affaire de sentiments et d'émotions où l'intellect est souvent placé en arrière plan , on est frappé de voir comment Marcelle s'en affranchit par l'analyse toute intellectuelle... et froide.
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Je me souviens du mot, du lent mouvement de la parole…
De cette intimité diluée, de cette missive qui atteint sa cible, le coeur.
L'heure n'attend plus, lorsqu'on est entre deux instants, entre la vie, la mort, entre le doute, la certitude, entre la tristesse de perdre ce qu'on croyait « être » et ce qu'on pensait ne plus savoir, avoir…
Son amour déçu, son amour déchu laisse des traces, une mélancolie… Tant de mots, tant de choses qui font parti des non-dits, de cette parole qu'on adresse qu'à soit et qu'on voudrait pourtant faire entendre.
« Laissez-moi » parler aurait pu être le titre, « laissez-moi » dire…
Une lecture qui ravive la parole perdue, qui avive le sentiment intérieur, rempli de ces émotions qu'on tait autant par pudeur que par incapacité à les faire sortir, s'envoler…
Des lettres jamais envoyées qui courent encore vers leurs destinées… Etre lue…
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Ce joli texte suit une rupture amoureuse. Le récit au Je raconte le double combat d'une femme pour soigner ses blessures et la maladie dont elle est affligée, la tuberculose. Ce sera l'unique oeuvre de Marcelle Sauvageot qui mourra à 34 ans de la tuberculose justement. L'écrit paraîtra en 1933. Ce n'est que plus tard qu'on lui accordera toute l'attention qu'il mérite.

L'écriture est belle, sans fioritures. L'auteure, avec beaucoup de lucidité, y décrit tous les subterfuges de l'amour naissant et de l'amour finissant. C'est l'acuité de son regard qui donne toute sa puissance à l'oeuvre. Et c'est ce même regard qui permettra à l'héroïne de dépasser le chagrin et de se retrouver neuve au bout du chemin. Très beau !
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Ce livre est un cri du coeur ! Celui de Marcelle Sauvageot ; elle adresse à son Amour, son amant, plusieurs lettres pimentées pour répondre au courrier qu'il lui a envoyé alors qu'elle se trouvait au Sanatorium pour tenter de soigner sa tuberculose… Ce sale goujat la quitte et lui annonce aussi dans ce même courrier qu'il s'est fiancé à une autre. Et devinez quoi ? Il l'a friendzone ! Restons ami ! mais bien sûr !
" Je me marie… notre amitié demeure…"

Murielle, professeure agrégée de lettres, reste très digne malgré sa blessure…Tour à tour elle analyse la missive et s'interroge, exprime ses sentiments, comprend, se révolte… et les punchlines qu'elle lui adresse sont très affutées ! un soupçon d'ironie se cachent derrière ses répliques assassines…

Un très bon moment de littérature, l'écriture est si belle, le texte si profond ! le récit est intelligent ! Murielle Sauvageot devait être une femme de caractère à l'esprit très vif.

Cette oeuvre est poignante, elle va résonner un moment dans mes réflexions féministes ! J'ai recopié quelques passages dans mon carnet d'écriture !
Ce livre est court, mais ses 72 pages sont intenses.

Pour la petite info, Marcelle Sauvageot repose pas très loin de chez moi dans la Meuse, d'où était originaire sa famille.

Bravo aux éditions @librio_flammarion qui viennent de sortir une collection de 6 livres « oeuvre du Matrimoine » ! de la littérature féministe, j'adore ça ! Hâte de tous me les procurer !
Et merci à @babelio_ et la #massecritiquebabelio pour cette jolie découverte.

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Je prêtais dernièrement l'oreille à un podcast (je déballe ma bibliothèque sur France Inter) où Elsa Zylberstein dévoilait des passages de ses livres préférés. Et c'est ainsi qu'elle en est venue à évoquer Laissez-moi de Marcelle Sauvageot dont je n'avais jamais entendu parler auparavant et que je n'aurais sans doute pas remarqué sur les étagères. Mais voilà, l'histoire d'une femme délaissée par son amant m'a tout de suite parlé.

C'est un récit autobiographique que celui-ci où l'auteur, se battant contre la maladie, se trouve de plus trahie par son amant qui l'abandonne pour une autre. Marcelle Sauvageot a une plume douloureusement brillante car les lettres retranscrites issues sont éloquentes d'une force de vivre, d'un sentiment pur qu'est l'amour interrompu à son apogée. Il paraît lâche le traitre qui annonce ses fiançailles ailleurs. Ne l'aimait-il pas pour de bon? Simulait-il la jalousie? On se doute que le récit est d'un autre temps où le mariage est inévitablement évoqué sitôt qu'une relation de couple s'instaure (stabilité, sécurité et famille sont les maîtres mots).

Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'être quitté ou dans la peine pour être sensible aux mots vibrants de Marcelle Sauvageot. Son témoignage est bouleversant d'autant plus quand on connait sa courte vie et son combat éprouvant contre la maladie (et qu'elle a malheureusement perdu).
C'est un vrai beau texte sur la puissance des sentiments, sur l'amour déçu mais aussi sur la foi en l'avenir, bien qu'il soit autre et imprécis.
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Dans la famille des Héroïdes, - ces amoureuses abandonnées qui pleurent leur désespoir, voir Ovide, voir les Lettres de la religieuse portugaise, etc..- je voudrais la fierté et la lucidité!Je voudrais l'absence de tout compromis, de tout affaissement soumis! Je voudrais "Laissez-moi"
Il faut lire ce petit livre autobiographique d'une haute tenue et d'un style tout classique.

Un diamant brut qui comme disait Gracq laissera toujours sa trace "dans notre mémoire comme un rai de diamant sur une vitre".
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Un minuscule livre et des lignes d'une pertinence, d'une intelligence et véracité folle, celle d'une rupture amoureuse, celle d'un retour à soi aussi… d'un retour à soi, pour soi et pour recouvrer la santé. le monologue d'une trentenaire, grande malade, qui découvre sa rupture amoureuse par lettre interposée. Melle SAUVAGEOT parle d'elle, de sa manière d'aimer et des termes même de sa rupture.
Les « commentaires » reprennent les sentiments derrière l'amour. (...) Mais c'est surtout un livre sur la rupture, la séparation de corps mais surtout d'esprit, (...) sur l'amour et l'amitié, sur notre capacité à être avec l'autre. (...) Entre les lignes, aussi, ce dévoile un certain féminisme, ne pas être un objet dans le couple, ne pas être aimée par tout ce qui fait l'intelligence, l'originalité, la force d'une femme et rejetée parce que trop indépendante. (...) Entre les lignes aussi, cette démarcation entre le monde des en pleine santé et des grands malades.

l'avis complet ici
Lien : http://iam-like-iam.blogspot..
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