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Critique de Bellonzo


Karel Schoeman sera-t-il un jour reconnu comme l'égal de Coetzee, Brink, Gordimer?Je n'hésite pas à qualifier "La saison des adieux" de chef-d'oeuvre, meilleur que le déjà très bon "Retour au pays bien-aimé" . L'Afrique du Sud a été prodigue de génies littéraires,ce qui donne à penser que c'est dans les convulsions que s'épanouit le talent. N'allons pas trop loin dans ce syllogisme.

Ecrit en 89 "La saison des adieux" se situe au début des années soixante-dix, en quasi guerre civile, où le délabrement s'accélère dans un contexte d'insécurité et de répression. Nous allons vivre quelques mois avec Adriaan, poète de langue afrikaans, dont la vie perd chaque jour de sa substance puisque est venue la saison des adieux, le temps de partir pour beaucoup d'intellectuels de progrès. Karel Schoeman écrit lui-même dans cette vieille langue d'origine hollandaise et dans une traduction que je pense de qualité on découvre un auteur très riche qui sait à merveille décrire un espace vert au Cap, rare endroit préservé, ou la violence des banlieues envahies quand le moindre incident dégénère.

Adriaan a longtemps fait partie d'un petit cénacle d'esprits éclairés qui ont cru possible que l'Afrique du Sud change sans trop de douleur. Mais à l'impossible nul n'est tenu et ce pays magique se devait de pleurer longuement. C'était déjà le titre du grand livre précurseur d'Alan Paton "Pleure ô pays bien-aimé" qui date pourtant de 1946. L'ami d'Adriaan est déjà en Amérique, Marisa a regagné les Pays-Bas, ceux qui sont encore là font semblant de ne rien voir de cette société en pleine déréliction, comme l'insignifiant Dewald qui cherche encore à monter une revue de poésie afrikaans. Nico, acteur imbu et plus très jeune multiplie les furtives étreintes pour s'empêcher de vieillir. le musée où travaille Adriaan s'effondre lui aussi, témoignage de la vieille Europe dans la ville du Cap, cet extrême sud, qui, un temps relativement épargné, s'apprête à rejoindre Johannesburg dans la ruine.

Il y a dans "La saison des adieux" des pages merveilleuses sur la marge si étroite entre le courage et les lâchetés, les petitesses et les sursauts. Et plus encore sur la solitude du poète, cet albatros empêtré, dont les mots demeurent impuissants à enrayer l'inéluctable et sur la tragédie d'Adriaan, qui rentre chez lui au crépuscule, pour travailler, travailler toujours, témoigner et encore ce n'est pas sûr... Schoeman a fait de son personnage un homme malgré tout équilibré,presque sage et composant avec sa solitude. C'est très beau. C'est chez Phébus et 10/18.
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