AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Michel Orcel (Traducteur)Mario Fusco (Traducteur)
EAN : 9782253063773
120 pages
Le Livre de Poche (01/05/1993)
3.85/5   26 notes
Résumé :
"Les coups de feu, il les entendit, lui sembla-t-il, dans un temps incommensurablement antérieur à l'instant où il se sentit touché. Il tomba en pensant : on tombe par précaution et par convention. Il pensait pouvoir se relever, mais il n'y réussit pas. Il se souleva sur un coude. La vie s'en allait, fluide, légère ; la douleur avait disparu. Au diable la morphine pensa-t-il. Et tout était clair, à présent. : Rieti avait été abattu parce qu'il avait parlé avec lui."... >Voir plus
Que lire après Le Chevalier et la mortVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le chevalier et la mort fait référence à une gravure de Dürer, le Chevalier, la Mort et le Diable, que l'Adjoint, atteint d'une maladie létale, conserve dans son bureau au gré de ses mutations. L'Adjoint et le Chef enquêtent sur la mort d'un avocat, Maître Sandoz, dans laquelle Cesare Aurispa, Président des I.R., est suspecté - sa carte de visite a été retrouvé dans la poche de l'avocat avec le mot « Je te tuerai ». Très vite, le Chef va laisser son Adjoint - ces deux personnages ne sont jamais appelés de leurs noms - enquêter seul alors qu'une mystérieuse association subversive, les Enfants de 89, semble impliquer dans le meurtre de l'avocat. D'autres crimes viendront.

Dans le chevalier et la mort, sous-titré sotie, et comme à son habitude, Leonardo Sciascia utilise le conte policier pour dresser la critique sociale et politique de la société italienne et en dénoncer les maux dont la mafia. Chez Sciascia, l'intrigue policière elle-même n'est pas importante. Elle constitue en effet un vecteur d'une réflexion et d'une critique politique et philosophique. Ici, Sciascia utilise en plus une forme narrative particulière, la sotie : la sotie ou sottie était une pièce politique ou d'actualité jouée au XVIème siècle à Paris.

Dans un échange avec un autre personnage, le dottor Rieti, l'Adjoint remarque qu'eux-mêmes sont dans une sotie :

« - On pourrait donc admettre qu'il existe une charte constitutionnelle occulte dont le premier article stipule que « la sécurité du pouvoir se fonde sur l'insécurité des citoyens »
- de tous les citoyens, en effet : y compris de ceux qui, répandant l'insécurité, se croient en sûreté… Et cela, c'est la stupidité dont je parlais.
- Nous nous trouvons donc à l'intérieur d'une sotie… »

Cette espèce de mise en abyme - avec la sotie dans la sotie - n'est pas la seule dans le chevalier et la mort. En effet, dans d'autres passages, le Chef se moque gentiment de son Adjoint en lui signifiant que sa « direction de recherche est bonne pour un roman policier, disons classique, de ces policiers dont les lecteurs, désormais déniaisés, arrivent à deviner la fin après avoir lu les vingt premières pages… » (p. 37), qu'il ne « peut plus le suivre dans cette espèce des roman » (p. 41) ou encore « - Je suis heureux que vous le reconnaissiez : nous ne serions que deux, en admettant que votre roman présente pour moi quelque crédibilité - Mais pour continuer dans le roman… Nous nous trouvons face à un problème, un dilemme : les Enfants de 89 ont-ils crées pour assassiner Sandoz, ou bien Sandoz a-t-il été assassiné pour créer les Enfants de 89 ? ».

Dans le chevalier et la mort, un des dernières oeuvres de Sciascia, le style est comme à l'accoutumé dépouillé, sec et clinique, ce qui donne à lire un roman - Ooops, sottise de ma part - une belle sotie empreinte de poésie et de belles références littéraires.
Commenter  J’apprécie          130
Ce qui m'a fait acheter ce livre c'est d'une part sa couverture et d'autre part son titre. La couverture est un fragment d'une gravure de Dürer, qui porte le même titre que le livre. Un peintre dont je partage la passion avec une amie.

