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EAN : 9782843449130
270 pages
Le Bélial' (16/02/2017)
3.6/5   63 notes
Résumé :
Soit une ville immense, sombre et secrète, fondée par un peuple minéral plus secret encore — les gargouilles. De mémoire d’homme, les guildes rivales des Alchimistes et des Mécaniciens s’y livrent une lutte d’influence acharnée. Or les Mécaniciens semblent enfin en passe de l’emporter, prêts à imposer sur la cité un ordre nouveau, brutal.
Automate douée de conscience, unique en son genre, Mattie est la création d’un Mécanicien ambigu. Bien qu’émancipée, elle ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle sombre et mélancolique conte que cette Alchimie de la pierre. Avec la touche de poésie qui fait souffler dans mon esprit un vent de nostalgie pour quelque chose qui jamais ne fût.

Ekaterina Sedia base son récit sur une ville de pierre créée par des gargouilles vivantes. Avec le temps, ces dernières se sclérosent et finissent par se statufier, diminuant d'autant la mémoire de l'espèce.
Mécaniciens et Alchimistes se battent pour la majorité au Parlement et imposer leur point de vue, métal et rouages contre plantes et athanor. Garants de la modernisation, les Mécaniciens l'emportent à présent. Les petites gens, elles, font comme dans toutes les sociétés : elles tâchent de s'en sortir sans attirer l'attention des puissants. Pourtant la colère gronde chez les mineurs avec la demande toujours croissante de charbon nécessaire aux multiples fabriques et créations de l'ordre mécanique.
Et au milieu, Mattie, automate féminin créé par Lohari. Elle s'est émancipée et est devenue une talentueuse alchimiste mais ne peut se libérer définitivement de l'emprise de son créateur qui possède la clé pour la remonter.

L'auteure aborde de nombreux thèmes traités de façon originale dans ce beau roman. Il y a la question de l'évolution des temps, qui fait penser à la révolution industrielle du XIXème siècle qui secoua les masses laborieuses, leurs emplois menacés par la mécanisation. le débat court de nouveau aujourd'hui avec la révolution numérique et l'arrivée des intelligences artificielles. D'ailleurs Mattie en tant qu'automate doué de conscience en est le symbole.
La sclérose des gargouilles annonce la fin d'une époque, la pierre originelle cédant le pas au métal et à l'ingénierie humaine.

Le personnage de Mattie, avec son petit coeur cliquetant composé tel une oeuvre d'art horlogère de minuscules rouages dentelés est des plus fascinants. J'aurais aimé en savoir plus sur sa confection et comment la conscience d'elle-même est survenue. Intelligente et dotée de plus d'empathie que bien des humains de chair et de sang, elle lutte pour son indépendance et pour son intégrité corporelle en tant que femme, toute automate qu'elle est. Ekaterina Sedia fait de son héroïne une véritable féministe. Soumise à l'emprise de son créateur, qu'elle hait autant qu'elle apprécie des qualités, en butte souvent aux préjugés d'autrui puisqu'elle n'est "qu'une ferraille", son bon coeur se soulève aussi pour les opprimés et les exclus, comme ces Orientaux ostracisés comme étrangers arrivés à la ville prendre leur travail aux braves citoyens (tiens, j'ai déjà lu ce type de discours, et pas que dans un ouvrage SFFF!). Ou le Fumeur d'âmes, indispensable à la société mais banni par crainte de ses capacités, et les gargouilles condamnés à l'extinction si rien ne vient mettre un terme à leur transformation.

