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Michel Niqueux (Traducteur)
EAN : 9782859408794
192 pages
Phébus (05/02/2003)
3.34/5   28 notes
Résumé :
Savinkov, terroriste de premier rang (il assassina ou fit assassiner en 1904 le terrible Plehve, ministre de l'Intérieur du tsar, et en 1905 le grand-duc Serge, gouverneur-général de Moscou), deux fois condamné à mort, ami d'Apollinaire, de Cendrars et de Picasso, « suicidé » en 1925 à Moscou dans une prison du camarade Staline, avait publié (en russe) à Paris, en 1908, ce court « roman » totalement autobiographique - jamais traduit en français à ce jour - que la cr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Dans cet ouvrage, nous nous retrouvons au coeur d'un groupe terroriste et l'écriture nous donne presque l'impression d'être l'un des membres de ce groupe. Nous sommes avec George, le chef et peut-être une représentation littéraire de l'auteur et autour de lui Vania, Fiodor, Erna et Heinrich.

L'auteur a choisit une forme particulière, celle du journal et au fil des jours, nous voyons se succéder, se mêler les préparatifs pour des attentats, les errements amoureux, les pensées et débats religieux. Nous sommes à la fois balancés entre la violence omniprésente et la vie quotidienne, presque banale. C'est à la fois parfois surprenant et intéressant de voir en quelque sorte une normalité dans un contexte anormal.

Le grand projet qui parcours l'ouvrage est la mort du gouverneur, Il faut qu'il meurt, comme un symbole pour la cause et quel qu'en soit le prix. On voit le petit groupe se tendre au fil des échecs et des préparatifs... Réussiront-ils, iront-ils jusqu'au bout, c'est l'un des fils conducteurs de cet ouvrage.
Un autre questionnement qui parcourt le livre est de savoir si tout est possible pour la cause, n'y a-t-il pas de limites ? Comme dans Les Justes d'Albert Camus, la question du sacrifice des innocents pour atteindre un but se pose et fait débat.

Au final, c'est une lecture instructive sur la période, à savoir le début du XXème siècle en Russie.
Il y a des passages que j'ai trouvé un peu long et rébarbatifs, notamment les longues citations religieuses. Mais au final ce livre acheté à la librairie « Le comptoir des mots » dans le 20ème arrondissement fut instructif.
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Il aura fallu attendre Gorki pour voir un "gueux" accéder à la notoriété, et encore avec des lacunes culturelles qui tempérèrent la qualité de son oeuvre, mais c'était le premier à écrire sur la misère de laquelle il est parti et c'est ce qui a plu au public de la ville.

Quant à ce genre d'énergumènes ici, issus généralement de milieu cossu, bourgeois, qu'on a rencontrés dès les années 1860 avec pour certains des dehors bien sympathiques et pour d'autres de l'engeance exploitant le vent de l'histoire, alternant donc entre leur cause sincère pour les paysans malheureux et le désir de les instrumentaliser, ils vont se distinguer nettement du lot des socialistes révolutionnaires par leur désir de passer à l'acte terroriste.

Ici on assite à la genèse d'un authentique terroriste qui va organiser, participer à l'assassinat froid, calculé de dignitaires du régime et qui sera condamné à mort deux fois. Ce ne sont en fait que les soubresauts de l'histoire qui vont lui donner quelques opportunités d'échapper coup sur coup à l'exécution de ses condamnations, et ironie de l'histoire toujours dans le même esprit, il tentera un retour au bercail sous les auspices des bolcheviks avec le succès que l'on connaît puisqu'il sera en fin de compte "suicidé" par la guépéou selon les historiens. Oui, on n'aimait pas trop ce genre d'illuminés socialistes révolutionnaires terroristes dont l'expansion fut arrêtée en 1917.

Pour moi Ce Boris Savinkov, dis-je avec mépris, symbolise la ligne de partage que je ne franchis pas, le terrorisme qui fut ou pas socialiste révolutionnaire. le terrorisme n'est jamais légitime, même si en toile de fond l'autocratie tsariste dénoncée était par bien des côtés condamnable, sachant qu'un tsar payait pour l'autre : on entrait ainsi dans une forme de régime totalitaire, systémique, donc basculer d'un camp à l'autre pire encore sous Staline..

Mais ce qui fut pour moi encore plus raffiné dans l'ignominie furent, genre de faisandage hypocrite et méprisable, les accointances que Savinkov put nourrir avec des gens comme Merejkovski, Cendrars, Picasso, Apollinaire.. en France donc. Un peu plus près de nous comme Mitterrand avec Battisti !..

L'édition française qui a publié les textes de cette crevure en début de siècle dernier ne s'est pas glorifiée à le faire.

