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Joël Lefebvre (Traducteur)Jean Tailleur (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782905964762
55 pages
Ombres (31/05/1993)
4.06/5   26 notes
Résumé :
L'Excursion des jeunes filles qui ne sont plusest le seul livre que je connaisse d'Anna Seghers. C'est un cinéaste, Gaspard Noé, qui me l'a un jour conseillé, me disant qu'il n'avait jamais rien lu d'aussi beau. Eh bien, après m'être exécuté, je ne peux que dire la même chose : je n'ai rien lu d'aussi beau ! Ce roman a été écrit par Anna Seghers dès son arrivée au Mexique alors qu'elle fuyait les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Il retrace, dans une sorte de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique

Ce petit livre d'Anna Seghers de 1948 compte autant de pages que les années de sa vie : 83. Il s'agit, en fait, d'une nouvelle car "L' Excursion des jeunes filles qui ne sont plus" ne fait que 51 pages en tout. L'histoire de l'auteure étant suivie d'une fort intéressante postface de Jean Tailleur et d'une bibliographie exhaustive de l'oeuvre d'Anna Seghers.

Le récit de l'auteure, bien qu'un épisode "d'une vie irrémédiablement perdue" , commence par une pointe d'humour. La toute première phrase : "Non, de beaucoup plus loin. D'Europe" en réponse à une question du patron de la "pulqueria", débit de boissons, qui lui avait sûrement demandé d'où venait au juste cette "gringa" (étrangère) dans son patelin mexicain. Une variété moderne de "Comment peut-on être Persan ?" de Montesquieu.

L'aubergiste ignorait bien entendu que l'écrivaine de 43 ans se trouvait là-bas à cause d'un certain Adolf Hitler. En 1933, Anna Seghers est arrêtée par la Gestapo et dès son relâchement elle fuit l'Allemagne, où ses livres sont brûlés et où elle "bénéficie" d'une interdiction de publication. de la Suisse, son odyssée l'amène à Paris, puis en passant par la Martinique et Vera Cruz au Mexique, en 1941. Six ans plus tard, elle est de retour en Allemagne et s'installe d'abord à Berlin-Ouest, et, comme communiste, en 1950 à Berlin-Est, où elle est nommée présidente de l'union des écrivains.
Deux ans avant sa mort, en 1981, elle est faite citoyenne d'honneur de la ville de Mayence, où elle était née comme Netty Reiling, l'unique fille d'un marchand d'art juif orthodoxe, en 1900. Avec le sociologue hongrois, László Radványi, qu'elle épousa en 1925, elle a eu 2 enfants : Peter, né en 1926 et Ruth en 1928.

C'est dommage qu'Anna Seghers n'ait pas obtenu, comme candidate allemande, le Prix Nobel Littérature en 1967 - qui est allé à Miguel Angel Asturias du Guatemala - car ses oeuvres "La septième croix" et "Transit", écrits entre 1938 et 1943, sont de véritables chefs-d'oeuvre dignes d'une Nobel. Si vous n'avez jamais rien lu d'elle, ce sont les ouvrages que je recommanderais pour commencer. En janvier dernier, j'ai publié un billet de son roman "La Capitation" qui n'est pas mal, mais qui n'arrive pas au même niveau.

En juin 1943, l'auteure est renversée par une voiture à Mexico City et resta, à la suite d'un grave traumatisme crânien, un mois dans le coma. C'est pendant sa longue convalescence, fin 1943-début 1944, qu'elle a écrit la présente nouvelle, qui selon Jean Tailleur, "n'est rien de moins qu'un requiem". le psychologue et auteur Claude Prévost, emploie la formule de "réalisme halluciné" pour caractériser cette oeuvre.

En proie à de sérieux maux de tête, Anna Seghers revit en mémoire une excursion avec sa classe le long du Rhin, près de sa ville natale de Mayence, lorsqu'elle était gamine. Aucune des 12 participantes, ni Lise Möbius qui était cloîtrée sur son lit avec une pneumonie, n'a survécu au régime nazi et la 2ème Guerre mondiale ! Avec de brefs traits elle nous offre le portrait et le sort de Leni, Marianne, Nora, Lore, Ida, Gerda, Else, Elli, Sophie, Lotte, Maria et Katharina... qui toutes "ne sont plus".

Au bout de cette excursion, l'institutrice chargea la petite Anna de rédiger un compte-rendu de leur randonnée, et c'est ce devoir qu'Anna Seghers accomplit, bien des années plus tard et bien loin du Rhin.

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Short is beautifull.

Après des pavés plus ou moins mémorables, j'ai pris quelque vacance. Et goûté une vraie surprise.

