AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,3

sur 131 notes
5
10 avis
4
8 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voilà une lecture marquante pour moi en ce premier tiers de l'année, probablement un des livres qui finira au sommet de mes lectures 2021. Ce premier tome d'une série de trois consacrée à Benito Mussolini et au fascisme italien n'est pourtant pas exempt de défauts, loin s'en faut. Mais ce pavé de plus de 800 pages reste une lecture passionnante pour tous ceux qui s'intéressent à cette période charnière de l'entre-deux guerres, et à ce début de XXe siècle décisif pour notre monde contemporain.

Car comment ne pas faire de parallèle entre notre époque et celle qui mena le Duce au pouvoir en 1922 ? Cette défaite des institutions et cette défiance de tous contre chacun qui permit à la violence de devenir un argument politique et social décisif… 100 ans plus tard, la démocratie est malheureusement toujours mourante, les grands industriels sont toujours aussi prompts à fouler l'éthique pour garantir leurs profits, et la défiance envers les politiciens est à son apogée.

C'est d'ailleurs, peut-être, l'un des défauts du livre : très ancré dans l'époque, ce roman documentaire se veut d'une précision historique maniaque, citant régulièrement des correspondances privées et autres discours publics, et prend rarement du recul pour mettre en perspective les événements. Ce qui rend parfois ce tome 1 étouffant et éprouvant, tant les répétitions sont nombreuses – on aurait aisément pu se passer de 200 pages ou plus. Pour nous faire vivre cette période, Antonio Scurati a choisi un récit méthodique et presque quotidien des états d'âme de Mussolini et du pays qui l'a porté au pouvoir. On y redécouvre un homme qui est « comme les bêtes : [il] sent l'air du temps » et sait manipuler les foules, mais qui ne comprend pas les individus, leurs préoccupations, et refuse de se faire des amis.

De début 1919 à fin 1924, nous voilà plongés dans ses réflexions et ses manoeuvres pour conquérir le pouvoir, avec l'objectif de faire de l'Italie « non une servante mais une soeur des autres nations européennes ». Même si Scurati n'est ni tendre ni complaisant avec Mussolini et ses acolytes Arditi, squadristes et autres anciens combattants ou partisans de Gabriele D'Annunzio, le fait de raconter la conquête du pouvoir du point de vue des fascistes (principalement) peut poser problème. Sur le fond, le travail documentaire est irréprochable (heureusement pour un roman documentaire et historique !), mais sur la forme le style de Scurati n'est pas des plus passionnants, et l'empathie pour Mussolini que son récit peut provoquer, peut-être malgré lui, reste relativement malhabile.

Aussi, on le sent fasciné par la violence incroyable de l'époque, où les rixes et meurtres politiques sont monnaie courantes. Les pages sont remplies d'exactions et de brutalité, pour nous faire toucher du doigt que cette histoire s'est écrite dans le sang, quelques années après le traumatisme de la Première Guerre mondiale. Un biais intéressant mais qui s'avère rébarbatif dans la durée.