A noter l'intéressante préface de Linda Lê, auteur dont je n'ai entendu le nom que depuis la sortie de « lame de fond ».

Intéressons-nous au texte lui-même. Les personnages apparaissent parfois par leur nom mais leur position dans la société semble conférer une certaine distance entre le narrateur et eux. Nous avons « l'adjoint » comme personnage principal. Un policier qui à travers la gravure « le chevalier, la mort et le diable » de Dürer, qui fait partie de ses biens terrestres, voit la société d'un autre oeil. « le Chef » sont supérieur qui le ménage sachant sa mort proche. « le président » principal suspect dans la mort de « l'avocat Me Sandoz» mais qui est intouchable. le Dottor Rieti « le juif » qui se trouve à mi-chemin entre « le président », « l'avocat », « l'adjoint ».

Nous avons ensuite trois personnages de femme : « la femme mûre », « la femme fatale », « la femme » qui va le réconforter.

Et puis, il y a le personnage principal universel : « La Mort ». La mort dans le tableau, la mort dans son corps malade, la mort dans les cadavres qui jalonne son parcours de policier.

Sciascia déploie son érudition tout au long de ce bref conte policier. Il donne envie de se plonger dans « l'île au trésor », « les âmes mortes » etc. Il y a aussi d'autres référence littéraires : Hugo, Leopardi, Feydeau, Proust

Nous avons aussi des références à la Révolution Française et à ses descendants qui vont se matérialiser sous l'appellation « Enfants de 89 » « groupe d'action Saint-Just ».

Mais tout dans cette histoire apparaît comme un décor de théâtre. le narrateur nous fait bien comprendre que rien ne va vraiment être mis en oeuvre pour que la vérité sorte au grand jour. Tout le monde sait mais personne ne peut rien dire.

L'adjoint va petit à petit prendre du recul et abandonner les préoccupations terrestres. Il n'a pourtant rien à perdre alors sera-t-il un danger pour la stabilité de se monde d'apparence ?

La chute est brutale.
Lien : https://latelierderamettes.w..
Commenter  J’apprécie          50
Testament à l'italienne

