Citations sur Notes de chevet (31)
L'idée d'écrire ces notes me vint dans les circonstances suivantes : Un jour, le frère de l'Impératrice Sadako ayant offert une liasse de papier blanc à sa soeur, celle-ci me dit : "Que peut-on écrire là-dessus ? L'Empereur a déjà fait copier L'Histoire de Chine connue sous le nom de Shiki..." Je lui répondis que je voudrais faire un oreiller de cette jolie liasse de papier blanc. L'Impératrice me répondit : "Eh bien, prenez-le !"
Je l'utilisai alors à écrire toutes ces choses, toutes ces bagatelles qu'on trouvera, sans doute, bien frivoles : des histoires amusantes, des histoires édifiantes, mles impressions, des poésies, ce que je pense des abres, des oiseaux, des insectes, et tout cela est, certes moins intéressant que je ne l'imaginais.
Ceux qui liront ces notes verront ce que je suis, mon degré de culture et d'éducation, et me critiqueront. tant pis !
J'ai écrit ces notes pour m'amuser, sans ordre ni prétention, comme elles me venaient à l'esprit.
Au printemps, c’est l’aurore que je préfère. La cime des monts devient peu à peu distincte et s’éclaire faiblement. Des nuages violacés s’allongent en minces traînées. En été, c’est la nuit. J’admire, naturellement, le clair de lune ; mais j’aime aussi l’obscurité où volent en se croisant les lucioles. Même s’il pleut, la nuit d’été me charme. En automne, c’est le soir. Le soleil couchant darde ses brillants rayons et s’approche de la crête des montagnes. Alors, les corbeaux s’en vont dormir ; et en les voyant passer, par trois, par quatre, par deux, on se sent délicieusement triste. »
— Début dans la traduction de M. André Beaujard (« Notes de chevet », éd. Gallimard, coll. UNESCO d’œuvres représentatives-Connaissance de l’Orient, Paris)
Choses qui perdent à être peintes
Les œillets ; les fleurs de cerisier, de kerrie. Le visage des hommes ou des femmes dont on vante la beauté dans les romans.
Choses qui gagnent à être peintes
Un pin. La lande en automne. Un village dans la montagne. Un sentier dans la montagne. La grue. Le cerf. Un paysage d'hiver, quand le froid est extrême. Un paysage d'été, au plus fort de la chaleur.
18. Choses qui font battre le cœur
Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée.
S'apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Une nuit où l'on attend quelqu'un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l'averse que le vent jette contre la maison.
19. Choses qui font naître un doux souvenir du passé
Les roses trémières desséchées.
Les objets qui servirent à la fête des poupées.
Un petit morceau d'étoffe violette ou couleur de vigne, qui vous rappelle la confection d'un costume, et que l'on découvre dans un livre où il est resté, pressé.
Un jour de pluie, où l'on s'ennuie, on retrouve les lettres d'un homme jadis aimé.
Un éventail chauve-souris de l'an passé.
Une nuit où la lune est claire.
26. Choses élégantes
Dans un bol de métal neuf, on a mis du sirop de liane avec de la glace pilée.
Un rosaire en cristal de roche.
De la neige tombée sur les fleurs des glycines et des pruniers.
...
28. Choses qui ne s'accordent pas.
Des roses trémières fichées dans des cheveux crépus.
Une mauvaise écriture sur du papier rouge.
La neige tombée sur la maison de pauvres gens. C'est encore plus pénible à voir quand la lumière de la lune y pénètre. Par un beau clair de lune, rencontrer une inélégante voiture découverte.
En automne, c’est le soir. Le soleil couchant darde ses brillants rayons et s’approche de la crête des montagnes. Alors les corbeaux s’en vont dormir, et en les voyant passer, par trois, par quatre, par deux, on se sent délicieusement triste. Et quand les longues files d’oies sauvages paraissent toutes petites ! C’est encore plus joli. Puis après que le soleil a disparu, le bruit du vent et la musique des insectes ont une mélancolie qui me ravit.
Choses qui ne font que passer
Un bateau dont la voile est hissée.
L'âge, les gens.
Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver.
Choses qui font naître un doux souvenir du passé
Des roses trémières desséchées.
Les objets qui servirent à la fête des poupées.
Un jour d'oisiveté, il pleut, on trouve les lettres d'un homme qu'on aima jadis.
La nuit, quand il fait clair de lune. (...)
Il est émouvant de voir, lorsque le soleil du couchant étend ses rayons tout près de la ligne de crête des monts, les corneilles s'en retournant au nid, par trois et par quatre, par deux et par trois. C'est encore plus charmant quant on aperçoit, minuscule, un vol d'oies sauvages. Puis lorsque le jour a totalement disparu, on entend le bruit du vent, le chant des insectes, et tout cela est fort émouvant.
Choses embarrassantes.
On appelle une personne, et une autre se présente, croyant que c'était celle que l´on demandait. La chose est encore plus désagréable lorsqu´on apporte un cadeau.
Choses élégantes
Un vêtement blanc sur un vêtement rose.
Les petits du canard sauvage.
Dans un bol de métal neuf, de la glace pilée, avec du sirop.
Un rosaire de cristal.
Des fleurs de glycine et de prunier couvertes de neige.
Un très joli bébé qui mange des fraises.