Malgré ces quelques réserves, on dévore les chapitres courts de M, l'enfant du siècle, révisant une histoire qu'on connaît au moins dans les grandes lignes, et qu'on redécouvre dans des détails parfois surprenants. Voilà pourquoi j'ai vraiment hâte de lire les tomes 2 et 3, quitte à compléter ma lecture par la suite avec une biographie de Mussolini, un livre sur le futurisme, un autre sur Italo Balbo, etc. Car le roman de Scurati ouvre sur d'autres lectures, donne envie de se documenter à son tour sur l'entre-deux guerres. Et ça, c'est une très grande qualité.
Enfin, ce pari de rendre l'Histoire lisible pour tous par le biais d'un roman « vrai », dans lequel tous les personnages sont des personnes historiques, me paraît une idée assez fascinante et attirante pour ceux qui préfèrent les atours du roman à ceux de la biographie ou de l'essai. Une réussite donc, tant par l'ambition du projet que sa mise en oeuvre.
Commenter  J’apprécie          110
L'Italie c'est juste les spaghettis et Rocco Siffredi... Ou pas mais en tout cas l'Italie ce n'est pas que la Rome antique, les cités États et une association avec Hitler. L'Italie est l'un des «vainqueurs» de la première guerre mondiale mais le pays est exsangue, dirigé par une classe politique déconnectée et une monarchie de décorum. C'est dans ce contexte que Benito Mussolini, fils de forgeron, tourne le dos à ses amis socialistes pour ce rapprocher des Arditi, des soldats d'élite aux allures de tueurs à gage, et fonde le fascisme. Nous sommes en 1919, le fascisme et son chef sont risibles, à peine une milice violente, capable d'exactions pas d'organisation. Mais à force de mauvais chois des politiques, de retournements de veste, de coups d'éclats sanglants et de belles prises de paroles, Mussolini devient le Duce.
Antonio Scurati propose un récit fascinant et effrayant sur L Histoire italienne et montre la manière dont les extrémismes gangrènent les sociétés. le texte est également entrecoupé d'extraits d'archives (journaux, lettres, télégrammes...) qui nous rappellent que la réalité dépasse bien souvent la fiction.
Commenter  J’apprécie          70
Ce livre est le premier volume d'une trilogie monumentale. C'est l'histoire de Mussolini et de l'Italie sous le régime fasciste qui est contée avec talent. Ce n'est pas un livre d'histoire, ce n'est pas un roman. C'est un objet littéraire hybride qui se lit comme un roman avec le souci constant d'être au service de l'Histoire. Tout les événements relatées dans ce livre proviennent de sources historiques ( lettres, articles de journaux, décrets, discours publics, communiqués confidentiels ou public, compte rendu d'écoutes téléphoniques…) . Pour résumer c'est une sorte de roman documentaire pour reprendre la formule de l'historienne Stéphanie Prezioso. Ce premier tome relate en 800 pages la période 1919-1923, c'est à dire les années où Mussolini et ses partisans vont peu à peu dissoudre de l'intérieur la démocratie italienne, écraser les oppositions politiques (socialistes, communistes mais aussi démocrates chrétiens). C'est aussi le tableau (trop souvent ignoré en France) d'une Italie qui ressort exsangue, divisés et surtout meurtrie du premier conflit mondial (Rappelons que cette guerre a fait payer un lourd tribut humain à l'Italie avec environ 600 000 hommes morts dans les combats sans compter les centaines de milliers de mutilés et de blessés). Mais le point fort de ce livre est ,à mes yeux, qu'il choisit de relater les évènements du point de vue de tous les protagonistes. Ce sont en effet les hommes qui font L Histoire par leurs décisions, leurs actions mais aussi leurs affects. le livre choisit donc de donner la parole à Mussolini qui se révèle dans toute sa complexité, sa démesure, ses ambiguïtés multiples (notamment pour assumer la violence politique) et bien entendu son immoralité au service d'un sens politique redoutable au moins pour cette période. La liste des protagonistes célèbres ( Margherita Sarfatti ou Gabriele D'Annunzio) mais aussi de simples anonymes est trop longue pour qu'on puisse tous les citer ici. On pourra retenir celle du député socialiste Giacomo Matteotti. Cet homme est l'exact opposé de Mussolini car c'est un pur, un idéaliste qui paye de sa vie son opposition méthodique au Duce à la chambre des députés où il semble le seul à ne pas avoir courbé l'échine. La mort de Matteotti a causé d'ailleurs un émoi considérable en Italie à l'époque et à cette occasion le régime fasciste naissant aurait pu sombrer corps et biens...mais n'en disons pas plus. Cette trilogie est un rappel utile bien au delà de cet épisode tragique de l'histoire de l'Italie : les régimes démocratiques sont fragiles et sont souvent désarmés contre ceux qui veulent les abattre.
Commenter  J’apprécie          51
Monumental ! le mot n'est pas trop fort pour qualifier le projet d'Antonio Scurati. L'écrivain italien, qui a reçu le prix Strega 2019 – l'équivalent du ­Goncourt – pour M. L'enfant du siècle, campe le portrait de Mussolini en un triptyque romanesque d'une ampleur inédite. La première partie, qui paraît aujourd'hui en français, traite de la période 1919-1924 et comprend déjà plus de 800 pages. Elle dresse, pour des générations exposées à tous les révisionnismes, le paysage de l'Italie au sortir de la première guerre mondiale, frustrée des fruits territoriaux d'une victoire qui a coûté plus d'un million de morts civils et militaires, déchirée par des affrontements confinant à la guerre civile entre les militants révolutionnaires et la poignée de fascistes lancés à la conquête de Rome. le défi était ­immense. Il est magnifiquement relevé et offre ce qu'il y a de meilleur dans le genre du roman historique.
Commenter  J’apprécie          42
860 pages consacrées à l'ascension de Benito Mussolini, de 1919, au lendemain de la Grande Guerre jusqu'à 1925 et à l'assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti.

