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Dominique Lelong (Autre)Mauricette Berne (Autre)
EAN : 9782072861185
552 pages
Gallimard (28/11/2019)
4/5   1 notes
Résumé :
Médecin de marine, voyageur, archéologue, sinologue, critique d'art, éditeur, romancier et poète, Victor Segalen fut aussi un grand épistolier : sur les 500 lettres conservées, 200 ont été sélectionnées qui jalonnent les principales étapes d'une vie courte et exceptionnelle, vécue à un rythme effréné. De la Bretagne à la Polynésie sur les traces de Gauguin, puis en Chine, parcourue au cours de plusieurs expéditions archéologiques, il écrit presque quotidiennement à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Simon Leys notait ceci, à propos de Segalen et des "écrivains-voyageurs" : "Accomplir une oeuvre et accomplir une vie semblent parfois deux entreprises mutuellement incompatibles. Sinon, comment expliquer que tant d'écrivains admirables soient de pauvres types, et que tant d'hommes admirables soient de pauvres écrivains ? C'est que les grands artistes, dirait-on, créent contre eux-mêmes, ils réalisent leur oeuvre au prix et à rebours de leur existence. Leur vie devient l'envers de leur création, ce n'en est plus que le résidu minable, quelquefois même malpropre. Il vaut donc mieux ne pas y aller voir de trop près (Proust, par exemple, nous avait bien mis en garde contre ce genre de curiosité...)" (Ecrits sur la Chine, p. 758, L'exotisme de Segalen).

Dans cette optique, la lecture de cette correspondance choisie de Victor Segalen fait apparaître l'image d'un "vivant fort", qui passe infiniment les catégories contemporaines d'écrivain voyageur, ou autres. Certes, il voyagea, comme médecin militaire de marine, à Tahiti, et trois fois en Chine (au début du XX°s, le voyage de la Chine n'etait pas une mince affaire). Et il fit de ses voyages la matière de ses livres, mais en réaction contre l'exotisme facile et colonial de Pierre Loti, ou érotico-moralisateur de Gide, il fit de la Chine la substance même de sa poésie et de sa pensée, non un prétexte à rêveries touristiques. Il opère une synthèse entre sa personnalité de poète symboliste français, ami de Debussy, et l'apport artistique de la Chine ancienne, de "sa" Chine. La correspondance révèle l'évolution d'un grand poète et prosateur, et enfin d'un penseur qui s'est colleté à la réalité, à l'histoire, à l'humanité chinoises pour nourrir sa réflexion esthétique générale et ses projets sinologiques. C'est enfin un grand amoureux, de sa femme et de la vie, et un ami de qualité qui s'exprime dans ces lettres. Cette correspondance choisie est la meilleure des biographies, et aussi la meilleure des introductions à une oeuvre que la mort prématurée de l'auteur a laissée pour une grande part en chantier. Restent deux beaux romans et deux recueils de poèmes complets (dont la qualité parfois se discute, concernant "Odes suivies de Tibet") pour nous laisser imaginer ce qu'elle aurait pu être. Les rares lettres à Paul Claudel permettent de mesurer la différence entre deux poètes également marqués par le grand Ailleurs de l'Extrême-Orient. En un temps de morne uniformisation, ce genre de lecture peut renouveler la notion si usée d'exotisme.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
À Yvonne Segalen, Péking, 25 juillet 1909 [visite des tombeaux de la dynastie Qing]
Que les Egyptiens éternels aient tout sacrifié de leur génie, de leurs hommes et de leur temps au Temps qu'ils ont honoré ... Mais ici, quel mépris à rebours du Temps lui-même ! Il dévore ? qu'on lui donne à dévorer. Il ruine ? il décatit, il abrège, il tronçonne, il éventre et pourrit ? Qu'on lui donne à détruire. Qu'on nourrisse sa faim : et non pas avec des aliments durs et indigestes ... voici des mets plus apprêtés : des bois odorants ... des tuiles que délitera la pluie, et que la charpente effondrée versera comme des gravats sur le sol. Des charpentages faits pour la chute immense et des joints si précaires que déjà tout bâille et se disloque... Le Temps est repu. - Ici le monument est indurable et léger ... Mais il se réclame d'une autre puissance : le Monument chinois est /mobile/, et ses hordes de pavillons, ses cavaleries de toits fougueux, ses poteaux, ses flammes, tout est prêt au départ, toujours, tout est nomade : Rendons-lui donc son en-allée, sa fuite, son exode, et sa procession éternelle ...
