Je reconnais que la 25e variation des Variations Goldberg est merveilleuse, mais peut-on se permettre de la sortir de son contexte ? L’endroit où elle est placée est décisif – en concert, il faut bien une heure de jeu en amont pour l’amener. En d’autres termes : cette apogée n’est rien sans les conditions de son émergence ; elle se construit pas à pas, on ne peut pas, on ne doit pas la « convoquer » d’une seconde à l’autre.
La règle à laquelle je me tiens, c’est : pas de concert le jour du voyage. Cela peut tout mettre en péril. D’autant que mes oreilles, mon âme ne sont pas encore totalement « présentes » dans le nouveau lieu. Le corps doit être également en éveil, la précision est très importante, de fait : pas d’alcool avant le concert (mais après), plutôt un bon repas de midi et une sieste - ce qui pose de plus en plus problème aujourd’hui car même les meilleurs hôtels ne sont pas à l’abri du bruit. Je vais tôt à la salle de concert, je me prépare intérieurement. La première note est d’une importance capitale.
La musique doit naître du calme.
Mozart a un don fantastique pour la mélodie, il est peut-être le compositeur le plus mélodique après Schubert.
La musique classique occidentale a pour vocation d’être sans cesse réécoutée. La littérature, elle ne nous exhorte pas autant à la répétition, même si pour ma part, avec l’âge, et malgré une curiosité persistante pour la nouveauté littéraire, je reviens de plus en plus fréquemment à mes « vieux amis ».
Tous voulaient écrire de la musique sacrée et devenir musiciens d’église. Schubert s’y est employé – et a essuyé des refus.
Il s’agit pour l’essentiel de suivre très attentivement les sons auxquels je donne corps, de les suivre avec une troisième oreille.
La musique est presque toujours polyphonique. C’est pourquoi la musique exige un tel degré de concentration.
Quand Thomas Mann lit un de ses romans, c’est très instructif – si l’on compare par exemple avec l’enregistrement qu’en fait un comédien. Les comédiens ont tendance à y mettre du pathos. Est-ce vraiment nécessaire ?
Si nous devions établir une liste des chefs-d’œuvre musicaux composés entre la Seconde Guerre mondiale et aujourd’hui, elle serait terriblement courte. Aujourd’hui, face à la musique contemporaine, on se sent parfois perdu dans le vide.
Les septièmes diminuées au début du premier mouvement de l’Appassionata de Beethoven : on peut les jouer cent fois correctement dans son salon, et s’y casser les dents en concert. Pourquoi ? À cause de la peur. La peur, c’est un état psychique. Certains jeunes interprètes se lancent dans tout ce qu’ils rencontrent d’œuvres, même les plus ardues, sans avoir aucune idée de leur contenu. Pour moi c’est faire preuve d’impertinence et d’irrévérence. La jeunesse ne craint plus rien, il lui manque une forme de déférence.
J’ai toujours une relation d’amour-haine avec Vienne. Mais une vie de musique sans l’Autriche ?... C’est inconcevable pour moi.