Ainsi, le verbe être au présent capricieux … Le verbe aller qui se camoufle si bien que la petite ne le reconnaît pas toujours… Et les verbes faire et venir et d’autres encore. Et puis il y a les temps. Le temps présent, ça va encore. Mais le passé et le futur sont parfois si étranges… Le temps, c’est l’ennemi des enfants ! Les parents n’ont jamais le temps ou ils veulent du temps rien que pour eux. Et pour les petits, il est toujours temps d’aller au lit, ou de sortir du bain, ou d’obéir, ou d’étudier. Le temps s’échappe quand on joue ou quand on rêve. Il va trop vite quand on voudrait prolonger un câlin. Il est trop long, trop lent quand on a un gros chagrin.
J’ai chaussé mes bottes magiques et sur la route bordée de platanes, je cours, je cours loin de toi, mère. Je suis le fleuve et le vent, l’orage et les nuages et mille chevaux blancs. Je suis le cristal et la pierre, l’eau et le feu, je suis la Vie sans passé ni présent ni avenir…
Ne comprends-tu pas, mère, qu’il faut que je m’invente ces histoires ? Je n’ose pas te dire que le sentier qui mène à notre jardin est celui du prince qui réveilla la Belle au bois dormant, ni que des fées entourent mon lit chaque soir et qu’elles m’accompagnent dans mon sommeil en me tenant la main, parce que toi, mère, tu te contentes d’un rapide baiser et d’un « à demain » du bout des lèvres.
Elle découvrait la douleur d’être femme, malgré soi, forcée. Elle criait au loin sa rage, sa déréliction. Elle criait sa honte intense, le désordre de son corps défait et la colère sculptait son adolescence. En sa voix, l’insoutenable, le poids du non-dit. En sa voix l’étrange, le lointain, le décalé, l’éveil lent de l’arbre, le vent trop présent, l’ancrage raté, la déchirure.
Quand on s'aime vraiment, on devrait être heureux, vivre libres, sans obstacles. On devrait se séparer de ceux qui s'opposent et aussi de ceux qu'on n'aime plus, simplement.