Je vois quelle pente va subir ce livre : rejoindre ma bibliothèque impure en sous-sol !
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J'avais découvert ce livre en lisant la bande dessinée en deux volumes Mort au Tsar (1. le Gouverneur et 2. le Terroriste, ce roman étant en effet cité parmi les sources de l'auteur de la BD. J'avais beaucoup apprécié ce récit de l'attentat perpétré par un groupe de cinq révolutionnaires et qui avait coûté la vie au Gouverneur Général de Moscou en 1905. Les deux albums étaient centrés l'un sur le personnage de la victime, l'autre sur celle du bourreau, le cerveau des terroristes.

Dans la "vraie vie", ce cerveau était Boris Savinkov, qui livra en 1908 un récit en grande partie autobiographique d'un attentat terroriste contre le gouverneur général de Moscou : 

" Sous la forme d'un journal intime, le Cheval blême rapporte la confession d'un chef révolutionnaire russe, un homme sans foi ni loi, qui prépare un attentat contre le gouverneur général de Moscou. Combat politique, interrogations mystiques, scrupules et doutes, mais aussi amour et sexe lient les cinq membres du commando, dont un seul réchappera à la mort.

Publié en 1908, ce roman empreint d'un profond désarroi moral et largement autobiographique - Boris Savinkov fut le cerveau de l'assassinat du grand-duc Serge en 1905 -, interroge la justification éthique de l'acte terroriste sur fond de commandement biblique (« Tu ne tueras point »).

Dans la lignée de Dostoïevski, cette uvre à la fois cynique et saisissante est, aujourd'hui encore, d'une prodigieuse modernité."

Je le redis, ce récit est évidemment en grande partie autobiographique, même si l'auteur a pris la peine de se créer pour les besoins de la fiction un alter-ego nommé George. Celui-ci est un chef terroriste désabusé, à la tête d'un groupe qui rassemble autour de lui quatre révolutionnaires très différents : Erna, la chimiste amoureuse de son chef ; Vania, le mystique ; Heinrich, l'étudiant dépassé ; Fiodor, le révolutionnaire convaincu.

Le roman se présente sous la forme d'un journal tenu par le chef des terroristes. Il nous raconte trois tentatives d'attentat contre le gouverneur général de Moscou, jusqu'à celle qui sera un "succès", tout en partageant avec nous ses pensées et ses discussions avec ses camarades. Plus que le récit de l'attentat, c'est en effet tout ce qui l'entoure qui m'a semblé intéressant.

Je pense notamment les discussions entre George et Vania, qui est à la fois révolutionnaire et très croyant et qui cherche dans sa foi la justification de l'acte de donner la mort. Je retiens également les réflexions désabusées du narrateur, qui est d'abord obsédé par sa volonté de tuer le gouverneur général, mais qui ne sait plus vraiment pourquoi il souhaite sa mort.

