AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9781294726364
482 pages
Nabu Press (01/04/2019)
4/5   2 notes
Résumé :
J. S. Bach Le Musicien-Poète
par Albert Schweitzer
Docteur en philosophie de l'Université de Strasbourg

Avec la collaborarion de M. Hubert Gillot de l'Université de Strasbourg

Préface de Ch. M. Widor

Leipzig
Breitkopf &Härtel
1905
Que lire après J. S. Bach Le Musicien-PoèteVoir plus
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Il existe une quinzaine ou une vingtaine de ces catégories dans lesquelles on peut faire rentrer tous les motifs expressifs caractéristiques de Bach. La richesse de son langage ne consiste pas dans l’abondance de thèmes différents, mais dans les différentes inflexions que prend le même thème suivant les occasions. Sans cette variété de nuances, on pourrait même reprocher à son langage une certaine monotonie. C’est en effet la monotonie du langage des grands penseurs qui, pour rendre la même idée, ne trouvent toujours qu’une expression unique, parce qu’elle est la seule vraie.

Mais son langage permet à Bach de préciser ses idées d’une façon surprenante. Il dispose d’une variété de nuances dans l’expression de la douleur et de la joie, qu’on chercherait vainement chez d’autres musiciens. Une fois connus les éléments de son langage, les compositions même qui ne se rattachent à aucun texte, comme les préludes et les fugues du Clavecin bien tempéré, deviennent parlantes et énoncent en quelque sorte, une idée concrète. S’agit-il d’une musique écrite sur des paroles, on peut, sans regarder le texte, en préciser les idées caractéristiques à l’aide des thèmes seuls.
Commenter  J’apprécie          10
Schiller était musicien. En concevant ses œuvres, il avait des sensations auditives. Dans une lettre à Körner, du 25. Mai 1792, il s’exprime ainsi : « La musique d’une poésie est bien plus souvent présente à mon âme, quand je m’assieds à ma table pour l’écrire, que l’idée nette du contenu, sur lequel souvent je suis à peine d’accord avec moi-même »[1]. Goethe, lui, était peintre au point qu’il fut longtemps hanté par l’idée que sa vraie vocation était peut-être la peinture. Il étudiait le dessin avec obstination et souffrait de ne pouvoir rendre les choses telles qu’il les voyait. On sait comment, pour en finir avec ces incertitudes, il imagina, au cours d’un voyage à pied qui le ramenait de Wetzlar vers le Rhin, de consulter le sort pour décider de son avenir. « Je suivais, raconte-t-il dans Poésie et Vérité, la rive droite de la Lahn et voyais à quelque distance au-dessous de moi la rivière, dissimulée parfois par de riches saussaies, glisser aux rayons du soleil. Alors se réveilla en moi mon ancien désir de pouvoir peindre dignement de tels objets. Je tenais par hasard un beau couteau de poche dans ma main gauche ; et, à l’instant, j’entendis retentir au fond de mon âme l’ordre impérieux de lancer sur-le-champ ce couteau dans le fleuve. Si je le voyais tomber, mon vœu d’artiste serait exaucé ; si le plongeon du couteau était dissimulé par les branches qui surplombaient, il me fallait renoncer à mon souhait et à mes efforts. À peine conçue, cette fantaisie fut mise à exécution, car, sans avoir égard à l’utilité du couteau qui renfermait plusieurs pièces, je le lançai aussitôt de toute ma force, avec la main gauche, dans la rivière. Malheureusement, cette fois aussi, je dus éprouver la trompeuse ambiguité des oracles, dont les anciens déjà se plaignaient si fort. Le plongeon du couteau me fut caché par les derniers rameaux des saules, mais l’eau rejaillit sous le choc comme une puissante fontaine et me fut parfaitement visible. Je n’expliquai pas la chose à mon avantage et le doute qu’elle éveilla en mon esprit eut dans la suite cette fâcheuse conséquence, que je me livrai à l’étude du dessin d’une manière plus décousue et plus négligée, donnant ainsi moi-même à l’oracle l’occasion de s’accomplir. »
Commenter  J’apprécie          00
Le langage musical de Bach est le plus développé et le plus précis qui existe. Il a, en quelque sorte, ses racines et ses dérivations comme n’importe quelle langue.

Il existe toute une série de thèmes élémentaires procédant d’images visuelles, dont chacun produit toute une famille de thèmes diversifiés, selon les différentes nuances de ridée qu’il s’agit de traduire en musique. Souvent, pour une même racine, on trouvera vingt à vingt-cinq variantes dans les différentes œuvres ; car, pour exprimer la même idée, Bach revient toujours à la même formule fondamentale. C’est ainsi que nous rencontrons les thèmes de la « démarche » (Schrittmotive), traduisant la fermeté ou l’hésitation ; les thèmes syncopés de la lassitude, les thèmes de la quiétude, qui représentent des ondulations calmes ; les thèmes de Satan, exprimant une sorte de reptation fantastique ; les thèmes de la paix sereine ; les thèmes des deux notes liées, qui expriment la souffrance noblement supportée ; les thèmes chromatiques en cinq ou six notes, qui expriment la douleur aiguë, et, finalement, la grande catégorie des thèmes de la joie.
Commenter  J’apprécie          10
Mais le plus curieux, c’est que ce langage de Bach n’est point le fruit d’une longue expérience. Les différents motifs de la douleur se trouvent déjà dans le Lamento du Cappricio, qu’il a écrit entre dix-huit et vingt ans. Quand il composait l’Orgelbüchlein, qui date de l’époque de Weimar, il avait environ trente ans. Or, à ce moment, tous ses motifs expressifs typiques sont déjà arrêtés et fixés, et, dans la suite, ne subiront plus aucun changement. C’est qu’en cherchant à représenter en musique toute une série de chorals, il se vit forcé de chercher les moyens de s’exprimer simplement et clairement. Il renonce alors à décrire par le développement musical et adopte le procédé qui consiste à tout exprimer par le thème. En même temps il fixe les formules principales de son langage musical.

Ces petits chorals sont donc le dictionnaire de la musique de Bach. C’est de là qu’il faut partir, pour arriver à comprendre ce qu’il veut dire dans les cantates et dans les Passions.
Commenter  J’apprécie          11
Le vieux Bach avec toute son originalité, fils de son pays et de son temps, n'a pas su échapper à l'influence des Français, notamment à celle de Couperin. On veut se montrer aimable (gefàllig enveisen), il en résulte des œuvres qui ne sauraient rester telles qu'on les produit. Heureusement, il n'y a qu'à enlever ces «amabilités, ces couches de légère dorure", et la vraie valeur apparaît aussitôt. C'est ainsi que j'ai arrangé, pour mon usage propre, beaucoup de Cantates, et mon coeur me dit que de là-haut, le vieux Bach m'approuve par un signe de tête, comme autrefois le bon Haydn: "Oui . . . c'est bien!"
Commenter  J’apprécie          20

autres livres classés : bachVoir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}