En hiver, j’aime le matin, de très bonne heure. Il n’est pas besoin de dire le charme de la neige. Mais je goûte également l’extrême pureté de la gelée blanche ou, tout simplement, un très grand froid ; bien vite on allume le feu, on apporte le charbon de bois incandescent : voilà qui convient à la saison...
J'aurais désiré que cette splendeur durât mille années.
Bien qu'une lettre n'ait rien que l'on puisse qualifier d'étrange, c'est pourtant une chose magnifique. Alors qu'on pense avec anxiété à une personne qui se trouve dans une province éloignée, en se demandant comment elle peut aller, on reçoit d'elle un billet ; à le lire, on éprouve la même impression que si l'on se voyait, tout à coup, en face de son amie. C'est merveilleux.
Quand on a expédié une lettre à laquelle on a confié ses pensées, on se sent l'esprit satisfait, même si l'on songe qu'elle pourrait bien ne jamais arriver à destination. Comme j'aurais le cœur triste, et comme je me sentirais oppressée, si les lettres n'existaient pas !
Lorsque, dans une lettre qu'on veut envoyer à quelque personne, on a écrit en détail toutes les choses que l'on avait en tête, c'est déjà une consolation, bien que l'arrivée de la missive puisse être incertaine. Mais à plus forte raison, quand on reçoit une réponse, la joie que l'on goûte semble capable d'allonger la vie ; en vérité, il est sans doute raisonnable de le croire.
Une lettre écrite sur du papier vert, très fin, fixée à un rameau de saule couvert de bourgeons.
[45. Choses qui ont une grâce raffinée]
CHOSES ELEGANTES
Sur un gilet violet clair, une veste blanche.
Les petits des canards.
Dans un bol de métal neuf, on a mis du sirop de liane, avec de la glace pilée.
Un rosaire en cristal de roche.
De la neige tombée sur les fleurs des glycines et des pruniers.
Un très joli bébé qui mange des fraises.
Choses qui font battre le cœur
Des moineaux qui nourrissent leurs petits.
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse du fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison.
Le gouffre de Kashikofuchi [« le gouffre de la sagesse »]. Il est très amusant de se demander quel profond esprit on a pu lui trouver pour lui donner ce nom ! Le gouffre de Nairiso [« N'entre pas », en Kawachi]. À qui cet avis était-il destiné, par qui peut-il avoir été donné ?
[9. Gouffres]
comment ai-je pu,
sans vous, passer
le temps écoulé?
Ah! ces deux jours d'hier et d'aujourd'hui,
que j'ai vécu dans l'inquiétude.
On ne doit jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu'on a lues.
Un ami qui m'écrivait constamment me dit un jour : "Pourquoi donc continuer nos relations ? Maintenant, c'est fini !' Le lendemain, il ne me donna pas signe de vie ; quand vint l'aurore, contre l'habitude, je ne vis point de lettre, et je sentis qu'il me manquait quelque chose. "Voilà, m'écriai-je, de la ponctualité !" La journée passa. Le jour suivant, il pleuvait très fort ; à midi je n'avais encore rien reçu, et je déclarai : "Il m'a complètement chassée de sa pensée." Mais le soir, au crépuscule, alors que j'étais assise au bord de la véranda, un enfant, abrité sous un parapluie, m'apporta une lettre que j'ouvris et lus avec encore plus de hâte qu'à l'ordinaire. Elle contenait ces mots : "La pluie qui fait monter l'eau", et c'était plus joli encore que si l'on avait composé, pour me les envoyer, quantité de poésies.