- Vous m’attendiez, n’est-ce pas ?
Elle rougit.
- J ’espérais.
- Je ne devrais pas être ici.
- Vous avez sans doute raison. Mais pourquoi êtes-vous venue ?
Quelque chose me pousse à dire la vérité.
- Je voulais vous voir.
- Moi aussi.
Nous restons silencieuses, ni l’une ni l’autre ne sachant que dire. La serveuse nous sauve. Je commande un cappuccino et rien au chocolat, parce que je sais que je ne pourrai pas manger devant elle.
Elle reprend :
- Qu’est-ce qu’on va faire ?
Pas besoin de demander ce qu’elle veut dire.
- Je ne sais pas.
- Ca vous est déjà arrivé ?
- Quoi ?
- Eh bien... Vous êtes avec Kip depuis longtemps et je me demandais si vous l’aviez déjà trompée.
- C’est ce qu’on est en train de faire ?
- Presque.
Mon café est devant moi, et je regarde le petit volcan de mousse cracher ses bulles. Tout prend une dimension autre en cet instant.
- Non, jamais.
(p.293)
Lanciani’s est situé sur la 4e Rue Ouest, entre Perry et Bank Street. Une fois devant la devanture, dont la façade de verre s’étire des deux cotés de la porte, je la vois. Elle est plongée dans la lecture d’un magazine, une tasse d’une boisson quelconque posée devant elle sur la table.
J ’ai encore le temps de partir, étant donné qu’elle ne m’a pas vue, mais au moment même où je me dis ça, je sais très bien ce que je vais faire. Je prends plaisir a l’observer à son insu.
Aujourd’hui, elle porte une veste bleu marine avec un pull en V gris en dessous. C’est tout ce que je peux voir d’ici. Ses cheveux blonds longs jusqu’aux épaules me cachent presque entièrement son visage.
Et là, elle lève les yeux.
(p.292)
Wall est un endroit bizarre. Il y a bien une rue qui porte ce nom, mais je songe plutôt au quartier. Les rues y sont étroites, sinueuses, et cela complique parfois l'itinéraire quand on ne connaît pas bien sa destination. Mais comme il s'agit d'un de mes lieux de prédilection quand je mitonne une longue séance de marche, je connais assez bien le quartier.
(p.158)
En descendant Perry Street pour rejoindre mon bureau, je passe devant la devanture des Alcooliques Anonymes. Ils semblent tenir leurs réunions vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Comme toujours, je prie pour que ma mère s'inscrive à leurs séances, mais il est peu probable qu'elle fasse la démarche.
Je me suis assise près du lit de Cecchi. Il est endormi. Annette fait une pause-café. La pièce est remplie de fleurs. Le plus beau et le plus gros bouquet vient de Ruby Packard.
(p.242)