J'ai été très intriguée par ce très court roman, écrit par l'auteur juste avant sa mort. On le devine déjà malade et en proie aux affres de la morphine. Écrit à la fin des années 80, il nous livre sa dernière vision d'une Italie corrompue et livrée aux mafias.
En 120 pages, l'intrigue policière est livrée : le commanditaire, le tueur, le policier pourri et le policier intègre. Comme une photo hyper réaliste de la société italienne de l'époque, l'épilogue inattendue nous prend de court terminant le récit de façon abrupte.
Bref, un petit chef d'oeuvre qui m'a fait penser au "Pingouin" de Kourkov.
Commenter  J’apprécie          70
Au Mexique, il aurait pu être sous-commandant, en Italie le commissaire est l'Adjoint.
Une enquête policière autour de meurtres, tout cela aurait pu être banal. Mais deux éléments viennent troubler, obscurcir le tableau : d'abord un véritable tableau, ou plus exactement sa reproduction : le Chevalier, la Mort et le Diable de Dürer, et une railleuse possible contribution d'une association "Enfants de 89" au bicentenaire de la Révolution Française.
Que se passe-t-il donc autour de l'adjoint ? "La vie s'en allait, fluide, légère; la douleur avait disparu. A diable la morphine, pensa-t-il."
Commenter  J’apprécie          30
"Le chevalier et la mort" m'a fait penser aux romans noirs américains, avec l'Adjoint dans le rôle du détective privé. Le mélange d'humour noir, d'auto dérision, le regard acerbe sur la société et ses travers, le tout très bien écrit et empreint de poésie.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il erra dans la ville avec un sentiment de liberté qu'il lui semblait ne jamais avoir éprouvé. Elle était belle encore, la vie; mais pour qui en était digne. Il sentit qu'il n'en était pas indigne, et comme récompensé. Il y avait de quoi crier : "Dieu vous adonné un visage, et vous vous en fabriquez un autre." Non pas comme Hamlet s'adressant aux femmes, à leurs fards, leurs onguents et leurs vernis, mais à tous les indignes, la masse indigne dont le monde s'emplissait toujours plus. Il y avait de quoi crier ça au monde qui assumait cette substance: être indigne de la vie. Mais le monde, le monde humain, n'avait-il pas toujours obscurément aspiré à être indigne de la vie ? Ingénieux et féroce ennemi de la vie, de soi-même; mais il avait en même temps inventé tant de choses amies : le droit, les règles du jeu, les proportions, les symétries, les fictions, les bonnes manières... "Ingénieux ennemi de moi-même": comme Alfieri parlant de soi; mais aussi ingénieux ami, jusqu'à hier. Cependant, comme toujours lorsqu'il en arrivait à la détresse du présent, au désespoir du lendemain, il se demanda si, dans son affliction sur l'indignité ou courait le monde, il n'y avait pas la rancœur d'être sur le point de mourir et l'envie à l'égard de ceux qui restaient; oui, peut-être. A ce point qu'à certains moments, avec méchanceté, il lui arrivait de se répéter dans la tête, à l'instar des présentateurs de spectacle de son adolescence : "Mesdames, messieurs, bon divertissement !"-comme un dernier salut, goguenard. Mais, dans l'assurance qu'il n'y avait pas d'amusement, il y avait encore, farouchement, de la pitié.
Commenter  J’apprécie          20
Il aimait les arcades, il aimait y traîner, oisivement. Dans l'île où il était né, aucune ville n'en avait. Les arcs rendent le ciel plus beau, dit le poète. Les arcades font-elles les cités plus civiles ? Ce n'est pas qu'il n'aimait pas la terre où il était né, mais toutes les nouvelles, douloureuses, tragiques, qu'il recevait en chaque jour lui procuraient une sorte de rancœur. N'y retournant plus depuis des années, il la cherchait, au-delà de ce qui s'y passait, dans le souvenir, dans le sentiment de quelque chose qui n'existait plus. Illusion, mystification : comme d'un émigrant, d'un exilé.
Commenter  J’apprécie          60
Il erra dans la ville avec un sentiment de liberté qu'il lui semblait ne jamais avoir éprouvé. Elle était belle encore, la vie; mais pour qui en était digne. Il sentit qu'il n'en téait pas indigne, et comme récompensé. Il y avait de quoi crier : "Dieu vous adonné un visage, et vous vous en fabriquez un autre." Non pas comme Hamlet s'adressant aux femmes, à leurs fards, leurs onguents et leurs vernis, mais à tous les indignes, la masse indigne dont le monde s'emplissait toujours plus. Il y aviat de quoi crier ça au monde qui assumait cette substance: être indigne de la vie. Mais le monde, le monde humain, n'avait-il pas toujours obscurémment aspiré à être indigne de la vie ? Ingénieux et féroce ennemi de la vie, de soi-même; ma
Commenter  J’apprécie          10
Il pensa au diable de la gravure de Dürer. "Le diable est nécessaire pour que l'eau bénite soit bénite";
Commenter  J’apprécie          20
Désormais il s'était habitué à l'avoir en face de lui, durant ses longues heures de bureau. Le chevalier, la mort et le diable.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Leonardo Sciascia (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Leonardo Sciascia
Le 1.10.2022, Hubert Prolongeau présentait “Actes relatifs à la mort de Raymond Roussel” de Leonardo Sciascia dans “Mauvais Genres” (France Culture).
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature italienne, roumaine et rhéto-romane>Romans, contes, nouvelles (653)
autres livres classés : sotieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (63) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
812 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..