Anna Seghers est, d'ordinaire, maîtresse des rythmes et sait tendre les ressorts d'une intrigue jusqu'à l'insupportable.

Transit ou La Septième croix sont des récits d'un réalisme puissant, d'un suspense effrayant, où comme une mouche, le personnage principal se débat dans la trame de l'Histoire , comme en un espace clos, dans une tentative de fuite frénétique, vaine et menacée.

Rien de tel ici.

Ce court récit n'a rien de réaliste ni de tendu. C'est une nouvelle solaire et poétique, la vision, au soleil couchant, d'une classe de jeunes filles en excursion sur le fleuve, par une radieuse après midi d'été. Ces jeunes filles " en barque sur le Rhin" à la façon d'Apollinaire sont chacune l'incarnation fugace d'un destin que la narratrice regarde avec le recul du rêve ou celui d'une vision douloureuse mais détachée. .

Autant de jeunes filles, autant de destins emportés par la déferlante du nazisme.

Comme une incantation, une prière mélancolique, Anna Seghers égrène, du fond de son exil mexicain, la litanie du souvenir.

Toutes ces jeunes mortes défilent au cours lent et majestueux d'une prose fluviale, liquide, qui s'écoule doucement comme le Rhin, comme le temps.

Tristesse de l'exil, chagrin de la perte, pardon des erreurs et des mauvais choix.

Ce sont ami(e)s que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta... aurait chanté Rutebeuf.
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C'est à Mexico, pendant son exil (1941-1947), qu'Anna Seghers écrit ce court récit mélancolique, un des plus beaux de la littérature allemande du XXème siècle.
Sur le mode élégiaque et dans une narration somptueuse, Anna se souvient de cette journée radieuse d'excursion sur le Rhin avec ses camarades, avant que chacune d'elles, dans un camp ou dans l'autre, ne succombe tour à tour dans la tragédie allemande.
Faisant comme si l'Histoire en cette journée splendide était déjà écrite, le souvenir d'Anna glisse imperceptiblement de sa propre jeunesse vers le destin tragique qui attend ces jeunes filles.
Marianne, Lotte ou Leni... Gerda, Nora, Sophie... avec leurs jolies robes et leurs cheveux nattés, ignoraient ce jour-là, en voguant sur le fleuve, qu'elles seraient emportées dans la folie nazie.
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La narratrice, Anna Seghers, femme engagée en exil au Mexique, va se remémorer ses années de jeunesse allemande.
"L'excursion des jeunes filles qui ne sont plus" est un texte assez triste puisque toutes ses camarades de classe sont mortes au moment où elle écrit.
Au tout début du 20ème siècle, avant la guerre, les jeunes filles vont partir en excursion avec leur professeure qui demande à Anna d'en faire une rédaction. Mais ce qu'elle nous conte c'est l'histoire de ces filles qui se tenaient bras dessus bras dessous et qui vont se renier voir se dénoncer plus tard, dans un pays en guerre, sur fond de la montée du nazisme et de la violence qui l'accompagne. Certaines mourront sous les bombardements durant la première guerre mondiale ou plus tard dans les camps de concentration. Les descriptions sont poignantes dans un constant aller-retour entre l'avant-première guerre mondiale au temps de sa jeunesse et les drames de 14-18 et de 39-45. Malheureusement ces retours dans le passé où le présent et le futur se mêlent dans la douleur de ce qui va arriver aux juifs, perturbe un peu la lecture car les repères dans le temps sont bouleversés.
La mélancolie s'accompagne aussi de nostalgie ressentie par l'auteure exilée dont le plus grand souhait est de retourner dans son pays.

