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Critique de ATOS


Ce que nous apprenons et ce qui nous a été enseigné….Ce que nous prenons pour acquis et ce que nous ignorons...Ainsi avons nous des idées toutes faites sur le monde.
Nous associons État et civilisation, État et modernité, État et progrès, État et évolution.
Mais si nous connaissons bien les grandes civilisations, les premiers états, nous ignorons presque tout de l'histoire de la plus grande majorité de l'humanité. Et sans « ce presque tout » force est de se dire que nous ne savons rien.
Les sciences humaines lorsqu'elles sont intelligemment étudiées, mènent à des recherches qui sont des outils nécessaires à l'émancipation de la pensée.
De là découle très certainement l'aversion de toutes dictature pour ces sciences…Tant il est vrai qu'il ne peut y avoir de bonnes sciences sans liberté de pensée, …
La représentation du monde fait toujours surgir une réalité. Est elle pour autant juste ? Est elle toujours vraie ?
Ceux qui ont laissé des vestiges, faits de temples, de murs, de murailles, de tablettes, de têtes rois, de palais, ceux qui ont laissé traces de leurs comptes, de leurs inventaires semblent avoir régner, tels des phares éclairant l'obscurité dans laquelle les hommes étaient nés.
Non, l'émergence d'un État n'est pas forcément un bienfait.
Oui, l‘agriculture a précédé la naissance de l'État,
oui l'écriture fut inventée pour compter,
oui l'État est un système « opportuniste »,
Non l'humain n'est pas de nature sédentaire,
oui la céréale fut la base de l'économie étatique et sa monoculture la cause de notre dénutrition,
non les « barbares » ne le furent pas de naissance mais également d'adoption,
oui il y a une quantité de peuples qui ont refusé volontairement l'hégémonie de l'État nation.
Il fallait une agriculture, il fallait des régions fertiles, des voies navigables, il fallait compter, taxer, prélever, forcer, négocier, échanger, calibrer, peser, s'approprier, posséder pour que puissent s'établir des états nations et qu'ils puissent progresser, pour qu'une élite prenne le pouvoir.
Dans cette ouvrage il s'agit de l'histoire d'une prise de pouvoir mais également de l'opposition au pouvoir. Anarchie = an -arché. ( arché signifiant pouvoir). C'est le domaine d'études de James C. Scott.
Oui, tous les états se sont construits grâce à un système esclavagistes. Céréale et esclavagisme furent les deux mamelles de l'État et cela depuis toujours. « Les premiers états n'ont certainement pas inventé l'institution de l'esclavage, mais ils l'ont codifiée et organisée en tant que projet étatique. »
Oui, la sédentarisation des hommes et des animaux, pour faire simple disons leur domestication, a eu des conséquences écologiques, sanitaires, biologiques, sociologiques qui ont bouleversé l'ordre naturel du monde, qui ont modifié la nature de l'homme et des animaux et des plantes qu'il a domestiqué.
Oui depuis des millénaires l'homme en se sédentarisant fut responsable de catastrophes écologiques, fut responsable de désertification, d'inondations, de ravinement, de déforestation, de colmatage des cours d'eau. « L'Anthropocène « faible » remonte aux premiers usages du feu par Homo erectus »...Oui, cela ne date pas d'hier...( et ce n'est pas une raison pour continuer!)
Oui, le sort des chasseurs cueilleurs pêcheurs n'était pas ,pour bien des peuples vivant à l'intérieur des états, à envier.
Non, la sédentarisation ne s'est pas faite sans mal.
Oui, la taux de natalité a explosé lorsque l'homme s'est sédentarisé. Oui les « barbares » furent les jumeaux des états nations...
Sans états, point de « barbares »….
Oui les « barbares » au contact des états nations en se transformant en mercenaires, garantissant une paix aux frontières, et en participant au système esclavagiste ont creusé leur propres tombes.
Oui, famine, épidémie sont le résultat de la sédentarisation.
Oui, l'histoire de l'humanité est constellée d'apparitions et de disparitions d'états, petits ou grands. Les humains ont migré, de force ou de gré, ayant ainsi ensemencé plus loin l'émergence d'autres états ou donnèrent naissance à des zones refuges ( montagnes, forêts, mers…)
Oui la majorité de cette histoire nous est encore inconnue.
Du néolithique jusqu'au 17e siècle de notre ère, il fut un un monde où peuples «  civilisés » et « barbares » co-existés.
Aujourd'hui force est de constater que nous n'imaginons pas un planisphère sans frontières sans états. Chaque morceau, chaque parcelle de terre se rattache à un état. Reste peut être encore les océans,...qui eux restent sans drapeaux, sans hymne, sans armée…
Oui aucun État ne peut s'établir, prospérer, sans impôts….et cela, depuis des millénaires. Et quelque fut sa nature : monarchie, république, empire...
Oui après chaque disparition de grands états, de grandes cités, comme Athènes par exemple, s'en sont suivies des périodes que nous nommons temps obscurs, non pas en raison d'une nuit qui se serait soudainement abattue sur les hommes, consécutivement à la disparition de la souveraineté d'un état, mais parce que nous ne savons rien de ce qui vint après. C'est notre vision et non le temps qui est obscure.
Seul l'Odyssée, justement rédigée en ces « temps obscurs » nous permet de penser qu'un monde a perduré ; a évolué, ne s'est pas effondré.
Donc rien ne doit être tenu pour acquis.
Il faut toujours s'intéresser à la lacunarité de faits, et à l'incohérence de certains, qu'occultent trop pompeusement certains récits dictés par ceux qui ont, ou eurent, un jour le pouvoir sur un territoire et sur un groupe d'humains.
Tout est mouvant, imbriqué, consécutif, tout est affaire d'opportunité chez le vivant, le bien aussi bien que le mal.
Homo domesticus, c'est une partie de notre Histoire là où un ordre économique et politique du monde a émergé, a pris place. Un monde où la notion de civilisation a donné naissance à « un autre » : le barbare , le sauvage.
L'auteur n'a pas la prétention de tout savoir, de tout connaître, mais à partir de ce qui est connu, et avec érudition, il nous interroge.
Une autre dimension apparaît, un autre regard, qui nous permet aujourd'hui de réfléchir avec plus de sagesse, plus de calme au devenir de notre humanité.
L'ordre du monde que nous connaissons n'a pas toujours existé. Il évoluera. Comment ? Vers quoi ? Nous n'en savons rien. Quelles opportunités s'offriront demain ?
Un vrai régal de lecture, une immersion dans l'état antique, là où l'épopée civilisationnelle a pris naissance. James C. Scott, anthropologue anarchiste, est un auteur, un chercheur, un politiste dont les écrits bousculent l'idée d'un ordre que l'on a cru trop longtemps aller de soi.

Astrid Shriqui Garain




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