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Critique de BobPolar


IL N'Y A PAS PIRE AVEUGLE QUE CELUI QUI NE VEUT PAS VOIR
Dans ses précédents écrits Gilles Sebhan a publié des romans autobiographiques dont deux où la représentation du père est omniprésente, il s'est penché sur le cas Tony Duvert, un écrivain sulfureux qui adoptait une relation très particulière à l'enfance, il s'est également intéressé à cette frontière ambiguë qui vacille entre normalité et folie. Cirque mort, son premier roman noir, est marqué du sceau de ces différentes thématiques - matériaux qu'il manie avec aisance. En effet, avec cette histoire emmaillotée dans la sphère de la psychiatrie infantile c'est par le biais d'une pénible enquête menée par un père que l'auteur va conduire le lecteur dans des zones sombres peu visitées où l'atmosphère est souvent irrespirable. La sensation d'être sous l'emprise du texte est totale à l'instar de ces jeunes qui sont sous l'influence de leurs maladies psychotiques. le rideau noir peut se lever…
Noël approche. Sur la place de ce patelin le chapiteau du cirque est levé, on n'entendra pas les rires des enfants. Un drame s'est produit. Mais le fléau s'abat à nouveau avec la disparition de deux gamins puis de celle du petit Théo dont Dapper, le père, est lieutenant de police. Ce dernier a été dessaisi de l'enquête - puisque personnellement lié à l'affaire - qui, après plusieurs semaines de recherches, est au point mort. le papa va se lancer dans une folle investigation qui va l'amener dans cet établissement dirigé par l'étrange docteur Tristan. Ainsi dit le lecteur attentif pourrait raisonnablement tabler sur un docteur Mabuse qui fait joujou avec des êtres à la chair tendre. Cependant, il en va (presque) autrement dans ce texte où le lecteur devra braver des obstacles, lutter contre le trouble envahissant qui se manifeste par le sentiment d'être manipulé et peut-être accepter l'inacceptable. Ce n'est pas à grand renfort de scènes abominables que l'auteur parvient à créer cette ambiance très singulière car exploiter la tragédie en jouant aux osselets (d'enfants) n'est pas son domaine de prédilection. Il préfère que notre attention se porte plutôt sur le lien qui s'est créée entre son fils et l'un des malades, sur l'observation et l'expérimentation surprenantes de leur thérapeute ainsi que sur cette lettre qui va guider Dapper vers l'antre du criminel.
D'aucuns ont perçu (d'aucuns percevront aussi) - le mot est lâché : perception - dans Cirque mort un roman noir et fantastique là où nous l'avons plutôt classé dans le rayon des romans foncièrement noirs et surtout pas celui des thrillers. En effet, les « visions surnaturelles » (télépathie) d'Ilyan ne sont pour nous que la conséquence de ses hallucinations, de ses perceptions. Afin de ne pas contrarier le lecteur pur et dur de polar qui pourrait être rebuté par le fantastique nous optons pour le mysticisme (rejeté par différents confrères) de Jung. Quoi qu'il en soit, le lecteur ne doit pas se soustraire aux turbulences psychiques qui vont l'assaillir car il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ce qui caractérise le mieux ce roman de Gilles Sebhan c'est ce voile oppressant qui brouille le décor. Il y parvient en mêlant une intrigue douloureuse à un environnement quasi impénétrable. A cet univers psychiatrique s'ajoute la présence de ces enfants « différents ». Tristan semble convaincu que notre futur sera le royaume des enfants, celui des enfants névrosés. Quand l'enfant prend le pouvoir sur l'adulte, sur sa prétendue sagesse - que Pascal a su railler. Quand la folie représente le parfait discernement des choses, la pleine connaissance - certainement profane. Ces 160 pages recèlent bien des surprises qui ne demandent qu'à être décelées - un long cheminement de pensée.
Ce roman est quasi expérimental. Gilles Sebhan a une plume qui tache. Ce n'est pas une stupide bavure mais la marque d'une efficace salissure - les doigts pleins d'encre comme un clin d'oeil à l'enfance - qui laisse des traces peut-être indélébiles. Cirque mort a cela de passionnant qu'il déconcerte autant qu'il suscite l'intérêt. L'auteur appuie non pas là où ça fait mal mais là où l'on ne pense pas que cela puisse faire mal. du mystère de l'enfance, du secret de la folie ce roman ne donne pas les clés mais s'il ne vous porte pas aux nues, il vous épaulera de tout son crédit pour explorer un territoire insolite. Bonne lecture !
Lien : http://bobpolarexpress.over-..
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