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Critique de si-bemol


Sous-titré “Autobiographie d'un grignoteur de livres”, voilà un tout petit roman d'à peine 200 pages qui a tout pour séduire les amoureux et dévoreurs de livres de Babelio !

Dévoreur et grignoteur de livres, Firmin, lui, l'est au sens propre : d'abord parce que Firmin est un rongeur ; ensuite parce que c'est dans le sous-sol garni de milliers de livres d'une vieille librairie que sa mère a mis bas - après s'être fabriqué un nid avec les pages du monumental “Finnegans Wake” de Joyce qu'elle a réduites en confettis ; enfin - et surtout - parce qu'il n'y a dès le départ pas de place en ce monde pour Firmin le chétif, “Celui Qui Reste en Plan” : douze mamelles pour treize ratons, une mère alcoolique qui ne se rend compte ni ne se soucie de rien, une lutte à mort pour la survie dont il sort toujours vaincu…

Alors, pour calmer sa faim, parce que “le simple fait de mastiquer, d'avaler quelque chose, sans nourrir forcément le corps, nourrit les rêves”, Firmin le malingre, le disgracieux, grignote à qui mieux mieux les pages et les mots - histoire, romans, mémoires, philo, religion... tout y passe dans un mélange indistinct et brouillon, jusqu'à l'indigestion, jusqu'à l'addiction, jusqu'à la passion à tous points de vue dévorante qui, désormais, gouvernera sa vie. D'autant que cette ingestion compulsive et déraisonnable lui ouvre spontanément les portes de la lecture et de la compréhension de tout ce qu'il ingère… Mais lui a-t-elle, pour autant, ouvert les portes du bonheur ?

Sam Savage, décédé il y a tout juste un an (le 17 janvier 2019) et rendu célèbre précisément avec ce livre qui fut son premier roman, nous offre avec "Firmin", en même temps qu'un très bel hommage rendu à la littérature, un petit bijou d'érudition, d'intelligence, d'émotion et, en apparence, de drôlerie. Mais en apparence seulement, car cette parabole animalière, écrite sur un mode enjoué et un ton plein d'humour, raconte aussi et peut-être surtout la solitude de l'enfance mal aimée, la souffrance qu'engendrent la différence et l'exclusion, l'impossible communication entre les êtres et cette forme de désenchantement intérieur qui ne peut trouver rempart que dans la littérature et l'édification patiente d'univers imaginaires et secrets.

“Toute ma vie j'ai été convaincu que tout le monde avait droit au bonheur sauf moi”, écrit Firmin dans les toutes premières pages de cette “Autobiographie d'un grignoteur de livres”… et c'est avec beaucoup de tendresse et de chagrin que j'ai pris congé de ce petit rat mi-animal, mi-humain, si mal enraciné au monde - et de ce roman subtil, sensible et fort bien écrit, qui m'a serré le coeur.

Un très beau livre, et une très belle lecture. ❤

[Challenge Multi-Défis 2020]
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