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Critique de Christw


Traduit du serbo-croate par Jean Descat

Dans une autre chronique ("L'été de la honte") de Branimir Scepanovic, je mentionne déjà ce fulgurant roman, qui s'apparente plutôt à une nouvelle. Aujourd'hui je maintiens le qualificatif : ce récit d'une désarmante simplicité est une magnifique et implacable allégorie de ce que l'humanité peut de pire.

"... rien ne nous empêchait de leur demander qui ils étaient et pourquoi ils s'étaient joints à nous. Nous n'en fîmes rien : nous poursuivions le même homme, n'est-ce pas, et qu'importaient les raisons qui nous liguaient contre lui ?"

Le texte nous fait vivre en temps réel, en alternant la voix d'un fuyard et celle des hommes qui le poursuivent, comment un malentendu banal, la rencontre de trois individus dont l'un, tournant le dos à la tentation de vivre, n'a pas le geste d'aller à la rencontre des deux autres, vire en une chasse impitoyable et fatale. Sans que les hommes et celui qui devient leur proie ne communiquent, une espèce de mécanisme psychologique collectif irrationnel se met en place. Un récit d'une force considérable où la meute sociale témoigne du sauvage et absurde aveuglement du monde.

Alors que les chasseurs, épuisés et haletants, pensent un moment que celui qu'ils poursuivent n'existe pas, le fuyard halluciné par des herbes qu'il a ingérées trouve le sens de l'existence : "... rien n'a de signification que dans l'amour et la beauté". Des lumières d'espérance confèrent à sa dérobade des accents mystiques (on trouve le même sentiment au terme de la nouvelle "Avant la vérité" du même recueil, où le personnage bouche ses oreilles, coudes levés : "Seigneur, murmura-t-elle, que cette croix mortuaire ressemble à mon Antonio !").

Le livre des Éditions 10/18, "domaine étranger", comprend trois autres textes plus courts de l'auteur d'origine monténégrine dont "La mort de Monsieur Goulouja" qui trace le même processus aberrant du groupe humain à l'encontre d'un individu qui, sans raison objective, devient une cible privilégiée. On retrouve chez Scepanovic un profond pessimisme qui s'apparente à celui de Thomas Hobbes sur la nature humaine : "L'homme est un loup pour l'homme".

L'auteur belge Christophe Ghislain avait souligné "La bouche pleine de terre" lors de son passage dans l'émission télé "Livrés à domicile" en mars.
Lien : https://christianwery.blogsp..
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