AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
inconnu (06/04/1885)
5/5   1 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après L'Homme VoiléVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
ISBN : inconnu pour la nouvelle elle-même mais 9782859408558 pour "Oeuvres", chez Libretto, dont ce texte est tiré

Il est des écrivains qu'on a la chance de découvrir tôt, d'autres dont nous ne parvenons à saisir ni l'univers, ni le style avant que nous n'ayons nous-mêmes atteint un certain âge - et enfin il y a les écrivains que l'on rencontre quand on ne l'espérait plus, et qui viennent à vous, le sourire aux lèvres, tout heureux de vous faire respirer à nouveau cette bouffée d'air frais jaillie de votre jeunesse et de vous faire éprouver encore une fois ce frisson d'excitation dont vous croyiez qu'il vous était devenu inaccessible. Pour moi, j'ai l'infini plaisir de vous certifier que Marcel Schwob - que Colette félicitait pour son "Livre de Monelle" - est de ceux-là. Romancier à qui la postérité ne paraît pas avoir rendu justice, il est aussi (et probablement avant tout) un très, très grand nouvelliste.

Un nouvelliste multiformes si l'on ose écrire puisque, s'il est capable de rédiger des contes fantastiques superbement troussés, il est aussi au rendez-vous lorsqu'il s'agit de se moquer de certaines pratiques spirites et même des squelettes qui viennent s'asseoir dans sa chambre, une nuit qu'il a un peu trop bu. Mais, bien évidemment, il a également écrit des nouvelles sur bien d'autres thèmes dont, par exemple, le saisissant, l'écrasant "Les Sans-Gueule", sur les horreurs de la guerre et les situations parfois exceptionnelles qu'elle crée chez les civils.

Accessoirement, Marcel Schwob fut aussi l'amant, puis l'époux de la grande comédienne Marguerite Moreno. Fin de la rubrique privée et mondaine et venons-en à son "Homme Voilé", nouvelle souvent citée dans les anthologies fantastiques ou policières, ou encore - ce qui se rapprocherait à mon sens un peu plus de la nature de ce texte - dans les recueils d'histoires insolites si chers à Jacques Papy.

Dominé par l'ambiguïté la plus absolue, ce texte déroule les mystères de son action dans un compartiment de première, dans un train dont on ne sait trop ni d'où il vient, ni où il va, mais qui s'apprête, on en est sûr, à rouler de nuit. Est-elle déjà tombée ou pas, cette fameuse nuit, lorsque le narrateur grimpe dans son wagon, on l'ignore. Mais on peut le penser puisque, lorsque le narrateur pénètre dans son compartiment, l'un des deux voyageurs qui l'y ont précédé est déjà couché. de cet homme, on ne voit que la couverture, mouchetée comme la fourrure d'un léopard, qui le recouvre quasi intégralement et la blancheur, engrisaillée par la pénombre, du bonnet ou du petit calot qu'il a sur le crâne. Il est tourné de telle façon qu'il est impossible d'en distinguer plus.

L'autre voyageur, lui, est encore éveillé. C'est, selon toute évidence, un homme tranquille et d'honorable condition qui, très vite, s'apprête lui aussi pour la nuit. Il s'étend donc sur sa couchette après avoir soigneusement préparé son oreiller, s'étend pour sa part sur le dos, et joint paisiblement les mains avant de fermer les yeux et de tomber, semble-t-il, presque immédiatement dans les bras de Morphée.

Notre narrateur, lui, est moins disposé au repos. Il a commencé, ce qui est normal, par examiner ses deux compagnons de route avant de regarder le paysage prendre de la vitesse à travers les vitres du train désormais lancé, d'observer un peu à droite, un peu à gauche et, enfin, de laisser vagabonder son imagination. le voyageur recouvert de la couverture léopard lui a causé une impression bizarre. Aussi cet esprit porté peut-être naturellement à l'inquiétude, est-il bien loin de se sentir rassuré quand, à peine son vis-à-vis endormi, l'autre voyageur, qu'il croyait pourtant profondément enserré dans les liens du sommeil, se lève en douceur et tire le petit rideau à ressort pour recouvrir la lampe. Tout cela dans le plus grand silence et avant de se recoucher, toujours dos à notre héros. Celui-ci - comme le lecteur - s'attendait à avoir en cette occasion une petite idée des traits exacts de son visage. Mais tout ce que peut nous en confier le narrateur, c'est que l'homme qui vient de tirer le rideau sur la lampe bleue porte un voile ou un masque couleur chair.

Rien de plus.

