Il fut un temps où j'étais à l'affût de la sortie du dernier livre d'
Eric-Emmanuel Schmitt. Je lui dois de nombreuses merveilleuses lectures comme "
Oscar et la Dame rose",
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran", "
La Part de l'Autre", "
Hôtel des deux mondes", "L'Évangile selon Pilate", et bien d'autres encore. Puis, je ne sais pourquoi, je me suis lassée de son écriture. Trop de philosophie tue peut-être la philo !
Il y a quelques mois, j'ai eu envie de relire "
Ma vie avec Mozart", et là, ce fut un choc ! Alors que ce livre n'avait pas éveillé de grandes sensations lors de ma première lecture à sa sortie, je me suis surprise à être emportée par les vagues déferlantes de mes émotions au rythme des mots de l'auteur et des notes de l'immense Viennois. Comme le virtuose de génie s'est saisi du coeur de l'écrivain, ce dernier s'est emparé du mien !
Aujourd'hui, j'ai voulu renouveler l'expérience avec Beethoven. Sans attendre le même engouement, car tout en restant modestement admirative, je suis beaucoup moins touchée par la musique assez lourde de Ludwig que par celle, gracieuse, de Wolfgang, j'ai retrouvé le plaisir de lire
Schmitt.
Comment ne pas être éblouie par les compositions de Ludwig van Beethoven, sachant qu'il a été atteint de surdité dès l'âge de 26 ans ? de la même façon qu'avec Mozart, l'auteur décrypte pour le lecteur, et pour lui-même, la musique du grand homme. Un CD joint au livre permet d'écouter des extraits au moment opportun du récit. Malgré sa préférence visible pour Mozart, Éric-Emmanuel
Schmitt n'hésite pas à établir un parallèle entre les deux grands compositeurs.
« Mozart entend, Beethoven fabrique. Chez les deux le métier est ferme, supérieur, rigoureux, virtuose. Chez les deux l'art triomphe. Cependant si Mozart efface son geste, Beethoven le met en avant. Mozart nous propose le produit de l'esprit, Beethoven l'esprit qui produit. Beethoven cherche. Mozart a trouvé. Beethoven reste présent dans son oeuvre, Mozart s'en absente. [...] Pour cette raison, si l'on porte Mozart aux nues, on se sent plus proche de Beethoven. L'un est divin, l'autre humain. »
Il est vrai que, sans négliger le talent de l'Humain, je reste farouchement admirative du Divin aussi, ce volume m'a beaucoup moins transportée que le précédent, bien que j'en aie apprécié les moindres circonvolutions. Cependant, le récit ne s'arrête pas sur cette rencontre avec le compositeur, il se poursuit par une nouvelle mettant en scène une sexagénaire, Kiki à l'humour fracassant, entourée de ses trois fidèles amies et sa rencontre avec Boubacar, un danseur urbain de Hip-hop. Outre les situations volontairement cocasses et jouissives, lues au premier degré, dès que l'on se souvient que la philosophie fait partie intégrante de l'auteur, les métaphores sautent aux yeux du lecteur, traduisant la facétie de l'écrivain.
"
Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent..." ne m'a pas suscité le coup de coeur de "
Ma vie avec Mozart", pourtant, j'ai éprouvé un excellent moment dépaysant en compagnie de ces deux créateurs, le génie des notes et le génie des mots et de la narration.