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Critique de horline


Ça se passe dans les grands espaces américains dans les années vingt, au milieu des beuglements du bétail, mais l'histoire que nous conte Thomas Savage se noue entre les murs d'un ranch cossu tenu par deux frères.
Leur tempéraments fort dissemblables pourraient suggérer un conflit larvé entre l'ainé brillant, implacable, animé d'une profonde exigence de vie qui a laissé une empreinte silencieuse au sein de la famille et George, plutôt effacé et débonnaire. Mais c'est par une femme que le trouble survient : le mariage du plus jeune agit comme une mèche que l'on allume et qui provoque des explosions dans les soubassements du texte.
Pas de colère outrageuse ni de déflagration tonitruante ici, tout le talent de l'auteur est de donner aux brusques variations de tension un visage lisse. Il diffuse lentement le venin d'un frère qui refuse l'arrivée d'une veuve trop orgueilleuse à ses yeux et de son fils «la chochotte».

Les silences qui figent les visages, les remarques cinglantes, Thomas Savage sonde tout : la haine méthodique qui avance masquée, la menace insidieuse qui dévore à petit feu...il saisit l'intensité d'un mot ou l'angoisse qui mûrit avec le temps.
La mécanique de l'auteur est d'autant plus convaincante qu'il rend compte avec justesse des comportements et des sentiments des protagonistes en tournant le dos à toute analyse psychologique : attentif aux mouvements infimes, à des détails tels le cliquetis des loquets de porte ou les bruits de pas sur le palier, il préfère recourir à des symptômes et des biais qu'il laisse résonner au fil des pages. Je suis véritablement admirative de la patience avec laquelle Savage construit ses personnages.

Progressivement, je me suis passionnée pour cette fiction parfaitement orchestrée qui se déploie dans les ombres. Une histoire servie par des traits narratifs, psychologiques, des distracteurs capables de donner au sentiment amoureux des contours délétères et de rendre l'hostilité et la peur palpables. Même si l'auteur accumule par endroit des détails trop manifestes, la valeur du texte est exhaussée par la qualité de son regard, mélange d'acuité mordante et de clairvoyance.
Très belle lecture.
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