Toutes les vérités ne sont peut-être pas bonnes à dire, et tout interview peut-être pas utile à réaliser. Certes, le Sarkozystan est un pays mystérieux, mais est-il si secret qu'il faille cet interview pour en révéler la profonde décadence ?
Un citoyen un peu averti, qui lirait régulièrement le Canard Enchaîné, écouterait différents médias radiophoniques et télévisés, s'intéressant un tant soit peu à son environnement politique, ne s'arrêtant pas à la manchette des gros titres, n'apprendra rien de cet interview. Certes, un individu lambda ne lisant que l'Equipe et qui s'intéresserait plus à Pernod & Pernaut qu'à Schneidermann y trouverait le premier terreau d'un questionnement qui ne pourrait que le faire grandir en tant que citoyen : oui mais voilà, cet individu-là ne lira pas ce ivre.
Alors ? Alors nous voilà devant ce bon dilemme démocrate: nous ne pourrons jamais dire "je ne savais pas" alors que tout était étalé là devant nous, nous ne pouvons même pas accuser l'encore Président de masquer toutes ces fautes de goût de néo-riche : tout est là. Et rien ne se produit. le vide, le silence, le froid, l'effroi.
Nous savons.
Bien.
Et notre société qui se veut exemplaire de démocratie, donneuse de morale au monde entier, est une monarchie déguisée, où les politiques sont judiciairement intouchables, où la justice passe par l'Elysée, et où l'Elysée se pointe dans l'Hémicycle duquel il avait été exclu, et les journalistes, indépendants cela va de soi, bave pour interviewer l'encore Président dans son palais, et s'auto-censurent pour Lui plaire.
La confusion des pouvoirs, les abus de pouvoir, le mélange des genres, tout cet infâme ragoût servi par une caste qui s'auto-régénère comme des notaires ou pharmaciens se refilant une officine, tout cela ne changera pas. Et s'il devait y avoir un prochain interview qui se réaliserait à Hollandywood dans quelques années, on peut le parier : rien n'aura changé non plus.
Alors, oui, il faut que le Canard ne finisse pas aux toilettes, que Schneidermann ne finisse pas comme Megaupload, mais rappelons-nous : nous sommes plus au siècle des Lumières, nul ne viendra imposer la séparation des pouvoirs, Schneidermann n'est pas
Voltaire ou Rousseau. Comme quoi il fallait le siècle de la sur-information et la sur-mediatisation pour masquer le profond anachronisme de nos institutions. Et
L'Interview Impossible n'y changera rien. Malheureusement.
Voilà, j'avais décidé de ne pas parler politique sur Babélio, que je remercie au passage encore une fois pour cet ouvrage reçu par le biais de Masse Critique, mais je n'y ai pas résisté.
Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es !