[...]
Un empereur tombe ! qu'un autre lui succède : un palais meurt, qu'on en hausse un second exact et répété. Un jour s'abat, vienne le lendemain promis ... et que, si les êtres passent, leur série coule du moins avec une fuite éternelle et durable en ses retours.

pp. 200-202.
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À Paul Claudel, Brest 25 janvier 1915.
[Votre oeuvre] me livre en effet, avec une richesse, une puissance non pareille, tout l'arrière-monde et le poignant mystérieux humain sans quoi je me jetterais au cou de n'importe quelle croyance. Négligeant les dates, les intentions, et ignorant les secrètes préférences, j'en reviens malgré moi à Tête d'Or, à certain début de La Ville, à Connaissance de l'Est, et, dans les plus religieux et fervents de vos livres, à ce qui reste expression d'homme aux prises avec tout ce qui n'est pas lui - peut-être Dieu, et peut-être autre chose... C'est vous dire qu'un des plus fervents spectateurs de vos oeuvres est en même temps l'un des plus hétérodoxes et transfuges amis de votre âme, en marche imperturbable vers un but affirmé. Je suis conduit à cette sorte de blasphème, que l'étonnant pouvoir humain que vous montrez à célébrer le divin, et un certain divin catholique, m'écarte d'autant plus du Dieu qu'il me rapproche de l'homme qui le chante, - dont les mots, pleins de sortilège, me font voir d'autres symboles et un tout autre surnaturel que celui vers lequel il convie de s'avancer avec lui.
p. 365
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À Jules et Pauline Hébert, Tientsin, 14 décembre 1911. Sur la révolution chinoise et la fin de la dynastie mandchoue.
Je vous disais, l'autre jour, mes sympathies mandchoues, parce que dynastiques. Je reconnais, en effet, que parfois les empires croulent, et que c'est même là souvent le plus beau moment de leur histoire. J'accepterais volontiers la chute de celui-ci si elle était retentissante, ou bien si l'usurpateur avait quelque chose du grand air des conquérants. Mais je hais les rebelles pour leurs attitudes apprises, leur humanitarisme, leurs lavures de vaisselles protestantes ; et surtout parce qu'ils contribuent à diminuer la différence entre la Chine et nous ; or vous savez que l'exotisme seul m'inquiète. Cela vaut bien quelques efforts.
p. 275
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À Yvonne Segalen, Singapour 9 janvier 1918.
J'ai trois drames, dix romans, quatre essais, deux théories du monde, une poétique, une exotique, une esthétique, un traité des Au-delà, un répertoire général des choses inconnues, une vingtaine d'ouvrages inclassables, et quatre mille soixante-trois articles de deux cents à deux mille lignes à donner, avant de prendre ma vraie retraite. Après quoi je préparerai une édition entièrement contradictoire de mes oeuvres - afin que l'on puisse choisir.
Sérieusement, c'est ce ce côté-là, Mavone aimée, que je me prépare à vivre. Je tiens à dire ce que j'ai à dire. J'accumule trop de choses en moi, dont les explosions internes se traduisent au-dehors par d'apparentes sautes d'humeur. Le jour où j'en aurai dit le principe, je serai plus égal - et je rirai sans sourire, enfin.
p. 435
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À Saint-Pol-Roux, Tahiti, 6 août 1904.
Je désire deux années en France, en Escadre du Nord, après quoi je serai paré pour l'Extrême-Orient qui m'attire. En ces deux ans, peut-être mon orientation définitive, si tant est que je doive jamais en posséder une, sera peut-être éclaircie. Pour l'instant je suis heureux de vivre, de vouloir et d'agir. Je vous aligne ces mots sans aucun pédantisme, je vous l'assure ; Nietzsche m'entraîne, c'est vrai ; mais comme Formulateur d'états déjà sincèrement ressentis.
p. 117
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Saviez qu'en chinois il n'existe pas d'équivalent au mot français « impossible » ? Et savez-vous quel grand roman raconte qu'impossible n'est pas chinois ?
« René Leys », de Victor Segalen, c'est à lire en poche chez Folio.
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