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Ce n'est pas un livre récent que celui là , écrit par Anna Seghers réfugiée au Mexique en 1943 pour fuir le nazisme, elle y raconte une excursion, celle d'une classe de jeunes filles au début de la première guerre mondiale.
Lorsqu'elle écrit cette longue nouvelle, elle a appris la mort de sa mère dans les camps et la destruction de sa ville natale, Mayence, lors de bombardements. Cette nouvelle dénonce l'antisémitisme, le nazisme, l'intolérance, elle mêle le passé et la période de la guerre de façon subtile.
Anna Seghers revit pour nous ce voyage dans sa pureté originelle. Il faisait beau "Quelques boutons d'or se mirent à briller dans la vapeur qui s'exhalait du sol à travers l'herbe haute", deux jeunes filles sont sur une balançoire, Leni et Marianne, Lore et Greta plus loin, et aussi Nora et Ida, Sophie et Melle Sichel l'institutrice.
Toute la troupe s'installe "la terrasse du café, au bord du Rhin était planté de rosiers (...) des tables couvertes de nappes à carreaux rouges et blancs (...) le son de jeunes voix bourdonnant comme un essaim d'abeilles". Une classe de garçons va les rejoindre un moment.
Ce récit idyllique est bien vite fracassé car Anna Seghers, comme un devin qui lirait l'avenir sur le visages de ces jeunes filles, nous dévoile implacablement leurs destins. Quinze destins tragiques.
Telle jeune fille au profil délicat épousera un dignitaire du régime fasciste et refusera son aide à Leni dont l'enfant sera enlevé par les nazis. Telle autre se suicidera de désespoir lorsque son mari accrochera le drapeau à croix gammée à leur fenêtre.
L'incessant va et vient est poignant, et comme les décors d'un théâtre, les deux époques vont s'interchanger au fur à mesure qu'avance le récit.
Des détails retenus de ce jour là deviennent des marques plus tard de la folie des hommes, ainsi les cheveux noirs ébène de Sophie, que revoit Anna Seghers, deviendront blancs après son voyage en wagon plombé.
Elle met en avant l'ironie de l'existence qui voulut que Marianne qui refusa son aide à Leni, périsse dans l'incendie de sa maison lors des bombardements mais que l'enfant de Leni survécut.
Anna Seghers cherche à comprendre comment ces jeunes filles ont pu se haïr ou se trahir, nous rappelle les actes de courage, les dénonciations, les reniements, les fautes et les sacrifices, et fait " apparaître en filigrane ce qui aurait pu advenir si .... " Elle sait que la destinée de ces jeunes filles est semblable à la destinée de son pays car " l'essaim de jeune filles serrées les unes contre les autres, qui remontait le fleuve dans la lumière oblique de l'après-midi, faisait partie intégrante du pays."
Ce livre court est salutaire pour ne pas oublier et de garder à l'esprit la question restée sans réponse "Par quel processus, lâcheté, ambition, indifférence, tout un peuple a-t-il pu soutenir ou même simplement tolérer le crime commis en son nom ? " et comment n'importe quel peuple est capable d'en faire autant !
Dans sa postface Jean Tailleur qualifie le texte de "requiem " C'est le mot juste.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Je sautai sur le pont pour pouvoir m'asseoir tout près du gouvernail. La petite cloche du bateau sonna, on rentra l'amarre, le vapeur tourna. La courbe blanche d'écume étincelante se grava dans le fleuve. Je songeai soudain aux blancs sillons d'écume que toutes sortes de navires, sous toutes sortes de latitudes, avaient creusés dans les mers. Jamais plus un voyage ne devait à ce point me marquer de son caractère à la fois éphémère et définitif, jamais plus l'eau ne devait me paraître à ce point insondable et pourtant toute proche.
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Marianne, Leni et moi avions toutes trois enlacé nos bras en un geste de solidarité qui ne faisait que refléter la grande unité de toutes choses sous le soleil. Marianne appuyait toujours sa tête contre celle de Leni. Comment devait-il être possible, plus tard, que pénétrât dans ses pensées la folie mensongère qui leur fit croire, à elle et à son mari, qu'ils détenaient le monopole de l'amour de ce pays et qu'ils pouvaient à bon droit mépriser et dénoncer la jeune fille contre laquelle en cet instant elle s'appuyait ?
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A l'inverse de ce qui arrive d'habitude, le professeur vit mourir tous ses jeunes élèves les uns après les autres, au cours de la guerre qui suivit et de la guerre actuelle, qu'ils fussent dans les régiments noir-blanc-rouge ou dans les régiments à croix gammée. Il traversa, lui, tous ces événements sans le moindre mal. Car, peu à peu, il devint trop vieux non seulement pour se battre, mais aussi pour émettre des propos susceptibles de le conduire en prison ou au camp de concentration.
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Il me semblait que, dans cette brève journée d'excursion avec ma classe, toutes choses m'étaient en même temps arrachées et rendues.
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l’essaim de jeune filles serrées les unes contre les autres, qui remontait le fleuve dans la lumière oblique de l’après-midi, faisait partie intégrante du pays
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Videos de Anna Seghers (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anna Seghers
?Transit?, de Christian Petzold - bande-annonce .Le cinéaste allemand Christian Petzold adapte le beau roman d?Anna Seghers publié en 1944 dans un grand film romanesque où se répercute subtilement l?écho des crises migratoires actuelles. Transit est à découvrir en salles mercredi 25 avril 2018. En voici la bande-annonce, en exclusivité pour telerama.fr
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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