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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Live like you mean it. Il contient les épisodes 12 à 17, initialement parus en 2013, écrits par Tim Seeley, dessinés et encrés par Mike Norton, et mis en couleurs par Mark Englert. Il faut absolument avoir commencé la série par le premier tome.

La petite ville de Wausau dans le Winsconsin est toujours sous le coup de la quarantaine du fait de l'épidémie de résurrection. Dans la séquence d'ouverture, Martha (Em) Cypress se laisse porter par l'eau glacée de la rivière, en se remémorant une partie de fer à cheval avec son père. Dana Cypress (sa soeur) s'occupe de Cooper (son fils), tout en rassurant Derek Hinch (le père de Cooper) sur sa sécurité, et en jetant un coup d'oeil à la bande dessinée qu'est en train de faire Cooper avec ses crayons de couleurs. Ibrahaim Ramin se rend à la mosquée pour constater qu'elle a été vandalisée. le professeur Aaron Weimar reçoit Joe Meyers (un ressuscité) pour une consultation psychanalytique, au frais du contribuable. Em décide d'aller aider au tri des morceaux de cadavres répandus sur l'autoroute, pour reconstituer chaque corps. Maureen, la représentante du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) apprend à Ken Dillisch (le maire de Wausau) que l'eau utilisée pour abreuver les bêtes comprend une part d'eau lourde. May Tao poursuit son investigation journalistique sur la disparition des 3 frères Check. Lester Majak chante du heavy metal. Em raccompagne la petite Jordan Marie Borchardt (une enfant ressuscitée) chez elle, en voiture, avec un spectre comme passager clandestin.

Chaque nouveau tome exige du lecteur un petit effort de mémoire pour se souvenir de l'identité de la trentaine de personnages qui peuplent ces pages. Toutefois l'effort n'est pas aussi difficile que ça, parce que ces personnages ont déjà acquis une épaisseur significative, et que le lecteur s'y est déjà attaché. Em n'est pas une simple adolescente un peu attardée dans sa rébellion, elle est capable d'attention pour Cooper ce qui la rend crédible. Dana Cypress est une jeune policière, loin d'être infaillible, s'occupant de son fils en essayant de garder une relation adulte avec son ex-mari. Elle est capable de prendre du recul sur les actions qu'elle accomplit. Sous des dehors exubérants, Lester Majak recèle des niveaux de complexité intrigants. Seeley arrive même à dépeindre Cooper comme un véritable enfant, avec des réactions plausibles d'enfant, sans en faire ni un adulte miniature, sans le ravaler à l'état de simple dispositif narratif artificiel. May Tao est une jeune journaliste ambitieuse, mais elle aussi en proie à des doutes et des arrières pensées, loin de tout manichéisme.

Le lecteur prend peu à peu conscience qu'il s'est déjà investi émotionnellement dans ces personnages humains et faillibles, déjà très familiers. Il est donc presque surpris de constater que Seeley n'oublie pas son récit et les différentes intrigues entremêlées. À l'opposée d'un récit installé dans un statu quo confortable, celui-ci avance significativement à chaque épisode, en développant les conséquences des événements passés. Ainsi la disparition des frères Check n'est pas oubliée et le lecteur constate le désarroi de leur mère, tout comme il découvre qui était leur père. Cet élément est un bon exemple de la façon dont Seeley a trouvé un bon équilibre entre les personnages et l'intrigue. "Revival' n'est pas qu'une suite de rebondissements et de scènes chocs assemblés autour de personnages superficiels. Il s'agit bien de leur histoire, de leur ville, de leur passé. du fait de cet équilibre, les découvertes ne se résument pas à de simples artifices narratifs pour relancer l'intrigue et maintenir l'attention du lecteur. Seeley dépasse le cadre du simple thriller horrifique, malgré des coups de théâtre brutaux.

Le lecteur est donc rapidement captivé par une intrigue dense et retorse, et des personnages complexes et étoffés. Les dessins de Norton présentent une apparence réaliste un peu simplifiée, en particulier pour les visages, pas toujours très jolis. Il prend soin de donner des morphologies crédibles et variées aux individus, ainsi que des traits facilement reconnaissables. Lui aussi sait dépeindre des enfants de manière crédible. Il apporte un soin visible à concevoir des environnements pensés dans le détail, qu'il s'agisse des scènes d'intérieur ou d'extérieur. Il est possible de détecter un niveau de simplification parfois un peu trop important dans un élément de décor. Mais lorsque le besoin s'en fait sentir, Norton se montre capable d'être plus précis (par exemple l'intérieur de l'hôpital). Fait appréciable, Norton réalise des décors naturels crédibles, qu'il s'agisse des espaces boisés, ou des étendues neigeuses.

Là où Norton se révèle être le dessinateur de la situation, c'est dans les moments horrifiques. Tout d'abord il maîtrise sa mise en page de manière à surprendre à chaque fois le lecteur, ce qui n'est pas si simple à faire dans le cadre d'une bande dessinée, encore moins quand le lecteur sait qu'il y aura des moments chocs. Ensuite, malgré la simplification, les dessins ne perdent rien en horreur, qu'il s'agisse des coutures rouge sang du blouson d'Em, des larmes de sang de Joe Myers, ou de l'automutilation de Jordan Marie Borchardt.

Plongé dans ce thriller de bonne facture, le lecteur s'implique dans cette intrigue bien fournie. Arrivé au quatrième épisode, il a le plaisir de constater que Seeley est également capable d'insérer quelques réflexions opportunes sur la nature humaine. Cela commence par les réflexions de la petite Jordan sur la pression que subissent les enfants du fait des attentes des parents. Il y a l'introspection du journal intime de Dana sur sa soif de connaître les secrets des autres, très éclairante sur le besoin de savoir pour conforter son assurance. Encore plus surprenant, il y a les réflexions d'Aaron Weimar sur ses aspirations d'écrivain, et sa vision romantique de l'amour qu'il porte à sa femme.

Avec ce troisième tome, Tim Seeley et Mike Norton franchissent un nouveau palier dans la qualité de leur narration pour un récit de genre (horreur) utilisant avec habilité les conventions correspondantes (de vrais moments horrifiques), avec des personnages très humains (empathie assurée), une intrigue dense réservant un lot de surprises, et des considérations personnelles s'élevant au dessus des stéréotypes convenus. Il n'y a qu'à voir la facilité avec laquelle ils montrent comment Edmund Holt réussi à profiter de la psychose ambiante pour justifier ses prises de position réactionnaire les plus nauséabondes.
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