La description a de quoi étonner, et même largement. On sait le narrateur très observateur et, même en tenant compte de la pénombre, il eût dû pouvoir nous brosser un portrait un peu plus précis de son compagnon. Quoi qu'il en soit, cette vision, si brève qu'elle ait été, le renforce dans une ronde d'idées que dominent l'angoisse et le macabre. Il songe entre autres à un certain Jud, qui s'était fait une spécialité d'égorger les passagers des premières classes ferroviaires, pendant la nuit bien entendu. Appréhendé, Jud a été condamné non à mort mais à une lourde peine de prison : le problème, c'est qu'il s'est arrangé pour s'évader et que, depuis lors, il n'a plus fait parler de lui. Et il s'avère que les traits de Jud - inventés par le narrateur ou qu'il a aperçus à la une des journaux, on n'en sait rien - se sont en tout cas imprimés très nettement dans sa mémoire : un visage osseux, presque hâve, une barbichette sale, enfin, rien de bien agréable.

Et l'histoire de Jud, entraînant une ribambelle de pensées du même ordre, ne cesse d'enserrer le crâne du narrateur. Cette nature impressionnable redoute le pire et est même tentée de se jeter sur son innocent vis-à-vis pour lui faire part de ses craintes ... de ses craintes que le dormeur à la couverture qui imite si bien la fourrure d'un léopard n'en veuille à leur vie à tous les deux mais plus particulièrement à celle du voyageur endormi. Heureusement, la raison reprend vite le dessus : comment expliquer ce qui n'est, somme toute, qu'une idée folle - au mieux une intuition ? Pourquoi prévenir le contrôleur ? Pourquoi, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, tirer le signal d'alarme ? ...

Peu à peu, le narrateur se calme donc. Plus précisément, le calme, un calme bienvenu mais inquiétant à sa manière car il apparaît comme suggéré et aussi peu naturel que, quelques minutes plus tôt, l'anxiété qui le secouait tout entier, s'empare de tout son être et, à son tour, il s'installe pour la nuit. On est en droit de penser que, après de telles alarmes, son oeil restera vigilant mais ce n'est pas tout-à-fait cela qu'il se passe : le regard du narrateur guette, certes, mais c'est un regard morne, comme pétrifié, et qui, de toutes façons, on le sait déjà, ne réagira désormais à aucun spectacle, à aucun acte, à aucune parole.

La "chute" imaginée par Schwob, une chute digne de l'ambiance étrange et cauchemardesque de l'ensemble, laisse le lecteur sur une impression non pas de frustration mais d'ambiguité. Telle quelle cependant, elle nous satisfait, on ne la voudrait pas différente. le narrateur était-il dans le vrai ou ne l'était-il pas ? le problème, justement, c'est qu'on est rien moins que sûr de la nature exacte de cette vérité. Et c'est en cela que réside la force du récit, ainsi que sa capacité sinueuse à s'imprimer dans notre propre mémoire avec autant de précision que les traits de Jud l'Assassin dans celle du narrateur ...

Ajoutez à cela un style incomparable, précis, raffiné et infiniment fluide, une merveille à lire mais aussi à dire, une véritable perfection au niveau de la langue française qui contribuent à faire de Marcel Schwob l'un de ces auteurs que vous ignoriez peut-être jusqu'à ce jour mais qu'il convient à tout prix de célébrer et de faire connaître. Un maître de notre langue - et, sans vouloir m'avancer un peu trop, croyez bien que je sais repérer cette élégance innée, cette aisance incomparable à laquelle peut aboutir la langue de Molière lorsqu'elle est maniée avec amour, fidélité et respect. Et merci à vous, Monsieur Schwob ! ;o)
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Une dernière résistance se manifesta en moi. Je sentis une lutte à laquelle je ne prenais réellement pas part, une lutte soutenue par cet égoïsme profond qu'on ne connaît jamais et qui gouverne l'être. Puis des idées vinrent flotter devant mon esprit - idées qui ne m'appartenaient pas, que je ne savais pas créer, auxquelles je ne reconnaissais rien de commun à ma substance, perfides et attirantes comme l'eau noire vers laquelle on se penche.

L'une d'elle était l'assassinat. Mais je ne le concevais plus comme une œuvre pleine de terreur, accomplie par Jud, comme l'issue d'une épouvante sans nom. Je l'éprouvais possible, avec quelques lueurs de curiosité et un anéantissement infini de tout ce qui avait jamais été ma volonté.