Au-delà du témoignage historique passionnant, c'est donc un roman très psychologique que nous sommes amenés à lire. Et c'est clairement réussi, tant ce livre pourtant court (à peine 160 pages en poche) est riche.
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Étonnant petit roman inspiré d'une vie de terroriste, partagée, déchirée entre les commandements de Dieu et les scories de sa créature humaine. Boris Savinkov raconte, sous forme de journal, les semaines qui précédent la mort du grand-duc Sergueï Romanov, gouverneur de Moscou, en 1905 - dont il est le véritable responsable historique, d'où l'intérêt de l'oeuvre. Anarchiste, guidé par son instinct de mort, la haine de l'aristocratie vénale, le narrateur renie jusqu'à sa propre humanité, ignorant le paradis terrestre promis par les marxistes et le paradis céleste des croyants. Sur fond de citations bibliques et d'anecdotes, probablement véridiques, l'auteur questionne son âme et ses faiblesses à travers un roman vivifiant et épuré. Seuls le style (un peu pâlot) et quelques dialogues amoureux gâchent parfois le plaisir.
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Le terrorisme n'est pas mort hélas, et Boris Savinkov, en son temps, s'en était fait l'un des théoriciens passé à la pratique puisqu'il fut le cerveau de l'assassinat du grand-duc Serge en 1905. Son journal intime décrit minutieusement la préparation d'un acte terroriste dont il cherche la justification en explorant les tréfonds de sa conscience à la manière du Raskolnikov de Dostoïevski. La finalité d'une cause justifie-t-elle les moyens? Que faire du deuxième commandement biblique “tu ne tueras point”? La nécessité d'un crime – éliminer un homme qui incarne le mal - peut-il faire de l'assassin un sauveur? Dans le cheval blême, Savinkov écarte l'idée d'un attentat aveugle qui ferait des victimes innocentes, en particulier des enfants. On ne tue pas sans une certaine noblesse d'âme! Avec un peu d'imagination, on lui pardonnerait presque ses errements criminels. Et pour cause. Savinkov était aussi un personnage romantique qui fréquentait les artistes de Montparnasse et dont Winston Churchill lui-même a dit « qu'il a manifesté la sagesse d'un homme d'état, le talent d'un général d'armée, le courage d'un héros, l'endurance d'un martyr ». L'histoire ne dit pas combien de gins tonic Churchill avait ingurgités avant de faire cet éloge.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je me souviens de ma première chasse. Les champs de sarrasin rougeoyaient, des fils de la vierge tombaient des arbres, la forêt était silencieuse. Je me tenais sur une lisière, près d'un chemin raviné par la pluie. Parfois, un murmure de bouleaux, un vol de feuilles jaunes. J'attendais. Soudain l'herbe eut une ondulation inhabituelle. Des buissons, telle une pelote grise, un lièvre déboula et se dressa prudemment sur les pattes arrière, regardant autour de lui. Tremblant, je levai mon fusil. Un écho roula dans la forêt, une fumée bleue se dissipa entre les bouleaux. Le lièvre blessé se tordait dans l'herbe brunie par le sang. Il criait, de ces cris aigus mêlés de pleurs qu'ont les enfants. J'eus pitié de lui. Je tirais encore un coup. Il se tut.
De retour à la maison je l'oubliai tout de suite. Comme s'il n'avait jamais existé, comme si je ne lui avais pas ôté le plus précieux -- la vie. Et je me demande : Pourquoi ai-je éprouvé de la douleur quand il criait ? Et pourquoi n'en ai-je pas éprouvé de l'avoir tué par amusement ? p 39
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Je m'en souviens : j'étais dans le Grand Nord, au-delà du cercle polaire, dans un village de pêcheurs norvégiens. Pas d'arbres ni de buissons, pas même d'herbe. Des rochers nus, un ciel gris, l'océan gris et nébuleux. Les pêcheurs en cirés tirent leurs filets mouillés. Il y a une odeur de poisson et d'huile de foie de morue. Tout m'est étranger. Le ciel, les rochers, l'huile, tous ces hommes, leur langue étrange. Je me perdais. Je devenais étranger à moi-même.
Et aujourd'hui aussi, tout m'est étranger. (...)
Le ciel vespéral s'assombrit, les nuages nocturnes s'amoncellent. C'est demain notre jour. Tranchante comme l'acier, une pensée nette surgit. Celle de l'assassinat. Il n'y a pas d'amour, pas de monde, pas de vie. Il n'y a que la mort. La mort comme couronnement et la mort comme couronne d'épines. p 115
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Nous nous taisons tous.
Des rails fins courent sur le remblai. Les poteaux télégraphiques s’en vont vers l’horizon. Tout est calme. Seuls les fils bourdonnent.
– Écoute, dit Vania, voilà à quoi j’ai pensé. Il est facile de se tromper. La bombe pèse quatre kilos. En la lançant à bout de bras, on n’est pas sûr de bien viser. Si on touche la roue arrière, il en réchappera. Rappelle-toi le 1er mars, Ryssakov.
Heinrich s’agite :
– Oui, oui… Comment faire ?
Fiodor écoute attentivement. Vania dit :
– Le meilleur moyen, c’est de se jeter sous les pattes des chevaux.
– Et alors ?
– Et alors, la voiture et les chevaux sauteront sûrement.
– Et toi avec.
– Et moi avec.
Fiodor hausse les épaules avec dédain :
– Pas besoin de ça. On l’aura simplement. Il suffit de courir vers la portière et de jeter la bombe par la vitre. Et c’en sera fait.
Je les regarde. Fiodor est couché sur le dos dans l’herbe, et le soleil brûle ses joues basanées. Il cligne des yeux : le printemps le réjouit. Vania est pâle, son regard pensif se perd dans le lointain. Heinrich fait les cent pas et fume avec acharnement. Au-dessus de nous, le ciel est bleu.
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Je suis habitué à la clandestinité, à la solitude. Je ne veux pas connaître l'avenir. Je m'efforce d'oublier le passé. Je n'ai ni patrie, ni famille, ni nom. Je me dis :
Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie ! (p. 37)
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Heureux celui qui croit à la résurrection du Christ, à celle de Lazare. Heureux aussi celui qui croit au socialisme et au paradis terrestre. Mais ces vieux contes me font sourire, et trente arpents de terre en partage ne me séduisent pas. J'ai dit que je ne voulais pas être esclave. (p. 38)
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