Beaucoup de bons ingrédients dans cette Alchimie de la pierre que l'auteure a savamment mélangés avant d'en sublimer l'essence dans les cornues de son imagination. La qualité d'écriture ne fait pas défaut et les émotions ressentis par Mattie passent très bien des pages au lecteur. le roman me laisse le coeur un peu lourd et mélancolique après cette lecture onirique et surprenante.
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Avant toute chose je remercie chaleureusement Babelio et les éditions le Bélial pour cet envoi. J'ai reçu ce roman à la couverture sublime mais aussi un marque-page assorti de toute beauté.
Si vous n'êtes pas familiarisés avec l'univers steampunk, ce roman superbement écrit et merveilleusement traduit vous fera découvrir un monde dans lequel le pouvoir est divisé entre les alchimistes et les mécaniciens, un monde dans lequel les automates côtoient les lézards, un univers où les gargouilles ont un oeil sur tout, perchées au fait des toits quand les enfants araignées creusent les galeries des mines…
Dans cet univers, la pierre affronte le métal, les automates semblent doués d'une certaine forme de vie mais les vivants eux, paraissent parfois manquer des sentiments les plus élémentaires.
Au milieu de tout ce chaos, Mattie, une automate émancipée devenue alchimiste, tente d'aider ceux qui lui demandent de l'aide. Elle soigne, elle essaie de guérir les blessures mais aussi d'apaiser les âmes, comme celles qui vivent à travers le Fumeur d'âmes.
Ce chassé-croisé de personnages complexes pour permet de parcourir une ville en plein changement, d'être les spectateurs d'une époque en pleine évolution, voire en pleine révolution, car bientôt des conflits vont surgir et mettre la ville à feu et à sang.
L'auteur décrit magnifiquement cette ville de pierre et d'acier, où les préjugés sont légions, où le bien-être des puissants vaut bien qu'on sacrifie des vies, où tout étranger, toute personne considérée comme différente est à la fois perçue comme inférieure et hautement menaçante.
J'ai aimé la poésie qui se dégage de ces pages, ce récit de la fin d'un monde et du début d'autre chose, où le passé ne peut être complètement détruit et où l'avenir ne semble pas encore savoir de quoi il sera fait.
J'ai savouré ces pages, ce roman bien que très riche n'a que peu de pages (260 p.) et cela permet à l'auteur de ne pas nous perdre en route dans son univers foisonnant et particulièrement émouvant.
Une découverte que j'ai savouré avec un plaisir immense.

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Les auteurs russes n'étant pas franchement légion dans les rayons fantasy/science-fiction de nos librairies, c'est avec curiosité que je me suis penchée sur cette « Alchimie de la pierre », premier roman d'Ekaterina Sedia traduit en France. Un roman dont l'action est relativement limitée à la fois dans l'espace et le temps puisque les événements relatés s'échelonnent sur tout au plus quelques semaines et n'ont pour théâtre qu'une seule et même ville (en dehors de laquelle nous n'avons que très peu d'informations). L'univers élaboré par l'auteur est cela dit suffisamment bien étoffé pour que le lecteur ne se sente nullement oppressé ou frustré par cette limitation du décor. Il faut dire que la cité possède un certain nombre de particularités à même de titiller la curiosité de n'importe qui. Il y a d'abord cette opposition manifeste entre les membres de l'ordre des Alchimistes et celui des Mécaniciens, ce dernier semblant pour le moment avoir l'avantage sur son rival mais devant composer avec l'hostilité grandissante d'une partie de la population. Il y a aussi les gargouilles, créatures à l'origine de la création de la ville possédant autrefois des pouvoirs extraordinaires mais aujourd'hui menacées de disparaître dans l'indifférence quasi générale. Et puis il y a cette automate unique en son genre, Mattie, vers laquelle les gargouilles décident de se tourner en ultime recours pour tenter de mettre fin à la malédiction qui menace de les détruire. L'intrigue s'articule autour de ces deux fils rouges qui sont évidemment étroitement liés : d'abord l'enquête menée par la jeune femme pour tenter d'empêcher le processus de pétrification des gargouilles ; ensuite l'essor d'un mouvement populaire de grande ampleur désireux de renverser l'ordre établi.

Nous avons donc affaire à un univers de fantasy où l'alchimie n'est pas qu'une simple science mais comporte aussi une touche de magie et dans lequel évolue un bestiaire assez inattendu. On peut notamment citer ces étranges lézards utilisés comme sortes de bêtes de somme, ou encore les homoncules nés de mélanges alchimiques, sans oublier le Fumeur d'âmes, figure incontournable de la cité, chargé d'aspirer les fantômes des défunts avec lesquels il se retrouve ensuite forcé de vivre. A ces créatures s'ajoutent évidemment les gargouilles, spectatrices (presque) invisibles des mutations qui traversent leur cité et auxquelles l'auteur donne à plusieurs reprises la parole, optant alors pour une narration à la première personne. le monde dépeint par Ekaterina Sedia emprunte aussi beaucoup à l'imaginaire steampunk, l'influence grandissante des Mécaniciens entraînant la prolifération de machines de toutes sortes : chenilles mécaniques arpentant les rues, automates plus ou moins conscients et intelligents, super calculateur censé trouver une solution à n'importe quel problème soumis... Cette esthétique est d'ailleurs renforcée par les illustrations de Nicolas Fructus, qu'il s'agisse de celle (très réussie) de la couverture ou de celles ornant les débuts de chaque chapitre. L'opposition entre la pierre et le métal n'est toutefois qu'une thématique parmi les nombreuses exploitées par l'auteur, de la xénophobie à la place des femmes dans la société, en passant par les conséquences de l'automatisation du travail ou du terrorisme. le traitement de tous ces sujets sur fond de révolution populaire donne au roman un petit côté politique qui aurait pu être vraiment intéressant si l'auteur avait fait preuve d'un peu plus de finesse dans son traitement.

Si l'on peut difficilement trouver à redire au message véhiculé ici par Ekaterina Sedia (dénonciation de l'exploitation, du racisme, de la mise sous tutelle des femmes...), on peut en revanche souligner le manque d'une véritable réflexion de fond qui limite considérablement l'implication du lecteur, celui-ci ne trouvant finalement pas grand chose pour nourrir sa propre pensée. Reste à aborder la question des personnages, le principal point fort du roman résidant à mon sens dans son héroïne. Que la perspective d'avoir pour protagoniste une automate ne vous rebute pas car en dépit de son statut de « machine » (dans lequel elle ne se reconnaît absolument pas), Mattie apparaît comme bien plus humaine que tous les êtres de chair et de sang mis en scène dans le roman. Difficile de ne pas s'attacher à cette jeune femme capable de faire preuve d'une profonde empathie pour les autres (qu'ils soient humains, automates ou gargouilles) et passant par toute une palette d'émotions au fil des pages. La relation entretenue entre Mattie et son créateur, Loharri, est à ce titre des plus intéressantes, la jeune femme éprouvant pour son « maître » des sentiments très ambigus, mélange d'amour et de haine lié à sa volonté de s'émanciper pour de bon sans pour autant pouvoir se départir d'un certain respect mâtiné de crainte à son encontre. Car en dépit de son statut d'automate et de femme libre, Mattie reste toujours soumise au bon vouloir de son créateur, seul possesseur de la clé à même de la « remonter » et donc d'assurer sa survie (un peu à la manière de l' « automate de Nuremberg » de Thomas Day). Outre le duo Mattie/Loharri, le seul qui parvient à véritablement toucher le lecteur est le Fumeur d'âmes, les autres personnages se révélant trop peu développés pour s'attirer la sympathie du lecteur.

« L'alchimie de la pierre » est donc un roman de bonne facture qui séduit à la fois par la singularité de son héroïne et par son décor mêlant habilement esthétique steampunk et éléments relevant de la fantasy. de même on peut saluer l'originalité des thématiques abordées, quand bien même toutes ne sont pas traitées avec la même profondeur.
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Ce que j'ai ressenti:

▪️L'alchimie comme passion.

En ce Mois de l'Imaginaire, pourquoi ne pas se laisser tenter par une histoire fabuleuse, mélange de Steampunk et de magie? L'univers de ce monde, qui prend vie sous nos yeux grâce à l'imagination débordante de Ekaterina Sedia, est soumis à la dualité des Alchimistes et des Mécaniciens, dans une ville où les gargouilles veillent à travers la pierre et nous parlent en confidences italiques, où le pouvoir fait rage et complots, où la robotique est quotidienne et prend une place prépondérante… C'est une ville peuplée d'ombres et de lumières, de machines et de fantômes, et il y règne un climat électrique de tensions diverses. Mattie est une automate suréquipée et sur le point, d'être émancipée. Elle se passionne pour l'alchimie, et par ce biais, elle sera l'espoir de tant d'âmes. Mais ce ne sera pas du goût de tout le monde…Autant vous le dire maintenant, c'est fantastique et carrément dément de lire une histoire aussi dense dans une ambiance gothique mystérieuse! Quelle imagination et que de beautés dans la plume de Ekaterina Sedia! Elle nous envoûte avec de très jolies descriptions et une poésie voluptueuse. J'ai aimé l'atmosphère prégnante qui se dégage de ce roman, avec toutes les petites touches de fabuleux qui viennent égayer la noirceur de la vie politique de cette cité.

"Du coup, je m'interroge: faut-il un désastre pour nous rassembler? Sommes-nous si égoïstes, si recroquevillés sur nos petites vies personnelles? Cette société a-t-elle encore une raison d'exister?"

▪️La féminité comme envol.

Mattie, c'est mon atout Coeur. Ni humaine, ni robot écervelé, elle est un personnage qui incarne la différence, l'avant-garde, le féminisme et le renouveau. Tant de qualités dans ce bout de femme, et pourtant, elle n'est à sa place dans aucune dynamique sociale ou politique, elle est une étrangeté qui dérange. Elle est unique. Avec cette sensibilité et cette capacité à ressentir la douleur, que son inventeur, Loharri, lui a programmé, son coeur qui tictacte et sa volonté de fer, Elle comprend le monde mieux qu'une machine, peut être plus intensément qu'une humaine, et de ce fait, elle se révèle être une femme plus forte. Ses atouts sont sa force et sa faiblesse. Et à trop laisser entendre son coeur, certains pourraient avoir envie de le faire taire…A jamais…C'est une jolie rencontre, avant tout. Cette Mattie, c'est le coeur de ce roman, et elle est aussi, mon « crush » du moment.

"Je vous jure que ma féminité est aussi enracinée que la vôtre."

▪️Et chercher encore, la clef…

La clef du bonheur se trouve peut être là: dans une histoire hors du commun, avec une héroïne hors-norme, et le plaisir exquis d'avoir une si belle plume au service de cet imaginaire. Mattie court après sa clef, la clef de son indépendance et c'est une quête noble. J'étais de tout coeur avec cette fille mécanique pour qu'elle atteigne ses objectifs et quelle arrive enfin à détenir ce trésor. Un rêve de liberté, c'est toujours beau à lire, surtout s'il est emballé dans une poésie virevoltante. J'ai adoré toute ces étapes de transformations, les chuchotements des gargouilles, le cheminement du personnage principal. J'ai été sous le charme de la première à la dernière ligne.

"Faute d'ustensile, elle écrasa tant bien que mal les figues avec ses doigts en murmurant les mots secrets appris d'Ogdéla-des mots qui, selon sa tutrice, guérirait le coeur du monde à condition de les prononcer avec une conviction suffisante."

Ma note Plaisir de Lecture 9/10
Lien : https://fairystelphique.word..
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Challenge plumes féminines 2020 – item n°11

Livre découvert lors d'une masse critique et acheté en format poche lors d'un récent passage en librairie, je trouve d'ailleurs la couverture de celui-là plus sympathique que celui du Bélial ! Je ne me souviens plus du résumé mais si je l'ai enregistré, c'est qu'il m'intriguait. du coup, peu de temps après l'achat, je n'ai pas pu résister à le commencer après une tétralogie coup de coeur. Je ne connais pas du tout cette auteure russe.

L'univers y est étrange mais il n'est pas désagréable. J'aime beaucoup le style littéraire de cette auteure, je le trouve assez poétique et chantant, et de l'humour s'immisce dans les dialogues. Nous découvrons ainsi une automate alchimiste à qui on donne des missions à remplir. Elle vit autonome par rapport à son créateur et est dotée de réflexion. Même au bout de 100p, l'univers est difficile à appréhender mais il est suffisamment original et steampunk pour que je continue de lire l'histoire de Mattie l'automate. Mais la colère gronde. Tout doit être remis en question mais est-ce que ça sera fait dans les temps ? Mélange de roman policier et de fantastique où Mattie cherche les réponses à d'innombrables questions : des commandes qu'on lui a passé, les gargouilles de la ville, la politique de celle-ci et que lui réserve l'avenir en tant qu'automate intelligente… Je n'imaginais rien de particulier pour la fin de cette histoire, l'univers y est trop complexe pour deviner l'idée d'origine de l'auteure. Je me contentais de suivre les aventures de Mattie ainsi que les méandres de son intelligence. le moins que l'on puisse dire est que cette histoire est très originale. Peu de textes peuvent se targuer de lui ressembler, même si par moments, elle m'a fait penser à Coeurs de rouille de Justine Niogret. J'aime beaucoup son univers steampunk mêlant Mécaniciens et Alchimistes dans une guerre de pouvoir. Comme le souligne Bifrost, ce roman est un très beau livre à l'histoire subtile et très originale. Par contre, quelques rares coquilles se baladent dans le roman (une majuscule au milieu d'un mot, oubli d'une apostrophe…).

