Dans le magnifique cadre de la Haute-Savoie, nous suivons Jude, une jeune femme pleine de convictions, anticonformiste et anticonsumériste.
Une femme fatiguée et énervée par la démesure, l'ignorance systémique, et la destruction du monde naturel.
Jude déplore que la plupart des gens ne savent que très peu de choses sur la vie et sur le vivant en général, sur ses équilibres, ses imbrications, ses interdépendances, ses symbioses, et ses conditions. Sur la relation et la dépendance de l'humain au monde naturel. La plupart des gens ne savent pas comment vivent les plantes, les fleurs, les arbres qui font l'air qu'ils respirent.
Dans le même temps, Jude voit la vie grandir en elle. Une bénédiction.
Mais comment assurer l'avenir de son enfant dans ce monde qu'elle voit mourir, impuissante ?
A partir de là s'installe un dialogue imaginaire entre la future maman et son foetus. Un oeuf bien plus pondéré, qui hésite cependant à se développer voyant les dégâts du 21è siècle à travers les yeux de sa mère.
En parallèle des péripéties de Jude, nous découvrons d'autres vies, d'autres histoires :
-Guy, un grand enfant de 32 ans qui a passé la majorité de sa vie à jouer à un jeu virtuel sur son PC en mangeant des Chocky-Nuts.
-Jean-Christophe, un psychologue passionné par son travail qui en oublie sa famille.
-Baba, la meilleure amie de Jude, qui a passé 4 ans dans la jungle pour fuir la civilisation.
-Clara, une esthéticienne impeccable qui n'arrive pas à lâcher prise.
Autant d'histoires qui s'entremêlent et sont bouleversés par un seul et même facteur : Une pandémie.
Une maladie qui transforme drastiquement le comportement de la population et surtout leurs envies.
C'est donc dans ce contexte que nous observons comment Jude et ses compères survivent à cette maladie en cherchant à comprendre d'où cela vient et comment l'affronter.
Dans ce premier roman, Charlotte Schwartz jongle joyeusement avec les mots
On suit avec plaisir Jude, une femme excentrique qui se bat pour ses convictions écologiques.
Les dialogues sont particulièrement percutants. le suspense grandit au fil des pages et ne s'arrête plus de nous étonner. On fait face à de nombreux questionnements sur cette Pandémie.
Les personnages sont très attachants tant ils sont exaspérants humains.
Un livre qui se lit très vite et que je recommande !
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L’entrée était servie.
Les crevettes mortes étaient là, posées dans les assiettes et semblaient fixer Jude de leurs petits yeux noirs. Pour combattre l’angoisse, et ne pas faire paraître l'ombre qui l’assaillait encore au beau milieu de ce repas de fête, elle annonça de sa voix la plus enjouée :
- C’est joli Marguerite, ce que vous nous avez préparé ! Merci !
Puis, retomba dans ses pensées, contemplant son assiette, pendant qu’on parlait politique et téléphonie mobile.
« C’est vrai, c’est beau ces roses saumon, ce jaune de l’œuf mimosa et ce vert de salade avec ce rouge de tomate bien agencé dans des assiettes blanches immaculées. Je sens tout l’amour qui a été mis dans ses gestes pour nous offrir cette belle entrée… Mais j’ai des hauts le cœur : les crevettes. Elevées en Islande, dans de grands bassins artificiels. Elles ont dû tant se donner de mal pour survivre. Elles ont dû tellement sentir l’appel du large. Ou bien, peut-être qu’elles n’ont rien senti du tout.
Et c’est peut-être ça le pire !
Un pipi dans un bocal, un prélèvement sanguin, un taux d’hormones et voilà, t’es une grossesse. Eh ! Ça va là ! Ils se prennent pour qui ces humains ? Moi je suis une âme vieille de deux milliers d’années et j’aspire à un minimum de respect !
Je suis l’immensité à moi tout seul, mon existence est ici, dans le cosmos, la meilleure qui soit ! J’en ai vu des vertes et des pas mûres avec toutes les réincarnations que j’ai traversées, mais celle-là, c’est le pompon.
Jude, toujours entre angoisse et indignation, s’efforçait constamment de se raisonner, de ne pas juger les comportements dont elle était témoin, sachant bien qu’elle, comme tout le monde, était plus ou moins obligée de vivre avec des incohérences dans cette époque étrange qui impose la dépendance à un système pervers dont les humains sont les prisonniers et les geôliers en même temps.
Ultra confort, ultra nourriture, ultra loisir, ultra rapide.
Jude se sentait absolument imbuvable quand elle revenait de chez sa belle-famille ou de n’importe quelle autre rencontre festive du genre d’ailleurs. Elle ne voyait que ce qui n'allait pas. Elle était tellement obsédée par l’état du monde et ses aberrations mortifères que tout ce qui était joyeux et léger lui paraissait futile et inacceptable.