Ce livre n'est pas un livre c'est une pépite d'humanité, un conte philosophique... brillant ,sombre et extraordinaire ( au sens littéral du terme). Au début de cette lecture, mon enthousiasme était tel que j'aurais extrait des citations à chaque page.
Difficile d'en dérouler la trame. Peter Seurg (initiales P.S. comme un certain
Philippe Ségur), professeur d'université quinquagénaire qui se nomme lui-même
le Chien Rouge a rompu avec sa compagne Neith, rejeté sa vie bourgeoise et est parti s'installer dans les bois. C'est un homme dépressif qui livre dans son « journal » le récit de sa relation avec Neith, ses regrets, sa révolte, sa déchéance causée par l'abus d'alcool, de médicaments et autres substances.
Cette trame semble pourtant« classique « - un homme quitté par sa compagne, qui boit et cherche à comprendre comment il en est arrivé là et regrette le temps d'avant, bien écrit– cet homme est brillant -certes mais classique et facile à résumer.
Pourquoi alors ce livre m'a-t-il autant plu ? Sa construction d'abord : des récits enchâssés les uns dans les autres comme des poupées gigognes, l'éditeur du manuscrit qui observe le personnage et présente la situation, le narrateur dont on découvre le manuscrit mais aussi une brochure qui lui est consacrée. Son genre également que je ne parviens pas clairement à définir : conte philosophique, étude sociale, récit initiatique. C'est un livre complètement atypique.
J'ai été particulièrement sensible à la description du jeune garçon qu'il était, voulant faire plaisir à ses parents en suivant une voie qui n'était pas la sienne. Je l'ai accompagné dans ses errances, ses « bad »trips (ses descriptions sont tellement bien faites que j'ai l'impression d'y être alors que je n'ai jamais pris de substance illicite de ma vie, promis!). J'ai savouré les descriptions de quelques personnages loufoques rencontrées au BBB (comprendre Barcelona Burning Bash, une manifestation inspirée du Burning Man , ce festival complètement déjanté au Nevada).
Je comprends ses réflexions sur la personne qu'il est devenu, sa critique de la société (son questionnement est le même que le mien mais c'est probablement générationnel). « Cela pourrait donc être tout autant l'histoire d'un individu qui, mû par une faille intime, cherchait à se connaître. de fait il y avait en S. une autre personnalité que celle, malheureuse et plaintive, qui s'exprimait au premier abord : celle d'un Chien Rouge à la patte ensanglantée, d'une bête domestiquée qui avait rongée ses liens et battait la campagne, rôdait dans les villes, méfiante vis-à-vis de la pitance donnée par les hommes, hargneuse contre leur malignité, ivre de liberté, de soleil de joies simples d'une course sans fin sous les étoiles »
N'avons-nous pas tous un Chien Rouge qui sommeille en nous ?
Ce livre est assurément marquant comme m'avait marquée en son temps la lecture du roman d'
Hermann Hesse «
le loup des steppes » ,
Hermann Hesse dont la présence récurrente dans le roman me donne une furieuse envie de relire son roman.