Citations sur Dictionnaire amoureux des menus plaisirs (11)
Vite assouvi, le plaisir exige d’être répété. « C’est ma drogue », disent les fous d’Internet ou de jeux vidéo. Le désir est remplacé par le manque. La dose doit toujours être plus forte. C’est-à-dire qu’il faut du nouveau.
L’attente est devenu un art. L’art de désirer. Il en va souvent ainsi avec les contraintes. Par exemple, l’art de la conversation est né de ce que l’homme est absolument incapable de la fermer.
Dix minutes pour que le feu prît, dix mois pour que l’être aimé rendît les armes, une vie entière si on se lançait dans une quête, genre Graal : qu’importait le délai, c’était toujours de la durée. Désir et plaisir marchaient ensemble. Le plaisir non préparé était une distraction de tyran ou de soudard. A l’inverse, le désir inabouti conduisait à la masturbation, à la surdité, à la démence, au crime. Le désir n’avait de sens que dans son assouvissement.
J’aime bien les clichés. Ceux qui font rire. J’en possède tout un attirail, aux formes pittoresques et aux couleurs naïves. Il m’arrive de les proférer dans les dîners. Attention : de façon décalée. Le cliché est aux jeux de l’esprit ce que le kitsch est aux arts plastiques. Le kitsch donne le droit d’avoir mauvais goût et le cliché d’être simplet
La consonne, c’est la béquille. L’utilité. La voyelle, c’est l’élan. Le plaisir pur. Il suffit, pour qu’elle se produise, d’ouvrir la bouche et de pousser un bon coup. En somme, il suffit de naître. Encore que le cri du nouveau-né soit à peine humain, avant que le passage du oin au areu ne le fasse entrer dans la civilisation alphabétique.
L’ail est la forte tête. Il est aussi d’une franchise ahurissante, sans toutes les chochotteries qui entourent le commerce de l’huile d’olive dans les centres-ville. Voilà un mélange assez rare de sauvagerie et de civilisation. L’ail est une espèce d’orage condimentaire. Il vous mordrait si vous n’y preniez garde. C’est d’ailleurs une excellente arme de défense. Contre la tension artérielle, les vers, le cholestérol, la peste, les vampires, les voisins.
Il ne faut pas désespérer de l’homme, lequel, pris de remords, a remis des aiguilles à ses montres. Il n’en avait naguère que pour l’affichage digital et ses gros numéros. A vrai dire, il n’en a toujours que pour l’affichage digital et ses gros numéros, mais, au moins, les montres sont sauvées.
Pas les réveils, hélas ! On aura beau faire, dix heures moins vingt, ce n’est pas la même chose que neuf heures quarante. Quand il est neuf heures quarante, je suis sûr d’être en retard. Pourquoi ? Parce qu’on est toujours dans le neuf.
Vu toujours du « quotidien », un petit bonheur chaud fait à peu près le même effet sur les sens qu’un grand embrasement, simplement il dure peu.
Mes menus plaisirs seront aussi intemporels que possible, dans la mesure où cette expression a un sens.
Même chose pour le luxe. Ou plutôt la rareté. Ou encore la cherté. Car le plus petit des plaisirs, selon la circonstance, peut-être sans prix.
Les sensations les plus simples et les plus intimes étant aussi, par hypothèse, les plus universelles.
Les petites satisfactions, c’est comme respirer. C’est à la fois très nécessaire, très personnel et très commun. Je ne respire que pour mon compte (il s’agit, j’en ai peur, d’une activité terriblement égoïste), mais nous respirons tous et nous mêlons nos souffles. Je ne parlerai que de mes plaisirs, forcément, étant l’amoureux, mais avec l’excuse et l’espoir qu’ils rencontreront ceux d’autrui.