Comme vous l'aurez compris, ce roman a été une excellente découverte du style et de l'imaginaire de cette auteure. J'espère que sa bibliographie continuera à s'agrandir et qu'elle sera traduite en français. J'aimerais beaucoup en lire d'autres issus de son imagination. Je conseille aux amateurs de steampunk originaux de découvrir ce roman et son auteure russe. Pour ma part, je vais continuer à découvrir des auteurs russes, leur style est totalement différent.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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critiques presse (1)
Elbakin.net
31 janvier 2017
L’Alchimie de la Pierre n’est pas qu’un délicieux petit bonbon, une jolie carte postale steampunk aux allures de fable, il s’agit bien d’une oeuvre plus profonde qu’il n’y paraît et dotée certes d’un bel écrin.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Nous escaladons les briques rugueuses de la façade. Leurs bords émiettés s’amollissent sous nos doigts griffus. Tels des kystes, elles saillent du mur pour nous offrir des prises commodes. Nous aurions pu emprunter les échelles d'incendie ; nous arions pu grimper, grimper, devant les visages impassibles des murs, leurs fenêtres cataractées de volets ; nous aurions pu bondir dans la joyeuse cacophonie du métal corrodé et les murmures à peine audibles de la rouille délogée par notre ascension. Nous aurions pu voler.
Mais non, nous restons plaquées contre ce mur, la joue pressée contre les briques chaudes ; le filigrane de l’âge et du temps à leur surface s'imprime sur notre peau, une peau d'un gris acier tel le ciel tempétueux. Nous nous reposons, accrochées au mur, les bouts de nos doigts nichés dans les cavités confortables, comme si on les avait fabriquées, ces briques, pour nous faciliter l'escalade. Nous avons presque atteint le toit pentu, rougi de tuiles en forme d'écailles de poisson.
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Sur ces entrefaites, Mattie prit congé. Elles sortait quand il lui vint à l'idée que, par gentillesse pour Loharri, elle aurait pu lui offrir ce qu'il voulait sans oser le demander : toucher ses cheveux, écouter tictaquer son cœur. Elle aurait pu lui tenir compagnie dans le noir, aux heures mortes entre nuit et aube où ses démons le torturaient. Il aurait peut-être évoqué ce qu'il taisait d'habitude : pourquoi il l'avait fabriquée, et pourquoi la volonté de sa création de vivre seule, d'étudier, de se détacher de lui, le déprimait à ce point. Le problème, c'est qu'elle préférait ignorer les réponses à ces questions.
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Ses souvenirs possédaient une forme. Certains étaient oblongs et doux, telle l’extrémité d'une épaisse couverture roulée sous la joue d'un dormeur, d'autres présentaient des bords tranchants qu'il fallait considérer avec prudence pour éviter de se blesser ou apparaissaient comme des cônes, des cubes, des articulations en métal, des plumes de paon, si bien que le désordre sous son crâne empirait chaque jour à mesure qu'elle accumulait ces articles malcommodes, tout comme Loharri accumulait des détritus dans son atelier.
Pour se rappeler, elle pouvait laisser la réminiscence venir à elle quand les bruits et les images alentour bousculaient et détouraient certaines des formes ; sinon, elle devait choisir dans l'amas, sans garantie de localiser le souvenir pertinent au milieu du chaos.
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_ Tu es très beau.
Il la dévisagea d'un air qui lui demeura opaque, mais qui lui rappela la première fois où elle avait demandé à Loharri de lui donner sa clef.
_ Il y a moins d'une heure, je me disposais à te frapper, énonça-t-il dans un murmure. Sans les gargouilles, je t'aurais tuée; tu ne serais plus qu'un tas de ressorts et de rouages. Qu'est-ce qui te prend de parler ainsi?
Mattie s'avisa qu'elle avait gaffé.
_ Tu ne m'as pas tuée, pourtant. Tu n'es pas mon ennemi.
Il secoua la tête.
_ Comment es-tu devenue Alchimiste, d'ailleurs? Et pourquoi les gargouilles t'ont-elles choisie?
_ J'y tenais. Tu es devenu Mécanicien parce que élevé par une mère Alchimiste. Je suis devenue Alchimiste parce que créée par un Mécanicien.
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- Tu tictaques, jeune fille, dit-il en penchant la tête vers son épaule. Tu devrais peut-être te faire examiner.
- Non. C'est mon coeur et ça n'a rien d'anormal.
- Je plaisantais.
Ses dents lancèrent un éclair blanc dans le noir.
- Tu es une automate, pas vrai ? Je n'en avais jamais vue d'aussi futée.
- Assez pour oublier que mon coeur fait du bruit.
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