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sur 207 notes
Ferdinand von Schirach a un nom difficile à porter, son grand-père Baldur von Schirach (1907-1974) a été chef des Jeunesses hitlériennes et gauleiter de Vienne, mais c'est peut-être cela qui lui a donné envie de devenir avocat.

Dans Crimes, le spécialiste en droit pénal relate onze affaires sous forme de nouvelles. Des cas où les coupables sont des gens « ordinaires » qui ont réagi violemment par un concours de circonstances malheureux pour la victime, ou pour de réels motifs qui, s'ils n'excusent pas leur crime, l'expliquent en partie.

L'analyse poussée et ironique des causes conjoncturelles ou psychologiques du crime, conjuguée avec l'expérience et la compréhension des tréfonds de l'âme humaine de Ferdinand von Schirach font dans ce premier recueil une vraie réussite.
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Quelle belle jaquette, pour un volume de la collection DU MONDE ENTIER...
Et quelle volume!.. Onze nouvelles de haute tenue, puisée de la réalité criminelle allemande. Onze histoires ciselées, contées par un avocat à la plume précise et bien traduite.
Des histoires de folie, d'amour, de mort qui dépassent parfois, et de loin, la fiction policière.
L' avocat von Schirach nous plonge dans les arcanes de la justice allemande, sans nous y noyer. Il parle clair et limpide.
Certaines scènes relèvent de la poésie, comme par exemple celle d'un couteau qui trace un sillon sur un dos... Ou d'une statue qui éclate en deux-cent morceaux.
Chose rare, pour un recueil de nouvelles, pas une des onze ne m'a semblé inférieure à telle autre. Chacune a son charme et intérêt particulier.
Et voilà qui augure bien des livres suivants d'un auteur que je découvre avec bonheur!
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L'auteur du délit est Ferdinand von Schirach, avocat de la défense à Berlin.
Fort de son expérience du barreau, des affaires criminelles et des sombres méandres de l'esprit humain, il a échafaudé le « Crimes » parfait, un recueil de onze histoires criminelles inspirées ou tirées de son vécu par lesquelles il nous propulse avec préméditation dans le petit théâtre du sordide où se joue chaque jour l'humaine tragédie.

Semant les indices de la culpabilité tout autant que du doute, laissant les empreintes de la faute, de la démence et de la peur sur chaque scène de crime, cultivant l'art du faux semblant, l'auteur, avec ce premier ouvrage, dissémine les preuves comme autant de pièces à charge ou à décharge et verse aux dossiers des éléments qui introduisent questionnement et trouble dans l'esprit du lecteur.
Car si tous les acteurs des drames qui se déroulent dans « Crimes » sont bel et bien coupables, combien d'entre eux sont foncièrement condamnables dans l'intention préméditée de faire le mal pour le mal ? Combien sont-ils à n'être animés que du seul désir morbide d'ôter la vie ?
C'est la problématique que soulève Ferdinand von Schirach dans le traitement de ces dossiers criminels.

Le narrateur, avocat de la défense des personnes incriminées, est le fil délicat qui relie et fait le lien entre toutes les affaires. Sorte de double de l'auteur, c'est par lui que le lecteur pénètre dans une dimension à la fois terriblement ordinaire et épouvantable, où l'atrocité et la monstruosité côtoient indubitablement les sentiments les plus humains :
Ce médecin qui, pour ne pas rompre le serment de mariage, se laisse humilier pendant cinquante ans par une épouse ignominieuse puis finit par la tuer à coups de hache…
Cette jeune violoncelliste qui tue son frère gravement accidenté, paralysé à vie, amnésique, à jamais déficient…
Ce jeune homme qui veut protéger sa fiancée prostituée et découpe un de ses clients, mort accidentellement pendant l'une de ses prestations…
Ce cambrioleur qui commet des hold-up afin de pouvoir rejoindre sa famille en Afrique…

Gestes fatals, actes horribles guidés par l'amour, la passion, le désespoir, la légitime défense, la folie…mais qui révèlent et relèvent presque toujours de sentiments humains même si poussés à leur paroxysme.

L'auteur amène les faits avec une grande impartialité, se bornant à les raconter sobrement, cliniquement, avec la distance qui sied aux procédures judiciaires, en soulevant telle ou telle question de droit ou de légitimité, en examinant la recevabilité des accusations et des charges, en évitant la justification des actes tout en attirant néanmoins l'attention sur le cadre personnel, la psychologie et le faisceau d'évènements qui ont conduit les personnages à basculer dans l'horreur.
On se rend compte alors que, dans la plupart des cas, seuls de malheureux concours de circonstances ou un enchevêtrement dramatique des faits ont poussé les inculpés à commettre l'acte décisif, fatal, répréhensible, et qu'aucun n'est véritablement le monstre que l'on voudrait qu'il soit pour pouvoir le juger avec facilité et sans états d'âme.
Mais nul n'est jamais tout blanc ou tout noir, toutes ces personnes restent indiscutablement humaines. Là est la difficulté d'émettre un jugement décisif à leur encontre.
Aucune d'entre elles ne pensait tuer un jour mais…c'est ce « mais » que l'auteur, en bon avocat, désigne et qui retentit au fond de nous, ce « mais » qui renvoie à chacun d'entre nous avec ses peurs, ses obsessions, ses névroses, et qui ne met personne à l'abri d'être un jour confronté à l'abîme qui est en lui.