Alors l'homme voilé se leva, et, me regardant fixement sous son voile de chair humaine, il se dirigea à pas glissants vers le voyageur endormi. D'une main, il lui saisit la nuque, fermement, et lui fourra en même temps dans la bouche un tampon de soie. Je n'eus pas d'angoisse, ni le désir d'un cri. Mais j'étais auprès et je regardais d'un œil morne. L'homme voilé tira un couteau du Turkestan mince, effilé, dont la lame évidée avait une rigole centrale, et coupa la gorge au voyageur comme on saigne un mouton. Le sang gicla jusqu'au filet. Il avait enfoncé son couteau du côté gauche, en le ramenant vers lui d'un coup sec. La gorge était béante : il découvrit la lampe, et je vis le trou rouge. Puis il vida les poches et plongea les mains dans la mare sanglante. Et il vint vers moi, et je supportai sans révolte qu'il barbouillât mes doigts inertes et ma figure, où pas un pli ne bougeait. ... [...]
Commenter  J’apprécie          30
[...] ... C'est alors que j'observai le premier phénomène qui me plongea dans l'étrange. Le voyageur de l'extrémité du wagon, ayant relevé sa banquette et assujetti son oreiller, s'étendit et ferma les yeux. Presque au même moment, le dormeur qui me faisait face se leva sans bruit et tendit sur le globe de la lampe le petit rideau bleu à ressort. Dans ce mouvement, j'aurais dû voir sa figure - et je ne la vis pas. J'aperçus une tache confuse, de la couleur d'un visage humain, mais dont je ne pus distinguer le moindre trait. L'action avait été faite avec une rapidité silencieuse qui me stupéfia. Je n'avais pas eu le temps de voir le dormeur debout que déjà je n'apercevais plus que le fond blanc de son bonnet au-dessus de la couverture tigrée. La chose était insignifiante, mais elle me troubla. Comment le dormeur avait-il pu comprendre si vite que l'autre avait fermé les yeux ? Il avait tourné sa figure vers moi, et je ne l'avais pas vue ; la rapidité et le mystère de son geste étaient inexprimables.

Une ombre bleue flottait maintenant entre les banquettes capitonnées, à peine interrompue de temps à autre par le voile de lumière jaune jeté du dehors par un fanal à l'huile.

Le cercle de pensées qui me hantait revint à mesure que le battement du train croissait dans le silence. L'inquiétude du geste l'avait fixé et des histoires d'assassins en chemin de fer surgissaient de l'obscurité, lentement modifiées à la façon des mélopées. La peur cruelle m'étreignait le cœur ; plus cruelle parce qu'elle était plus vague, et que l'incertitude augmente la terreur. Visible, palpable, je sentais se dresser l'image de Jud - une face maigre avec des yeux caves, des pommettes saillantes et une barbiche sale - la figure de l'assassin Jud, qui tuait, la nuit, dans des wagons de première et qu'on n'a jamais repris après son évasion. L'ombre m'aidait à transporter cette figure sur la forme du dormeur, à peindre des traits de Jud la tache confuse que j'avais vue à la lampe, à m'imaginer sous la couverture tigrée un homme tapi, prêt à bondir.

