Les toiles où se devine la préoccupation de se concilier la neutralité bienveillante de ce justicier sont dans l'oeuvre de Miss Mary Cassatt les plus anciennes. Ce sont aussi les plus concises et les plus énergiques. Éloquence d'un trait nerveux délimitant un contour en faisant saillir le volume et en suggérant une impression de modelé tout en laissant subsister « l'enveloppe » c'est-à-dire le je ne sais quoi d'atmosphérique qui se joue autour de chaque objet dans la nature !
Je crois d'ailleurs que la peinture ne s'enseigne pas, et qu'on n'a pas besoin de suivre les leçons d'un maître. L'enseignement des musées suffit. Je partis donc pour l'Italie et demeurai à Parme pendant huit mois où je me mis à l'Ecole du Corrège. Maître prodigieux! Je partis de là pour l'Espagne. Les Rubens du musée du Prado me transportèrent d'une telle admiration que je courus de Madrid à Anvers.
C'est pourquoi la meilleure partie, dans l'oeuvre des peintres, est d'ordinaire celle de la maturité. Ce n'est presque jamais au début d'une carrière que la volonté consciente intervient dans le plaisir des yeux, le décompose, le gouverne, l'astreint à des lois supérieures, l'enrichit et le complète par l'interprétation des émotions visuelles qui proviennent de la beauté des lignes ou de leur caractère, de l'harmonie des formes, de la délicatesse du modelé, du sentiment raisonné des valeurs qui assignent à chaque chose sa place dans la nature ou dans le tableau. Charme insaisissable — et si difficile à transposer sur la toile — de l'enveloppe atmosphérique!
C'est cependant d'un esprit paresseux (ou mal doué) que de ne pas poursuivre, au delà du plaisir de la sensation colorée, la recherche des lignes, des formes et du mouvement qu'on peut désigner par ce mot « le dessin » afin de mettre les qualités de couleur au service d'idées ou de sentiments qui peuvent être importants et universels. C'est une tentation que de s'en tenir à l'aspect extérieur des choses sans s'astreindre à saisir sous les apparences la structure intime et pour ainsi dire anatomique de chaque objet. Cette recherche profonde est le propre du dessin.
Au plus lointain de mes souvenirs je me revois petite fille de cinq ou six ans, apprenant à lire à Paris où mes parents étaient venus consulter des médecins au sujet d'un de leurs enfants. Ils demeurèrent à Paris pendant cinq ans. Nous retournâmes ensuite à Philadelphie où se poursuivit une partie de mon éducation. Vers 1868 ma mère et moi revînmes à Paris pour un peu plus d'un an. Un peu avant la guerre, c'est-à-dire vers 1868, je décidai de devenir peintre. C'était décider en même temps de partir pour l'Europe.