Au terme de la lecture on pourra méditer ainsi à loisir cet aphorisme de Georg Büchner « chaque homme est un abîme, on a le vertige quand on s'y penche dessus ».
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D'un côté il y a la Loi, et son bras armé, la Justice. La Loi, que nul n'est censé ignorer, parfois dure, mais la Loi. Puis la Justice et son allégorie, Thémis, représentée les yeux bandés, une balance dans une main, un glaive dans l'autre. Elle veut nous convaincre à toute force qu'elle tranche les litiges en toute impartialité après avoir pesé les arguments de toutes les parties à la cause. Voilà pour les principes, pour la théorie. Ce serait si simple : un acte illégal, qu'on qualifierait juridiquement de crime, de délit ou d'infraction pour le faire rentrer dans l'une des « cases » du Code pénal, et auquel il suffirait ensuite d'appliquer la sanction prévue par la Loi. Limpidité, automatisme de la procédure…
Mais de l'autre côté il y a la pratique judiciaire, bien différente, et la vérité judiciaire n'est que l'une des vérités possibles, même si c'est elle qui compte aux yeux de la Société.
C'est bien de cela qu'il s'agit dans ce recueil de nouvelles : dans la plupart des cas qui nous sont présentés, les faits bruts et objectifs ne laissent pas la place au doute. Mais que l'on s'intéresse de plus près à ces tragédies (car ce sont de véritables drames), à leur contexte, à leurs acteurs, aux « circonstances de l'espèce », bref à la subjectivité qui les imprègne, et l'on comprendra l'infinie complexité de la tâche du juge.
Ces onze affaires nous sont relatées sans les effets de manche coutumiers aux audiences des Assises, froidement, cliniquement, avec une sobriété qui les rend d'autant plus saisissantes. On aurait pu craindre qu'un auteur avocat nous assomme avec éléments de procédure, recours et devoirs d'enquête, mais heureusement il préfère nous entraîner dans les méandres de la psychologie des victimes et de leurs bourreaux. Un quasi-documentaire aussi passionnant qu'un vrai polar.
Et la démonstration est faite que le responsable n'est pas toujours coupable. C'est d'autant plus vrai que l'on peut s'offrir les services d'un ténor du barreau plutôt qu'un commis d'office. Mais ceci est un autre débat…
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Un heureux hasard^^ me fît commencer ma lecture de von Schirach par le dernier de ses livres Tabou, pour remonter le fil de la production artistique de cet auteur. J'avoue que Crimes est le recueil qui m'a un petit peu moins plu. Certes j'apprécie toujours autant son écriture froide, désespérément glaçante, qui pour autant ne néglige pas la psychologie des personnages -le monstrueux caché dans chacun de nous- et qui éclot parfois chez quelques uns. Mais il y a beaucoup trop de rappels à la procédure pénale dans ce recueil pour moi, cela m'empêchait de me projeter dans les nouvelles, dans l'histoire, et pour autant je n'avais pas l'intérêt que j'éprouve à la lecture d'une doctrine. J'hésitais !
S'agissant du contenu des nouvelles, j'ai trouvé que "Le violoncelle" était la plus touchante, la plus triste mais aussi belle... Elle me suivra longtemps.
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Crimes : onze nouvelles sur des affaires criminelles en Allemagne, inspirées de faits réels (l'auteur est avocat de la défense à Berlin). Sans le contexte, ces meurtres sembleraient juste horribles mais on découvre des vies de personnes qui paraissent tristes et misérables, dont le délit n'est qu'une continuité. Ne lisez pas ce recueil si vous n'avez pas le moral, il ne donnera pas le sourire. Pourtant, il y a une sorte de résistance, d'humanité dans la plupart de ces affaires-là. La dernière plus m'a particulièrement ému. Juste un petit reproche, la narration de Ferdinant von Schirach n'a pas été facile, pour chaque nouvelle, j'ai eu du mal à rentrer dans leurs petites vies et saisir le démelé de chacune. Cependant, ça vaut le coup de lire ces petites histoires qui donnent foi en l'amour et la justice.
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Un livre où le nom de l'auteur est aussi important que le titre "Crimes", "Von Schirach". C'est rare. le nom de l'auteur fait sens, résonne dans les ténèbres du nazisme, dans ses plus grands crimes (déportation des Juifs de Vienne, entre autres.) Mais bien sûr le petit-fils ne saurait être jugé des crimes de son grand-père. Et pourtant, ça joue, évidemment, on ne se débarrasse pas ainsi d'une telle ombre. Et Ferdinand von Schirach nous décrit le mal au scalpel. Froid et méthodique. Des histoires monstrueuses, mais des gens, des gens, et bien...des gens, quoi. Des gens dont les actes font peur, mais qui ne sont que des gens. Il n'y a pas de monstres, il n'y a que des gens. Des êtres humains. Et c'est ça qui fait peur. N'importe qui capable de n'importe quoi. En fait, il n'y a pas vraiment de mal. Il y a des circonstances. Deux jeunes néo nazis massacrés : fallait pas embêter un tueur à gages à tête de comptable. Un balai enfoncé dans le derrière : fallait pas voler la tasse au vieux Japonais, bande de tétards décérébrés. Un jour, votre joli petit ami étudiant en économie vous donne un coup de couteau...Le gardien du musée est un fétichiste de la punaise...Un jour encore, votre mari vous découpe à la hache. Il n'aime pas l'idée du divorce...Qui a tué l'étudiante à l'hôtel ? L'homme d'affaire ou son amant ? Entrez avec Ferdinand dans la tête d'un tueur en série de moutons...
L'expérience et l'histoire lui en ont fait voir de toutes les couleurs. Rien ne l'étonne. Il ne juge pas, il est l'avocat. de toutes façons, dans au moins deux cas, on ne peut pas juger. Ca dépasse l'entendement.
Bref, ça se lit d'une traite, ça a quelque chose d'hypnotique, le narrateur semble planer par delà le bien et le mal, d'où il contemple la folie du monde, avec le visage impassible d'une statue de marbre grec. Mais qui aimerait tant se retirer l'épine qu'on lui a mise dans le pied, et qui lui fait mal ...
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Cet ouvrage est un recueil de nouvelles. 11 nouvelles tout aussi passionnantes les unes que les autres. Souvent dans ce genre d'ouvrage, il y en a deux ou trois qui sont bien en-dessous des autres, mais là, ce n'est pas le cas. L'auteur est avocat de la défense depuis de nombreuses années et il nous relate autant d'histoires de crimes commis sous une impulsion. Des gens ordinaires, qui n'avaient aucun (ou presque) passé criminel. Que ce soit cet homme qui a subi toute sa vie les reproches de sa femme et qui décide de la tuer. Ou bien cette jeune fille de l'est qui pensait pouvoir changer sa vie en venant en Allemagne, mais qui se retrouve à vendre son corps. Ou bien l'autre qui fait une casse qui tourne mal. Bref, l'auteur connaît son sujet, et il nous présente les faits, que les faits, sans pour autant que ça devienne soporifique. Bref, une lecture qui passe toute seule.
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« Ceci n'est pas une pomme » nous dit Magritte en final du recueil de nouvelles. Trahison des images, trahison des faits bruts, c'est tout le paradoxe apparent développé tout le long de ces onze récits. La réalité des choses ne se limite pas à ce qui nous est donné à voir.
Des faits divers qui feraient, le temps d'une édition, les gros titres des quotidiens avant de sombrer dans l'oubli jusqu'au prochain procès.
Avec Berlin comme décor, des lieux ordinaires tristement familiers, où les personnages sont souvent sans aspérité apparente. Un accident de parcours, un mauvais choix devient l'élément déclencheur d'un mal-être à venir. Les héros sont victimes d'un terne passé ou à l'opposé évoluant au coeur de la violence, des émigrés aux repères chancelants, des skinheads... Des personnages murés dans leur silence coupés de tout. La solitude emplit leur vie. On suit des marionnettes manipulées par des forces qui les dépassent. Enfermés sur eux-mêmes, leur psychose devient démence comme ce gardien de musée qui détruira sauvagement la statue sur laquelle il aura veillé 23 ans persuadé de son non-sens obsessionnel.
Le projet de l'auteur est de mettre en avant les mécanismes qui conduisent au crime sans préjugé moral. Aller au-delà de l'horreur pour dévoiler l'ampleur de la souffrance des coupables, la perturbation des malades, la rouerie de ceux qui passeraient sous les radars de l'accusation, le poids du non-dit et de la société, sorte de nébuleuse informe.
Dès les premières lignes on sait que l'inéluctable est en marche comme un train qui avance sur ses rails vers une inexorable descente aux enfers. L'écriture distanciée strictement clinique instille silencieusement un climat de peur latente. La parole directe est absente. L'auteur est avocat, il s'inspire de faits réels mais tout lyrisme et effets de manche sont gommés. Pas de gras dans ces onze nouvelles. Une efficacité redoutable.
La police et la justice feront difficilement la lumière. D'intéressantes remarques sur le plaidoyer en Allemagne « où chaque formulation alambiquée est insupportable...Les Allemands n'aiment plus le pathos ; tout bonnement parce qu'il y en a eu beaucoup trop » nous dit-il.
On tremble d'effroi face au crime, le droit et la justice passent avec compréhension ou impuissance.