J'eus alors la tentation violente de me jeter à l'autre bout du wagon, de secouer le voyageur endormi, de lui crier mon péril. Un sentiment de honte me retenait. Pouvais-je expliquer mon inquiétude ? Comment répondre au regard étonné de cet homme bien élevé ? Il dormait confortablement, la tête sur l'oreiller, soigneusement enroulé, ses mains gantées, croisées sur sa poitrine : de quel droit irais-je le réveiller parce qu'un autre voyageur avait tiré le rideau de la lampe ? N'y avait-il pas déjà quelque symptôme de folie dans mon esprit qui s'obstinait à rattacher le geste de l'homme à la connaissance qu'il aurait eue du sommeil de l'autre ? N'étaient-ce pas deux événements différents appartenant à des séries diverses, qu'une simple coïncidence rapprochait ? Mais ma crainte s'y butait et s'y obstinait ; si bien que, dans le silence rythmé du train, je sentais battre mes tempes, une ébullition de mon sang, qui contrastait douloureusement avec le calme extérieur, faisait tournoyer les objets autour de moi et des événements futurs et vagues, mais avec la précision devinée de choses qui sont sur le point d'arriver, traversaient mon cerveau dans une procession sans fin. ... [...]
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Marcel Schwob (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcel Schwob
« Je serai poète, écrivain, dramaturge. D'une façon ou d'une autre, je serai célèbre, quitte à avoir mauvaise réputation. » Oscar Wilde (1854-1900) était un homme de parole : il fut poète, écrivain et dramaturge, il eut une mauvaise réputation et il est célèbre. […] le jeune Wilde, élève brillant, entre au Trinity College de Dublin avec une bourse […] et suit des études classiques : histoire ancienne, philosophie et littérature. Il commence à voyager et découvre l'Italie et la Grèce. […] Il s'installe à Londres et fréquente les milieux élégants intellectuels. […] Il se fabrique une image d'esthète : […] ses tenues vestimentaires de dandy font fureur… Oscar Wilde est à la mode. […] il fait une tournée de conférences sur « l'esthétisme » aux États-Unis, avant de séjourner à Paris où il rencontre Hugo (1802-1885), Daudet (1840-1897), Zola (1840-1902), Edmond de Goncourt (1822-1896) (qui le décrit comme « un individu de sexe douteux »), Verlaine (1844-1896), et les peintres Pissarro (1830-1903), Degas (1834-1917) et Jacques-Émile Blanche (1861-1942). […] […] Un second voyage à Paris lui permet de rencontrer Mallarmé (1842-1898), Pierre Louÿs (1870-1925), Marcel Schwob (1867-1905) et André Gide (1869-1951). Juillet 1891 marque le début d'une liaison qui ne se terminera qu'à la mort De Wilde : Alfred Bruce Douglas (1870-1945), « Bosie », vient d'entrer dans sa vie. […] Accusé de sodomie, Wilde […] est arrêté et jugé, […] déclaré coupable d' « actes indécents » et condamné à la peine maximale : deux ans de travaux forcés. […] Wilde séjourne dans plusieurs prisons […]. Au bout de quelques mois, son état de santé lui vaut d'être dispensé de travaux forcés proprement dits. Ne pouvant payer les frais de justice du procès […], il est condamné pour banqueroute et ses biens sont vendus aux enchères. […] En 1900, un abcès dentaire dégénère en méningite et Oscar Wilde meurt le 30 novembre après avoir reçu, à sa demande, l'absolution d'un prêtre catholique. le convoi funèbre est composé de quelques artistes anglais et français, dont Pierre Louÿs ; Wilde est enterré au cimetière de Bagneux. Ses restes seront transférés au Père-Lachaise en 1909. » (Dominique Jean dans Oscar Wilde, Maximes et autres textes, Éditions Gallimard, 2017)
« […] Les aphorismes traduits ici ont été publiés en 1904, quatre ans après la mort de leur auteur, par Arthur L. Humphreys, qui s'appuyait sur un recueil « analogue » qu'il avait lui-même publié en 1895 sous le titre Oscariana : Epigrams. […] le recueil de 1904 s'intitulait simplement Sebastian Melmoth, Oscar Wilde n'étant mentionné qu'entre crochets. […] Cet ensemble donne un aperçu de la pensée et de l'esprit De Wilde, et si les aphorismes sont parfois contradictoire, ils n'en sont pas moins - précisément - le reflet exact de sa personnalité. Wilde, en public, offrait un tel feu d'artifice de mots d'esprit et de paradoxes que le poète Yeats (1865-1939) a dit qu'il donnait l'impression de les avoir préparés à l'avance […]. » (Bernard Hoepffner)
0:00 - 1er aphorisme 0:17 - 2e aphorisme 0:40 - 3e aphorisme 0:54 - 4e aphorisme 1:19 - 5e aphorisme 1:28 - 6e aphorisme 1:55 - 7e aphorisme 2:20 - 8e aphorisme 2:44 - 9e aphorisme 2:55 - 10e aphorisme 3:51 - 11e aphorisme 4:12 - 12e aphorisme 4:26 - 13e aphorisme 4:40 - 14e aphorisme 5:07 - Générique
Références bibliographiques : Oscar Wilde, Aphorismes, traduits par Bernard Hoepffner, Éditions Mille et une nuits, 1995
Oscar Wilde, Pensées, mots d'esprit, paradoxes, traduits par Alain Blanc, Éditions V
+ Lire la suite
autres livres classés : marcel schwobVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

C'est arrivé un 10 novembre ( Avec indices).

Le 10 novembre 1871, le journaliste Henry Morton Stanley retrouve l'explorateur missionnaire David Livingston, disparu depuis 5 ans en Afrique Australe.

Etes vous le docteur Livingston ?
Docteur Livingston, je présume .
Je rêve d'une tasse de thé
Docteur Livingston, ravi de vous voir

4 questions
24 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *}