Nuits assassines

Et lorsque nous nous en sommes aperçus, il était trop tard, il ne nous restait plus qu’une grande affection mutuelle, pas assez pour la transformer en amour. Alors, avec le peu de tendresse qu’il nous restait, nous décidâmes de l’utiliser à bon escient en faisant de notre divorce quelque chose d’intelligent et non de déchirant pour les uns comme pour les autres. Je pense que, pour le coup, nous y sommes bien parvenus. C’est ainsi que d’un commun accord nous nous sommes séparés, d’abord pour faire un break comme on dit, mais nous avons fini par divorcer, parce qu’à l’évidence il n’y avait plus rien d’autre à faire. C’est un passage de ma vie qui m’est assez pénible, mais malgré tout nous sommes restés en bons termes, nous avons une très grande tendresse l’un pour l’autre et une solide complicité. Jacques le comprend et le respecte ; c’est pour ça que tout se passe bien entre nous trois.

Nous avons divorcé il y a trois ans et, pour être franc, je pense avoir mieux réussi mon divorce que mon mariage. De notre union est né un fils, Maxence, enfant très gentil et assez solitaire, il va sur ses quinze ans et semble plutôt mûr pour son âge mais essuyer le divorce de ses parents et le décès du cocker de ses grands-parents doit forcément faire accélérer le processus de maturité auquel vous êtes promis dans tous les cas. Il vit avec sa mère et son beau-père Jacques. Oui, c’est mon ex-femme qui a la garde, non que je n’en veuille pas, mais le côté équilibre et sérénité était plus convaincant chez elle que chez moi. Mais de toute façon, je peux le voir quand je le désire, nous sommes assez conciliants et nous n’habitons qu’à une cinquantaine de kilomètres à peine l’un de l’autre.

Mon ex-femme avait certes des défauts, mais la ponctualité était sa grande vertu. Et pour tout dire, pas la mienne. Le sachant, elle m’avertissait au moins trois semaines à l’avance et me le rappelait un jour sur deux. Par exemple, je savais que son avion ne partait pas avant 22 heures car elle avait pris l’habitude d’avancer l’heure de ses rendez-vous pour que j’aie une chance d’arriver à temps. C’était ingénieux de sa part jusqu’à ce que je comprenne le système. La malignité des femmes, elles sont si inventives lorsqu’il s’agit de faire tourner leur petit monde comme elles le désirent. Ça m’avait fait rire à l’époque. Mais ça n’avait pas suffi à sauver notre couple.

Mélanie et moi nous étions rencontrés sur les bancs de l’école, nous étions de bons copains. Je sais, ça fait cliché pourtant c’est la vérité. Ensuite elle avait suivi une voie, moi une autre et bien des années plus tard, nous nous sommes retrouvés, par hasard, lors d’un enterrement auquel j’étais venu assister plus par politesse que par compassion. Ensuite nous ne nous sommes plus quittés, comme quoi le malheur des uns fait le bonheur des autres… Nous nous sommes mariés, avons eu un enfant, le schéma classique d’une famille ordinaire. Mais je crois que nous nous sommes lassés l’un de l’autre, plus préoccupés par nos carrières que par notre conjoint.

Voilà. Ma journée qui avait pourtant bien commencé s’écroulait tout à coup comme un château de cartes écrasé par une violente tornade… Voilà ce qu’allait être mon quotidien : accidents, maladies, incendies et nombreux cadavres. Il ne restera bientôt autour de moi que des morts ! C’est ça qu’allait être ma vie : un enfer.