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Critique de enjie77


Ecrire un billet sur un tel livre n'est pas chose évidente. J'ai lu ce livre avec beaucoup d'intérêt et celui-ci m'a renvoyée à mon identité, à ma famille paternelle, à ce qui m'avait été transmis. C'est une enquête extrêmement fouillée, très bien argumentée, réalisée par une jeune femme journaliste, franco-allemande, et qui pose un regard sans concession sur l'humanité !
Géraldine Schwarz, née de père allemand, originaire de Mannheim, et de mère française, découvre que son grand-père a acheté, à bas prix, au moment de l'aryanisation des entreprises, une société à Mr JULIUS LOBMANN. de cette découverte va naître, chez elle, un impérieux besoin de comprendre ce qui a pu mener des individus banals, sans idéologie particulière, à participer, sans contestation, à un système qui a fait du racisme une doctrine d'état : ce qu'elle nommera « les Mitläufer ».
Côté français, son grand-père Lucien était gendarme en Sâone-et-Loire, en zone « libre » chargé de surveiller la ligne de démarcation et fermant souvent les yeux sur les clandestins qui tentaient leur chance. Mais personne ne lui a parlé des rafles de Monceau-les-Mines, ville située à douze km de son village, où furent effectuées, par des policiers et gendarmes français, l'arrestation des 2/3 des juifs de la population de MONTCEAU qui furent déportés !
Je me suis mise à la place de Géraldine Schwarz ! L'héritage des victimes est lourd à porter mais celui des bourreaux n'est pas une sinécure pour celles et ceux qui ont conscience des atrocités commises ! Ses grands-parents allemands avaient connaissance de la « nuit de cristal » comme ses grands-parents français devaient avoir connaissance des rafles auxquelles Lucien a peut-être participé !
Les deuxièmes générations se sont posées des questions comme le papa de l'auteure, Volker, sans vraiment trouver de réponse. Côté victimes comme côté bourreaux, il y a eu le silence, le besoin d'oublier voire même d'excuser mais il me semble que la troisième génération doit entreprendre ce lourd travail de mémoire pour assainir l'inconscient collectif d'où son livre qui nous concerne tous.
Géraldine Schwarz analyse très bien les conséquences du déni des sociétés allemande et française sur les évènements qui ont suivi la deuxième guerre mondiale jusqu'à la Bande a Baader et mai 68.
Elle apporte un éclairage que j'ai particulièrement apprécié en raison de ma méconnaissance, des difficultés et des modifications survenues à la suite de l'effondrement du mur de Berlin. Elle met en évidence l'insuffisance en Allemagne de l'Est du travail mémoriel dû à l'enfermement de la RDA dans le bloc des pays de l'Est et ses conséquences sur les prises de position des allemands de l'est. Elle relate d'ailleurs certains évènements, soutenus par la population, comme l'incendie à Rostock, d'un foyer de vietnamiens alors qu'en Allemagne de l'Ouest, les attentats contre des immigrés sont commis par des néo-nazis combattus par la population.
L'auteure analyse également le travail mémoriel dans d'autres pays : La France, l'Italie, l'Autriche, les pays de l'Est.
Page 337
« La violence verbale, inspirée d'une rhétorique national-socialiste contre les étrangers, les juifs, les homosexuels, est devenue une triste caractéristique d'une partie de l'Europe de l'Est qui choque les sociétés occidentales que le souvenir du fascisme et de la guerre a rendues majoritairement hostiles à de telles manifestations de haine. Ce décalage des mémoires reste une réalité qui creuse un fossé au coeur de l'Europe.
Mais même à l'Ouest, le consensus mémoriel autour d'un rejet clair du fascisme et de la nécessité de se mobiliser contre sa résurgence n'a pas partout la même force. Il n'est pas immuable, comme nous aimerions le croire, nous les enfants gâtés de la paix qui ne connaissons que la liberté et la démocratie, et avons oublié à quel prix celles-ci nous ont été livrées, au nom de combien de luttes la mémoire des crimes et de leurs victimes a été sauvée de l'amnésie. Soixante dix an après la fin de la guerre, beaucoup de pays présentent les symptômes d'une rechute dans des schémas qu'on pensait irrémédiablement discrédités tant ils ont produit de souffrances et de destructions ».
Malheureusement, je suis arrivée à cette conclusion : la haine fait partie de l'être humain, il ne faut pas grand-chose pour l'alimenter. Ce monde est binaire, les excès attirent les excès contraires, il faut en tenir compte. Et pourtant à lire certaines chroniques bienveillantes sur Babelio, une petite flamme intérieure continue de brûler en moi-même. Si par moment elle s'amenuise, vacille, à d'autres elle s'agrandit.

Un grand merci à Jean-Pierre alias Kielosa qui m'a permis de connaître "Les amnésiques"
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