Avertissement : certains passages ne sont pas pour un jeune public…
Ça commence dans un joyeux bordel ! Pardon, je provoque ! Il faudrait écrire une maison de passe, quoiqu'à l'époque, il y a 3000 ans en Égypte, on disait plutôt une maison de bière, dont l'enseigne était surmontée d'un phallus évocateur…
Paneb, célèbre fripouille à travers les âges, va y passer sa dernière soirée en compagnie de jolies filles et autres trafiquants de trésors funéraires. Il est vrai qu'en ces temps de disette, Ramsès XI manquait d'argent pour la guerre, et organisait avec ses lieutenants, le pillage des tombes de ses prédécesseurs… Triste époque…
De nos jours, fin 2010, Isis, jeune égyptologue au nom prédestiné, étudie les textes anciens et fait une découverte insolite… Un mot, le “HY” paraît avoir plusieurs traductions et pourrait évoquer une tombe dans laquelle seraient conservés depuis 3000 ans, des objets rescapés des pillages d'alors. Pour les fêtes de fin d'année, Isis part sur place rejoindre le mystérieux marchand d'art Tarek, en compagnie de François, journaliste et “enquêteur” sur les trafics d'antiquités, et Béatrice, archéologue originale, avec son “ami” Omar. Omar “Abdel Mansour”, descendant direct d'une famille célèbre depuis des siècles pour les pillages ou détournements d'objets d'art pharaonique… Une fois arrivés au Caire, commence pour eux, dans l'Égypte contemporaine, un voyage à la fois pittoresque, aventureux, surprenant et révélant d'autres facettes plus sombres que la carte postale qu'on imagine, ou dont on se souvient quand on est allé là-bas.
Les gens tout d'abord, les millions de paysans, fellahs, chauffeurs de taxis, petites mains de centaines de métiers allant de la vente à la sauvette de vêtements ou de chaussures, aux livreurs portant sur la tête les cageots remplis de pains et slalomant à vélo entre les véhicules encombrant la capitale polluée. Tous ces gens qui survivent malgré la misère de leur condition. À l'autre bout de l'échelle sociale, tous les nantis aux fortunes immenses, acquises plus ou moins honnêtement, plutôt moins que plus d'ailleurs, le bakchich étant quasiment la monnaie officielle. Côté moeurs, rien de bien original en Égypte, on se marie, on répudie, on trompe comme ailleurs, avec la morgue des puissants qui, laissant leur femme légitime au foyer, se retrouvent entre eux pour des “colloques” “réunions” ou “parties fines”, où l'on consomme vins, alcools et “jus de fruits” tout en s'accommodant plus ou moins des prérogatives du prophète…
L'économie est à l'aune de la société, variée, officielle ou parallèle, avec la bénédiction voire l'appui des militaires, ministres ou autres politiques, quand ils ne sont pas les trois à la fois. Rien de bien différent de nombreux autres pays aujourd'hui, certes, mais quand on sait que la première ressource de la vallée du Nil est le tourisme, et que depuis le premier grand attentat de Deir-El-Bahari fin 1997, cette ressource a été durement affaiblie. Alors sur le terreau de la misère, se développent toutes sortes de trafics, comme celui des antiquités dont l'essor s'est considérablement amplifié. Et il y a d'ailleurs plusieurs niveaux de trafics. le petit : les fausses peintures de tombes, réalisées par de curieuses empreintes de cartes postales sur des morceaux d'argile (véridique !), ou les copies de statuettes vendues à la sauvette à Louxor par des enfants auprès des touristes. Et le grand, organisé par les “gardiens” de fouilles ou des réserves des musées, avec les vraies-vraies antiquités : celles qui sont réellement d'époque et sorties illégalement du pays à la demande de riches collectionneurs, et les vraies-fausses : copies quasi-parfaites d'oeuvres antiques exportées par des filières clandestines, à destination de pseudo-connaisseurs ou de musées peu regardants, voire abusés par des experts aux connaissances limitées.
C'est au coeur de cette Égypte du XXIe siècle que Véronique Sédro nous emmène, dans les pas d'Isis, jeune et belle rouquine au tempérament de feu, n'ayant froid ni aux yeux, ni ailleurs. D'un autre côté, là-bas il ne fait pas vraiment froid même en hiver. L'écriture est limpide, nerveuse, documentée. On sent que l'auteur connaît bien son sujet. On y croise toute une palette de personnages, du plus humble au plus fortuné, on y reconnaît l'ancien Ministre des Antiquités Zahi Awass sous un patronyme quasi-identique et on côtoie des familles de “chercheurs” plus ou moins fréquentables. La description des sites est tellement fidèle qu'on s'y retrouve comme si on avait quitté le pays hier. On est cependant loin des textes de Christian Jacq qui, (en dehors de son livre quasi-prophétique « Barrage sur le Nil ») nous dépeint une Égypte de rêve où malgré les complots et les trahisons, l'amour et la justice de Maat triomphent presque toujours.
En revanche, j'émettrai deux bémols.
Le premier concerne la composition du roman, lequel est régulièrement truffé de coquilles : lettres ou mots manquants, fautes d'orthographe ou d'accords, et autres joyeusetés qui me font regretter le temps où le correcteur était humain et non automatique, et sanctionnait impitoyablement les erreurs typographiques.
Le second touche aux évocations des galipettes de l'héroïne ou la scène du début du roman, qui sont certes réalistes, et n'omettent aucun détail, mais font trop vite passer un érotisme passionné en une littérature gynécologique somme toute inutile et condamnent le livre à un lectorat adulte et averti. Dommage, car un public plus jeune aurait pu aussi être intéressé.
Merci à Babelio et aux Éditions Erick Bonnier pour cette sympathique découverte.
M.G. 06/2017
Commenter  J’apprécie         30
Le premier roman de Véronique Sédro.
« Voilà une fiction qui dépasse la réalité, mais la recrée en même temps. À sa lecture, Égypte moderne et Égypte pharaonique surgissent main dans la main, dans « leur jus » pour employer une expression d’antiquaire. C’est un bel hommage à l’égyptophilie. »
Pascal Vernus,
Directeur d’études en linguistique égyptienne et en philologie
à l’Ecole pratique des hautes études à la Sorbonne.