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Critique de DragonLyre


Richard multiplie les hospitalisations depuis ses onze ans et est aujourd'hui sur le point de fêter son dix-neuvième anniversaire. La chimiothérapie, les rayons, les opérations douloureuses,... il ne connaît que trop bien. Mais la guerre contre la maladie touche à sa fin et le jeune homme vient d'être transféré au service des soins palliatifs où les patients en fin de vie s'en vont généralement en moins d'un mois. L'intrigue démarre à la veille d'Halloween et bien que le service soit majoritairement peuplé de patients âgés, Richard et Sylvie - quinze ans - décident de passer à l'action ! Ils vont cumuler les farces débridées et les actes un peu fous au cours des jours suivants, et nouer des liens bien plus forts que de l'amitié. Mais voilà, Richard et Sylvie sont tous les deux en phase terminale d'un cancer et les soignants sont bien décidés à les protéger de tout... y compris d'eux-mêmes. Sans parler du père de Sylvie, rongé par l'alcool et l'impuissance, qui veille sur sa fille comme un dragon sur ses pièces d'or.

Il est assez difficile de parler de ce genre de roman. On ne se sent jamais en mesure de trouver les bons pour décrire les émotions qu'une telle histoire éveille en nous. Richard est aux commandes de la narration et on a ainsi l'impression de parcourir un témoignage ou un journal intime. Il nous parle de son quotidien, de ses doutes et de ses peurs, de ses envies et de ses frustrations. On entend chacune de ses pensées et il s'en dégage une force incroyable. La force d'un jeune homme à l'agonie qui refuse de faciliter le travail à la Grande Faucheuse. Chaque fois que son corps le lui permet, il sort le grand jeu et n'hésite pas à enfreindre les règles pour parvenir à ses fins. Ses objectifs sont toujours si simples et authentiques que l'on ne peut que se ranger à ses côtés et avoir envie de le voir réussir. Et tant pis pour les conséquences ! Après tout, il n'a malheureusement plus rien à perdre... de virées improvisées à l'extérieur en conquêtes amoureuses éperdues, Richard trouve en son oncle Phil un allié extraordinaire. Ce dernier est le mouton noir de la famille, mais derrière son comportement extravagant se cache un grand coeur - généreux, sensible et artiste. Leurs plans fantasques sont d'autant plus faciles à mettre en oeuvre que la mère de Richard est clouée au lit avec une mauvaise grippe.

Richard ne mange plus, ne peut plus se doucher seul. Il ne peut plus lire, ni se servir d'un ordinateur. Chaque jour qui passe lui vole un peu plus d'énergie et d'autonomie. Il doit affronter un quotidien bien morne et a désespérément besoin de ces frasques pour se sentir vivant. Car c'est bien cela qui rend ce roman si poignant. On doit tous mourir un jour, mais quand cela arrive si tôt, on ne peut que crier à l'injustice. Et quel sort plus terrible que de pouvoir chiffrer avec précision le temps qu'il nous reste ? Que de voir ce sablier déjà presque entièrement vidé quand le verdict tombe ? Les soignants sont également mis à l'honneur et ils le méritent bien ! On sent à quel point il est éprouvant de travailler aux soins palliatifs, là où il n'y a plus d'espoir, plus d'autre échappatoire que la mort. Et pourtant, ils font chaque jour acte de présence. Ils enchaînent les services et sont sincèrement peinés par chaque décès. Il y a la chef de service qui paraît stricte et inabordable, Jeannette l'infirmière qui se laisse facilement émouvoir au risque même de s'attirer des ennuis, Edward l'infirmier gay qui passe la moitié de son temps à réprimander Richard et l'autre moitié à chercher comment lui venir en aide,... Et la Harpie, cette vieille femme qui insupporte Richard et Sylvie en jouant de la harpe à longueur de journée face à l'ascenseur.

J'ai souvent eu le coeur serré devant la douleur des familles, car comme le souligne si bien Richard, il voudrait coûte que coûte protéger sa mère mais il est conscient de rester celui qui la blessera le plus dans la vie. La complexité des rapports humains est parfaitement retranscrite par l'auteur ; rien n'est jamais tout noir ou tout blanc et à un mal similaire, deux personnes peuvent réagir de manière complètement différente. La plume de Hollis Seamon donne vie à des personnages hauts en couleurs et nous raconte une histoire émouvante sans jamais verser dans la pitié ou le mélodrame facile. Et si le sujet est on ne peut plus grave et sérieux, les boutades tour à tour cyniques et bon enfant de Richard viennent assurément alléger l'ambiance pour nous faire passer du rire aux larmes, et vice-versa. Ce roman est une ode à la vie, un trésor d'humanité, de compassion et d'empathie, que je ne peux que vous conseiller. Même s'il en existe d'autres sur un sujet identique, celui-ci possède un petit quelque chose qui le rend unique et incontournable.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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