Je suis toujours un peu mi-figue mi-raisin quand je m'apprête à lire une bio, car j'ai des exigences qui peuvent sembler contradictoires.
Bien sûr, je ne lis des bio que d'auteurs ou de célébrités qui m'intéressent beaucoup et pour lesquelles j'ai une certaine admiration, ce qui est le cas pour
Marguerite Yourcenar .
Et je m'attends donc d'une part à découvrir le creuset du talent, les mutiples causes aboutissant à cette magnificience de l'écriture et de l'esprit, les détails de l'enfance de l'écrivain, et de sa vie en général, tout sur son histoire personnelle, quoi ! Et dans cet aspect, je ne tolère aucun oubli qui serait à l'avantage de la ''biographée'', je veux connaître aussi les erreurs, les défauts, les zones d'ombre du sujet choisi, en un mot je m'attends du biographe qu'il soit le plus objectif possible pour éviter la louange systématique, piège oh combien facile des biographies, et qui laisse un gout si abondamment sucré sur les lèvres qu'on ne peut plus que se retrouver oscillant entre la nausée et la fuite
Par ailleurs, je m'attends aussi de la part du biographe qu'il aime son sujet et que ses rapports avec soient clairs et bienveillants, qu'il remette en perspective tous les aspects positifs et négatifs du portrait qu'il dresse afin qu'il s'en dégage une harmonie générale ...
Je suis donc consciente que objectivité, (si tant est qu'il soit possible d'être objectif), et harmonisation générale puissent ne pas toujours faire bon ménage, mais il me semble que là doivent justement résider le défi et le talent du biographe, en plus de nommer sans juger, citer sans interprêter, citer en expliquant le contexte, ... défi que selon moi, malgré l'immense effort de 459 pages, et de toutes les recherches documentaires qui y sont reliées, Mme Savigneau n'a pas su relever
J'ai tout le long senti un manque de recul, des prises de position parfois naivement gentilles, souvent restrictives et caricaturales, dont on devine qu'elles dérangent la biographe elle-même à son insu, par la récurrence de certains thèmes sur lesquels elle ne peut s'empêcher de revenir encore et encore, lourdement, comme pour trouver enfin une réponse mais en vain. Ainsi, la polarité dans la relation de Marguerite avec sa conjointe Grace : après avoir lu pendant plusieurs chapitres ce questionnement sur laquelle des 2 dominait l'autre, on espère à tort que cette question sera, à défaut de pouvoir y répondre, laissée de côté. Les relations conjugales et humaines sont autrement plus complexes qu'un simple rapport de force tel que le conçoit Mme Savigneau dans cette biographie.
Le livre est jalonné de jugements hâtifs, d'où il apparait que Mme Savigneau connait peu le sujet sur lequel elle s'aventure: par exemple l'importance de la spiritualité dans la vie de Mme
Yourcenar est un sujet qu'elle n'aborde pas assez, ce qui biaise ensuite sa compréhension de certaines idées de cette auteure.
Il manque aussi dans la narration des moments de pause, où elle pourrait
prendre le temps de la profondeur, au lieu de nous harceler d'une succession d'évenements et de dates, certes visiblement précis et véridiques, mais d'aucune utilité fondamentale, ce qui donne une superficialité très journalistique et décevante à l'ensemble.
Vers la fin de l'ouvrage, Mme Savigneau explique dans quels contextes elle a lu
Marguerite Yourcenar : dans ses années mornes de lycée. Je me risque à son exemple à faire de l'interprétation hâtive : telle toute bonne ado qui s'ennuie, elle a probablement idéaliser un tant soit peu l'auteure, idéalisation dont elle n'est jamais tout à fait revenue, des années plus tard, ce qui l'amène à ne pas pouvoir pardonner les défauts qu'elle découvre en celle dont elle a choisi de faire la biographie ...
Malgré tout cela, j'ai lu jusqu'à la dernière page cet ouvrage, grâce à la curiosité qui m'anime face au mystère qu'immanquablement je ressens aux lectures de MMe
Yourcenar et j'y ai trouvé de nombreuses et intéressantes informations factuelles sur la vie de celle-ci qui m'ont éclairée un peu plus sur le creuset des
Mémoires d'Hadrien !!