On aurait pu penser que nous serions face à un gros pavé aussi indigeste que long. Que nenni! le tour de force de l'auteur est d'être parvenu à rendre tout cela passionnant. de bout en bout, on ne peut s'empêcher de suivre la montée en puissance du Duce comme on suivrait un véritable thriller.

On en ressort un peu retourné, avec un millier de questions en tête et avec une furieuse envie de faire des parallèles avec notre époque.

Passionnant et indispensable. Alors que dire? Chef d'oeuvre?



Commenter  J’apprécie          30
Comment Mussolini est-il présenté dans ce roman historique, basé sur des milliers de documents ? D'abord comme une force de la nature : il nage, monte à cheval, pratique l'escrime, apprend à piloter un avion, possède une énorme capacité de travail ainsi qu'un appétit sexuel inépuisable. Parmi ses nombreuses maîtresses, compte surtout Margherita Sarfati, riche bourgeoise de Venise, juive, critique d'art, mariée à un avocat, qui fut son mentor à partir de 1914. L'auteur nous monte sa lente ascension et nous détaille de quelle manière il s'est arrogé le pouvoir. Passionnant et utile en cette période où les extrémismes fleurissent un peu partout en Europe.
Commenter  J’apprécie          20
Terrible.. prenant et lourd mais surtout prenant!

Il y a quelques années, je suis allée à Forlí à la recherche des traces de  ... Catherine Sforza. Peu ou même rien dans la ville ne marquait vraiment la dite "Dame de Forlí". Par contre, en sortant de la ville, nous sommes tombées par le plus grand des hasards sur la villa de Mussolini! (voir https://conoscerelastoria.it/villa-mussolini-la-residenza-del-duce-a-forli/) .. et la visite de la villa a été édifiante (pour le moins). En parlant avec le gardien, je me suis rendu compte que M est encore bien dans les faveurs. Et ceci était AVANT la tempête Trump.

Le livre est captivant, construit comme une enquête policière avec, à chaque chapitre, une reprise des textes publiés à ce moment. Tout le temps j'ai eu l'impression de lire un reportage actuel. La magie du présent opère sur les 842 pages. Ces textes donnent le ton de l'ambiance qui régnait en 1920 en Europe. Les descriptions de misère infinie qui dominait en Italie prennent corps. Une misère qui déclenche une violence (ou est-ce l'inverse) sidérante.

Comment un médiocre, aujourd'hui on dirait peut-être un bi-polaire, a-t-il pu se hisser au pouvoir et y rester si longtemps? Une des réponses possibles est dans ce livre: avec des beaux discours et des promesses d'un monde .. gagnant. Une voix tonitruante, bref une "bête de scène". M et H ont fleuri en 1920 et maintenant nous avons Trump & Co. Discours basiques et sommaires mais simples. Des promesses qui n'engagent que ceux qui les croient. Les ravages de 14-18 expliquent aussi cela, et la vidange intégrale qui avait lieu au même moment en Russie a pris de court bien des populistes en herbe. Même si le roi d'Italie est discret, il a une bonne part dans l'avènement de M.

Plus c'est gros plus ça passe .. le discours final de M qui assume l'assassinat d'un politicien est le clou et le départ de la phase 2 du règne de M. qui est quand même plus connu. La fin de ce livre claque!

La chronologie et les personnages principaux en fin de livre permettent de suivre et retrouver les moments en phase avec les intervenants. Car il y a du monde dans ce livre, des fameux et des moins connus. Comme complément, je recommande le livre sur Margherita Sarfatti de Françoise Liffran, qui explique sinon la personnalité de M, son évolution ou son éducation "intellectuelle".

