La grande qualité de cet ouvrage est qu'il bouscule les clivages universitaires et renouvelle, de ce fait, à la fois l'histoire de Byzance et de la Russie, et les casiers trop commodes de l'histoire religieuse. L'auteur est dans le même temps prêtre et historien, ce qui lui permet de faire entrer dans le champ historique la perspective de foi propre aux sociétés qu'il étudie, sans perdre la méthode rationnelle exigée par sa démarche. Ses chapitres sur "la symphonie" byzantine, les rapports entre l'état impérial et l'église, sont fondamentaux pour comprendre un phénomène et une relation qui n'ont jamais été saisis ni vécus en Occident.
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(CONVERSION DE CONSTANTIN) On ne peut apprécier correctement la réussite ou l'insuccès de Byzance, ses erreurs comme ses accomplissements, si l'on ne tient pas compte de la manière dont le Christianisme était vécu à cette époque : à savoir, avant tout, comme la victoire cosmique du Christ sur le "prince de ce monde". ... En lui [Constantin] l'état, qui avait été jusqu'alors l'instrument principal de la haine du démon envers l'église, s'était incliné devant le Christ. Par cela même, l'état recouvrait toute la valeur positive que les chrétiens, depuis saint Paul, ne lui avaient jamais déniée. On comprend dès lors que l'idée d'une neutralité de l'état en matière de religion ait été tout aussi étrangère aux orthodoxes qu'aux hérétiques de cette époque, comme leur état étranger le "cléricalisme", c'est-à-dire la subordination de l'état à l'église, telle qu'elle apparut plus tard en Occident. Dans la conception orientale, l'église embrasse le monde tout entier : elle est son essence intime, sa mesure : source de grâce, et non pouvoir, ni même source de pouvoir. Ce dernier est accordé aux empereurs et aux gouvernants ; et s'ils doivent prendre pour critère la vérité de l'église, ce n'est pas d'elle qu'ils tiennent leur pouvoir.
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