« Je crois en la loi, vous croyez en la société. Nous verrons bien qui aura le droit pour lui. »
Un roman policier mais surtout un roman qui parle de la société allemande et de son rapport au droit, à la notion de crime commis pendant la seconde guerre mondiale, à « l'empreinte laissée par le passé sur le ministère » de la justice.
L'avocat Caspar Leinen doit défendre un homme, Fabrizio Collini, italien installé en Allemagne depuis de longues années, accusé d'avoir assassiné Hans Meyer, un homme de 85 ans dans la suite d'un hôtel. Or, Leinen a connu le défunt dans sa jeunesse.
L'écriture de Ferdinand von Schirach est fluide, il ne noie pas le lecteur dans les détails de la procédure pénale, va à l'essentiel, toujours avec une touche de nostalgie quand il parle de la jeunesse de ses protagonistes ayant vécu en Allemagne, la nature étant un éléments fort dans ses récits. J'ai beaucoup apprécié ce roman.
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Dans ce roman-choc [...], l’auteur, lui-même avocat de la défense, plaide pour un principe de droit aussi fondamental que difficile à appliquer : l’apparence de justice.
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Après deux recueils de nouvelles remarqués, Ferdinand von Schirach signe un premier roman interpellant. L’écrivain et avocat place l’Allemagne face à ses responsabilités à l’égard des victimes du nazisme.
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Il avait toujours voulu être avocat. Il avait été stagiaire dans l'un des plus gros cabinets d'affaires. Dans la semaine qui suivit ses examens, il fut convoqué à quatre entretiens;tous,il les déclina. Leinen ne voulait pas travailler dans ces cabinets de huit cents collaborateurs. Les jeunes diplômés y avaient l'air de banquiers, ils avaient réussi leurs examens haut la main, achetaient des voitures au-dessus de leurs moyens, et on tenait pour le meilleur d'entre eux celui qui avait facturé le plus d'heures à ses clients au cours de la semaine écoulée. Les associés de telles sociétés en étaient tous à leur second mariage, ils portaient des pull-overs en cachemire jaune et des pantalons à carreaux le week-end. Leur univers était constitué de chiffres,de postes à des conseils d'administration, d'un contrat de conseils auprès du gouvernement fédéral et d'une suite infinie de salles de conférence, de lounges d'aéroport, de réceptions d'hôtel. Pour tous ces gens ,la plus grande catastrophe était qu'une affaire atterrît devant un tribunal ; les juges représentaient un risque. Mais c'était précisément ce que voulait Caspar Leinen:passer sa robe et défendre ses mandants. Son heure était enfin venue.
Ferdinand von Schirach est fils d’un négociant munichois, Robert von Schirach (1938-1980), et de son épouse, née Fähndrich (1942- ); il est aussi le petit-fils du dirigeant des Jeunesses hitlériennes, Baldur von Schirach1. Il passa sa jeunesse à Munich et à Trossingen et fréquenta le collège des Jésuites, Saint-Blaise, dont il devait dénoncer les cas d’abus dans le Der Spiegel2. Après des études à Bonn et un stage probatoire à Cologne et Berlin, il s’établit comme avocat en 1994 se spécialisant en droit criminel. Il se fit un nom en défendant l’écrivain Norbert Juretzko accusé par le Service fédéral de renseignements allemand (BND) d’avoir publié des secrets d’État et l’ancien journaliste Günter Schabowski, responsable du SED et membre du Politbüro du Comité central du SED en RDA, lors du procès dit « du Politbüro ». Il fit parler de lui lors de l’affaire Liechtenstein alors qu’il tint le poste d’avocat de la défense contre le Service fédéral de renseignements allemand (BND) ou lorsqu’il déposa une plainte au nom de la famille de l’acteur Klaus Kinski, décédé, contre le responsable berlinois du Service de protection de la vie privée après que celui-ci eût permis la publication du dossier de santé de l’acteur. Von Schirach se consacre exclusivement à la pratique du droit criminel.
En aout 2009, von Schirach publia Verbrechen (Crimes) aux éditions Piper. Ce recueil de nouvelles, basées sur des cas provenant de ses archives, demeura 54 semaines en tête du palmarès de l’hebdomadaire Der Spiegel. Les droits d’auteur du livre se sont vendus dans plus de trente pays. Ils furent achetés entre autres par les Éditions Gallimard en France, Alfred A. Knopf inc. aux États-Unis, Chatto and Windus en Grande-Bretagne et Salamandra en Espagne. Lu par Burghart Klaußner, il est paru sous forme de livre-audio publié en 2009 par la maison Der Audio Verlag.
