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Critique de encoredunoir


Le cinéma américain avait Ed Wood, la littérature française à Alexandre Schoedler. Et comme c'est du français qui essaie de copier de l'américain (Dan Brown, en l'occurrence), c'est toujours un petit peu moins bien (déjà que…). Comme Ed Wood, Alexandre Schoedler fantasme un peu sa vie – même si, jusqu'à preuve du contraire, il semblerait qu'il ne s'habillerait pas en femme à ses moments perdus – et peut ainsi annoncer qu'il a été primé par le prix des Internautes 2011 .

Codex Déus (oui, Alexandre Schoedler a inventé l'accent en latin), c'est l'histoire d'Alexandre Farrell, jeune et sémillant archéologue britannique qui, un jour, se fait aborder par une mystérieuse confrérie qui lui pose des énigmes l'incitant à partir vers l'Égypte à la recherche d'un secret dont la révélation pourrait bouleverser l'humanité toute entière. Parallèlement au parcours de Farrell, on suivra les pas d'autres archéologues qui, quelques années plus tôt on mis la main sur un dossier secret montrant que l'Ordre du Temple n'a jamais cessé d'exister, qu'Adolf Hitler était lui-même un templier et que des liens auraient été tissés par cet ordre avec des extraterrestres (à moins qu'il s'agisse de dieux mésopotamiens, je dois dire que je n'ai pas tout compris).

Et là, bien entendu, vous vous demandez : mais pourquoi aller lire ce genre de roman ésotérico-gloubiboulguesque quand il y a tant de bons livres à découvrir ? La réponse est simple : parce que c'est rigolo. C'est-à-dire qu'Alexandre Schoedler pousse tellement loin son intrigue et son propre personnage d'écrivain détenteur de secrets que, lu au troisième degré (au moins), Codex Déus atteint le rang de chef-d'oeuvre comique, fut-il involontaire.
L'avertissement du début du roman vous plonge rapidement dans le bain : « … ce livre est basé sur des faits réels, s'étant réellement déroulés, seuls les noms et places ont été partiellement changés ou abrégés ainsi que romancés pour les besoins dramatiques de l'histoire. » Analysons cette phrase qui augure bien de la suite :
1-les points de suspensions au début (!) sont là pour créer une tension dramatique. Ils représentent le silence éloquent de l'auteur précédant le moment où il va nous révéler un terrible secret. Les points de suspensions, nous le verrons, sont la marque de l'écriture d'Alexandre Schoedler, un des seuls auteurs poussant l'audace formelle jusqu'à placer des points de suspension entre crochets […] au milieu de ses phrases. Vous n'avez pas commencé à lire et vous avez déjà les miquettes.
2-Alexandre Schoedler veut que vous compreniez bien que ce qu'il vous dit est VÉRIDIQUE. Il vous le dit donc deux fois. Il s'agit de « faits réels, s'étant réellement déroulés ». Oui, parce que certains auteurs indélicats vous racontent parfois des faits réels qui ne se sont pas réellement déroulés. Vous voilà avertis.
3-Bien entendu, pour préserver les secrets et créer une réelle tension, on a changé les noms des lieux et des personnages. Et un peu l'histoire. Bref, tout cela a eu lieu. Ou pas.

C'est ensuite parti pour un véritable feu d'artifice composé de dialogues aléatoires et de phrases sans queue ni tête du meilleur effet. Outre les points de suspension qui se ramassent à la pelle, on découvre d'audacieuses et inventives envolées lyriques. Ainsi en va-t-il du « regard moustachu » destiné à entrer dans la postérité :

« …son manteau d'un noir ténébreux virevolte, dégageant de temps à autre une figure svelte, avec un regard sournois, moustachu, sombre... ».

Parfois le lecteur se demandera par ailleurs combien de personnages sont présents dans une scène et, surtout, lesquels font quoi :

« Soudain, les deux hommes, tous deux vêtus du même blouson noir uniforme, la vingtaine environ, sortent l'un après l'autre de leur poche une énorme seringue et se jettent en même temps sur Farrell pour lui planter l'aiguille de sa seringue dans le cou, pendant que l'autre vise l'épaule gauche. »

Il y a aussi, outre des problèmes récurrents de concordance des temps (« Il circule dans le quartier de Soho quand une forme noire le stoppa dans ses pensées. »), les phrases interminables déconseillées aux asthmatiques :

« "Le temple n'avait qu'un fronton devant une grotte conduisant à travers un long couloir parsemé d'ossements et de tibias suspendus à des tendons d'animaux (moutons, etc.) qui cliquetaient au vent des nombreux courants d'air à l'intersection des divers couloirs menant à terme vers un des fleuves (sources souterraines) où l'élue, parvenue là, pouvait sous l'emprise de népenthès, à travers la brume qui s'élevait de la grotte centrale au-dessus de l'eau stagnante, converser avec les défunts miroitant dans les voiles opaques... »

Mais là où Alexandre Schoedler excelle, c'est bien dans les scènes d'amour :

« Parvenu au comble de son excitation, elle le sort, doucement, voluptueusement, empoigne son "lingam" tiède, dégage lentement sa verge pulpeuse violette et l'étreint d'un va et vient vers le haut... Alex est au sommet de son érection... elle le laisse flâner le long de ses jambes, en l'enlaçant, s'embrassant ; il dégrafe le reste des boutons de sa chemise et fait apparaître un buste galbé, deux cornes d'abondance dont les tétons d'un beige clair viennent se plaquer contre ses lèvres. La bouche occupée pas ces délicates pointes, il fait descendre ses doigts autour du nombril de Cathy, puis de son abdomen jusqu'à tâter son entrejambe épilé. Doucement, il pénètre ce royaume par l'étreinte de ses doigts, puis de son sexe, la faisant tressaillir et se cabrer en arrière. Ils se consument d'un amour frénétique jusqu'à l'instant où, épuisés, ils se laissent choir repus.
[...].
-Tu es divin, lui murmure-t-elle. je crois que je ne peux plus me passer de tes étreintes fougueuses . »

Il vous suffit d'imaginer tout cela pendant plus de 230 pages pour avoir une idée du potentiel comique de la chose, même s'il faut bien admettre que les 80 dernières pages quasi exclusivement consacrées aux templiers dans un vocabulaire presque aussi approximatif que la ponctuation accusent un certain essoufflement (d'autant plus que la ponctuation ne s'arrange pas et que l'auteur, emporté par son enthousiasme se lance régulièrement dans des phrases longues d'une demi-page).

Par ailleurs, il faut savoir qu'arrivé à la fin de ce roman, vous ne saurez toujours rien du mystère après lequel court Farrell, puisque la dernière phrase indique abruptement : « Fin du tome premier ». C'était en 2009 et, depuis, Alexandre Schoedler n'a pas mis à exécution sa menace d'écrire un deuxième tome.

Bref, disons-le, se lancer dans la lecture du Codex Déus, s'est s'engager sur un chemin dangereux. Pour le bon goût, la santé mentale… Les amoureux de la langue française en seront pour leurs frais. Il est en tout cas vivement déconseillé de lire ce roman seul car son potentiel comique ne se révèle vraiment que lorsque cette lecture est partagée. Voilà une manière originale d'animer une soirée entre amis ou un apéro.
Si, malgré l'article qui vient d'en être fait, vous hésitez encore à acheter le Codex Déus, vous pouvez toujours aller lire le best-of des citations sur la page facebook des Perles du Codex Déus : https://www.facebook.com/LesPerlesDuCodexDeus

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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