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Critique de Zebra


Zebra
10 décembre 2012
17ème édition de Masse critique (novembre 2012) :
Quand j'ai ouvert l'enveloppe contenant « Bye Bye crazy girl » de Joe Schreiber, ouvrage paru aux éditions de la Martinière Jeunesse, mes yeux ont découvert un livre au format très « acceptable » (252 pages, à comparer avec une des mes précédentes lectures, un ouvrage comptant plus de 680 pages), au titre moderne et accrocheur (les termes anglais et le concept de « crazy girl » laissaient présager d'aventures incroyables, à tout le moins déboussolantes), avec une couverture cartonnée représentant, sur fond de taches de sang, un personnage asexué (homme ou femme ?) faisant usage de son revolver. Et la 4ème de couverture annonçait en guise d'avertissement  une « histoire de vengeance menée tambour battant par une héroïne à l'énergie contagieuse ».

Une histoire de vengeance ? C'est tout à fait exact. Gobija Zaksauskas, alias Gobi, fait ses études en Lituanie. Accueillie dans le cadre d'échanges internationaux par la famille du lycéen Perry Stormaire, famille qui réside à proximité de New-York, Gobi cherche en fait à retrouver la trace du réseau de traite des blanches qui a enlevé puis tué sa soeur. Gobi est armée, elle maîtrise le maniement des explosifs de dernière génération (Semtex et assimilés), son dynamisme est exceptionnel (elle le doit probablement à quelques piqûres d'éphédrine, substance qu'elle s'injecte de temps à autre) et sa volonté est sans faille (même devant la torture, mais je ne vous en dis pas plus). Et elle ira jusqu'au bout !

Menée tambour battant ? C'est le moins qu'on puisse dire. Dès le début du livre, les événements s'enchaînent à une vitesse qui va en s'accélérant  : d'abord un bal lycéen de fin d'année, dans une ambiance plutôt calme, puis une altercation entre Perry et deux lycéens délibérément provocateurs que Gobi mettra hors d'état de nuire (un des hommes sera même tué de sang froid), la fuite de Perry et de Gobi dans la Jaguar paternelle (prêtée pour l'occasion), des explosions, des flics en chasse après Gobi (où le lecteur découvrira qu'un Humer constitue un arme de poursuite redoutable), jusqu'au sauvetage final de Gobi et de Perry en hélicoptère (ils se tireront des griffes des méchants, mais je n'en dis pas plus).

Une héroïne à l'énergie contagieuse ? Il faut admettre qu'entre le Perry obéissant, pour ne pas dire soumis à son père (depuis plusieurs années, il a été contraint d'abandonner ses compétitions de natation et le jour du bal lycéen de fin d'année, son père l'oblige à renoncer au concert de rock que Perry avait prévu de donner avec le groupe qu'il a constitué avec ses amis musiciens, les Inchworm), que le lecteur découvre au début du livre et le Perry énergique et affirmé auquel ce même lecteur est confronté dans les derniers chapitres de l'ouvrage, il y a un monde ! Et ce changement est évidemment le fruit d'une cohabitation ininterrompue entre Perry et son héroïne. Car Gobi est bien « son héroïne » : de supposée « top-model » d'Europe de l'Est, en passant par une fille ordinaire vêtue comme « l'as de pique » (voir page 31), Gobi s'avère être d'abord une vraie femme puis un réel modèle pour Perry. Notre lycéen va, grâce à elle, s'affirmer progressivement, tant dans son corps (il était puceau, il va embrasser puis caresser son héroïne) que dans sa tête (il va rejeter les instructions parentales qui entravaient son propre fonctionnement, il va faire preuve d'initiatives et prendre des postures viriles, oscillant entre le guerrier, le justicier et le protecteur).

Le scénario est, hélas, crédible : les faits divers regorgent de filles enlevées et abusées sexuellement par des personnes appartenant à des réseaux mafieux, souvent sous couverture d'activités tout à fait légales. le lecteur est plongé dans un monde moderne : famille traditionnelle avec liaisons extra-conjugales, avocats d'affaires sur-investis dans des dossiers complexes, compétition entre lycées et entre universités, splendeurs et misères de certains quartiers de New-York, nuits urbaines plus ou moins déjantées, etc. le style est direct et simple. Grâce à une narration à la première personne, le lecteur s'identifie aisément à Perry. Il s'agit de dialogues écrits et la recherche stylistique est réduite au strict minimum, privilégiant une écriture cinématographique hyper-fluide et des chapitres courts (certains échanges entre Perry et son père pourraient avoir été mieux travaillés). Les titres des chapitres sont autant de sujets de dissertation proposés par des universités américaines (du type « Choisissez trois objectifs pour vous décrire et expliquer pourquoi - Bowboin College ») : ce point original et un tantinet ludique révèle la compétition existant entre les grandes universités américaines. Or c'est précisément dans une grande université que Perry va commencer sa rentrée prochaine afin de s'assurer un avenir brillant, du moins c'est le souhait de son père. Par-delà la vengeance, ce livre est également l'histoire d'une relation qui se construit entre ces deux jeunes : au début, Perry ne prête pas attention à Gobi alors qu'ils vivent sous le même toit, puis il va la détester, finir par la comprendre et enfin participer activement à son entreprise.

Avec ce livre, on ne s'ennuie pas une seule minute : j'ai lu ce livre d'une seule traite, happé par cette amitié et cet amour entre deux adolescents aux parcours dissemblables, fortuitement unis dans cette vengeance. Gobi n'est ni une tueuse à gage (c'est une adolescente vengeresse), ni une James Bond Girl et elle n'est pas folle (contrairement à ce qu'annonce le titre), sauf que pour accomplir sa vengeance elle n'hésite pas à mettre les proches de Perry (et notamment Anne, sa soeur cadette) en danger. Il y a du sang mais l'hémoglobine ne coule pas à flot et c'est sans voyeurisme aucun que vous poursuivez votre lecture au fil des pages. Il y a bien un peu de naïveté, voire un brin de simplicité à dénoncer (facilement ?) les agissements d'un réseau composé de personnes riches et occupant une place de choix dans la société américaine : l'auteur aurait pu nous plonger dans des réseaux « de bas étage », quitte à nous immerger dans une laideur et des atrocités qui ne faisaient pas sens dans un livre pour la jeunesse. le sauvetage final (la scène de hélicoptère et la suite, alors que Gobi est grièvement blessée) est certes un peu « tiré par les cheveux » mais voyez le clin d'oeil que vous adresse l'auteur dans les dernières lignes de l'ouvrage … Bref, un superbe roman noir, bien rythmé, destinés prioritairement à des ados qu'une histoire personnelle bien sympathique mais un peu sombre ne rebuterait pas !
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