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Onze nouvelles, écrites par un grand avocat allemand...Nouvelles nées de l'imagination d'un juriste ou nouvelles écrites à partir de cas qu'il eut à connaitre au sein de son cabinet ? ...il ne le précisera pas, mais qu'importe...Elles semblent toutes réelles. Toutes sont glaçantes, et mettent en scène une forme de déraillement de l'âme humaine..Toutes ces nouvelles ne relatent pas des crimes de sang. Certains ont tué par amour, par vengeance, pour se défendre. Un autre est, au contraire, subitement devenus fou au point de casser au moment de la retraite, la statue qu'il a surveillé toute sa vie. D'autres ont volé.
Aucun des cas évoqués ne met en scène un tueur psychopathe, un tueur en série. Non, ce sont parfois des personnes comme tout le monde, sans profil psychologique pervers, ce qui rend les nouvelles encore plus terribles....des gens comme vous et moi, qui déraillent à un moment ou dans des circonstances données
Tous sont certes coupables, mais combien sont réellement condamnables ?
Jamais l'auteur n'accumulera les détails sordides. Non, il constate tout simplement, il relate les faits. Il n'est pas là non plus pour défendre ou accuser les personnages de ses nouvelles. le lecteur, troublé quant à lui, s'interroge immanquablement devant l'atrocité de certaines nouvelles, qui côtoie les meilleurs sentiments humains d'autres nouvelles.
Il laisse en grand partie, à chaque lecteur, la liberté de s'interroger, de douter, et de juger l'auteur des faits, de constater ses fautes, sa démence, de faire la part entre hasard et préméditation, légitime défense et acte volontaire...et de prendre conscience de la difficulté parfois pour la justice de juger et de condamner un homme et pour l'avocat de défendre son client en trouvant les bons arguments .
Des textes qui interpellent le lecteur

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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