La maison Constantin Film acheta les droits d’adaptation cinématographique3. Doris Dörrie se servit en 2012 d’une des nouvelles contenues dans le livre pour son film Glück ( La chance) 4. Les nouvelles qui composent Verbrechen furent adaptées en 2012 par le réalisateur Oliver Berben et présentées sous forme de minisérie sur la chaine de télévision allemande ZDF avec Josef Bierbichler dans le rôle de l’avocat Friedrich Leonhardt5,6,7.
Son deuxième livre, Schuld (La faute), parut également chez Piper Verlag en 2010. Tout comme Verbrechen, il s’agit d’un recueil de nouvelles tirées de la vie quotidienne d’un avocat8,9. Dès sa parution, il se propulsa au sommet du palmarès du Der Spiegel. L’adaptation en livre-audio, lue par Burghart Klaußner, se mérita le prix du livre-audio allemand10. Les films Constantin ont pour leur part acheté les droits d’adaptation cinématographique11.
D’autres nouvelles de von Schirach sont parues dans les quotidiens Süddeutsche Zeitung et Frankfurter Allgemeinen Zeitung ainsi que dans le magazine Der Spiegel. Depuis 2010, von Schirach écrit également une colonne dans le Der Spiegel sous le titre Einspruch (Pourvoi)12.
Son troisième livre parut en septembre 2011, toujours chez Piper Verlag, sous le titre Der Fall Collini (Le cas Collini) et parvint en deuxième place du palmarès du Der Spiegel. Le livre traite du meurtre de l’industriel Hans Meyer, ancien officier nazi en Italie. L’accent y est mis sur les difficultés de procédure que subit ce procès, lequel n’aboutit jamais, l’accusé s’étant suicidé. Le thème principal porte sur les jugements prononcés dans l’après-guerre par une justice indulgente à l’endroit des coupables nazis de même que sur la problématique de la prescription concernant la complicité dans les cas de meurtre, telle qu’elle se dégage de la Loi d’introduction (Einführungsgesetz) à la Loi sur les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (Gesetz über Ordnungswidrigkeiten [EGOWiG]) dont l’un des principaux contributeurs avait été le juriste Eduard Dreher. Le jour même de sa parution, le livre devenait un sujet d’actualité 13. Le quotidien Die WELT parlait « d’un cas clair comme le jour d’amoralité bouleversante »14, le FOCUS « d’un coup de chance pour la littérature allemande »15. Von Schirac lui-même devait déclarer dans une entrevue avec le ZEIT que, pour lui, il ne s’agissait pas de savoir « qui était le coupable », mais bien « quels étaient les motifs »16 Dans un essai paru dans le Der Spiegel, von Schirac devait traiter du cas de son grand-père, Baldur von Schirac, disant qu’il n’avait pas voulu faire de Der Fall Collini une transposition de l’histoire de sa famille, mais bien plutôt traiter « de la justice d’après-guerre, des tribunaux dans la République fédérale, des jugements éhontés, des juges qui n’ordonnaient que cinq minutes de prison pour chaque assassinat commis par un criminel nazi. C’est un livre qui porte sur les crimes dans notre État, sur la vengeance, sur la faute et toutes ces choses pour lesquelles, aujourd’hui encore, nous trainons le poids de l’échec. »17. Le magazine littéraire CICERO écrivait que le langage de von Schirac était dur et calculé de façon très précise; que, contrairement à Bernhard Schlink (autre écrivain de langue allemande auteur de Le Liseur), il se rangeait définitivement du côté de la victime. La ministre fédérale de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger institua le 11 janvier 2012 une commission d’enquête indépendante sur la façon dont avait été traitée le passé nazi au ministère fédéral de la Justice, faisant ainsi suite entre autres au roman Der Fall Collini18.
En Allemagne seulement, les ventes des livres de Ferdinand von Schirach ont atteint en février 2012 plus d’un million d’exemplaires. Dans plusieurs autres pays, ils se sont classés parmi les succès de librairies19
Un honnête homme, n'est-ce pas ? C'est rare. J'ai maintenant soixante-quatre ans et, de toute ma vie, je n'ai rencontré que deux honnêtes hommes. L'un est mort depuis dix ans, l'autre est moine dans un monastère français. Croyez-moi, Leinen, les gens ne sont pas noirs ou blancs ... ils sont gris.
- Les mots, ce n'est pas mon truc, monsieur Leinen. Je voulais juste dire que je ne crois pas que nous ayons gagné. Chez nous, on dit que les morts ne veulent pas se venger, qu'il n'y a que les vivants qui le veulent. Je passe mes journées en cellule à y songer.
- C'est une phrase intelligente, dit Leinen.
- Oui, une phrase intelligente.
Comme toujours. Il ne faut pas considérer le corps [le mort] comme un être humain. Sur la table, ce n'est qu'un objet scientifique. Lorsqu'on a compris ça, alors ça devient intéressant. Mais on n'y parvient jamais tout à fait.
Crimes de Ferdinand von Schirach
Marque-Page 29-03-2011