En complément, l'auteur a donné des excellentes interviews sur France Culture et en guise de "mise à jour" les Grandes Traversées ont consacré une semaine à M et son "héritage" https://www.franceculture.fr/emissions/benito-mussolini-grandes-traversees - J'apprécie d'écouter les émissions après avoir lu le livre. C'est éclairant.Cela étant dit, je vais peut-être faire une pause avant le 2ème volume! :)

NB: Dans la liste des personnages principaux, Costanzo Ciano, le père n'est pas mentionné.. et pourtant, il a tournicoté autour du mouvement..

Bravo Monsieur Scurati
Commenter  J’apprécie          10
Dans ce livre étonnant et foisonnant de plus de 800 pages, récompensé par le prix Strega (l'équivalent italien de notre prix Goncourt), Antoino Scurati - écrivain et universitaire - transforme en roman l'histoire plus ou moins bien connue, et en tout cas aventureuse, de l'Italie au sortir de la 1ère Guerre mondiale. le personnage de Benito Mussolini sert de prétexte et de fil conducteur pour établir cette fresque politique extrêmement bien scénarisée et haletante s'étalant de 1919 à 1924. Ces années charnières sont étonnantes de bouillonnements, de tâtonnements, d'incertitudes ; leur récit est par bien des égards à rebours des clichés. le caractère composite et hétéroclite du premier fascisme est bien retracé, comme ses premiers accès de violence, les difficultés qu'il y eut à ménager des éléments contradictoires et déviants, pour ne pas dire criminels. L'épopée trop méconnue de l'écrivain et aviateur de Gabriele D'Annunzio à Fiume dont Mussolini s'inspira largement (posture, éléments symboliques etc.), la relation passionnée de ce dernier avec Margarita Sarfati, une grande bourgeoise vénitienne d'origine juive qui se voulait protectrice des artistes et génératrice d'une nouvelle esthétique, la marche sur Rome ou encore l'assassinat du virulent opposant parlementaire Giacomo Matteotti par une troupe de fascistes sont traités de façon très dynamique, romanesque et informée. Mussolini y est quant à lui décrit dans ses doutes, sa brutalité, son flair politique, son sens des réalités et ses bassesses. le livre se présente sous la forme de courts chapitres entrecoupés de citations et de formules de presse contemporaines de l'action, ce qui rend la lecture fluide et agréable. Une véritable réussite et même un coup de force, assurément !
Commenter  J’apprécie          10
M. L'enfant du siècle repose tout entier sur son dispositif narratif, qu'Antonio Scurati fonde comme vision des relations entre histoire et littérature, dans un avertissement liminaire inversant le classique « toute ressemblance avec… » qu'il convient de citer in extenso : « Les événements et les personnages de ce roman documentaire ne sont pas le fruit de l'imagination de l'auteur. Au contraire, les faits, les personnages, les dialogues et les discours relatés ici sont tous historiquement documentés et/ou rapportés par plusieurs sources dignes de foi. Reste cependant que l'Histoire est une invention à laquelle la réalité apporte ses propres matériaux. Mais sans arbitraire. » le roman se donne ainsi comme irrévérence à l'histoire, à la vérité, ou à la littérature, on ne sait plus trop. Sans doute cette irrévérence revendiquée est-elle pour beaucoup dans le gigantesque succès du livre en Italie, où la période fasciste reste un sujet aussi clivant qu'économiquement porteur pour les intellectuels. Les arguments des critiques faites au roman ressemblent furieusement à celles subies, il y a un demi-siècle, par l'historien Renzo de Felice pour les premières parutions de sa biographie de référence, qui avait déjà indigné ou séduit en assumant de se placer du point de vue fasciste pour le comprendre.
Commenter  J’apprécie          10
Énorme succès en Italie, M. L'enfant du siècle est le premier volume d'une trilogie romanesque « documentaire » qui a suscité nombre de réactions, louangeuses comme indignées. Sa forme simple et parfois efficace n'empêche pas le roman d'Antonio Scurati de rencontrer de nombreuses limites, qui questionnent les usages de la littérature – et de l'histoire – qu'il véhicule.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (485) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3141 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}