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Céline Romand-Monnier (Traducteur)
EAN : 9782253072836
346 pages
Le Livre de Poche (07/04/2004)
3.81/5   210 notes
Résumé :
Asne Seierstad a vécu le printemps qui suivit la défaite des taliban chez Sultan Khan, libraire à Kaboul. Elle nous fait partager, dans ce récit très vivant et toujours respectueux, la vie quotidienne des épouses, enfants, frères et sueurs d'une famille où chaque destin est riche d'émotion et dont le chef incontestable est Sultan, l'amoureux des livres. " Quand les communistes sont arrivés, raconte-t-il, ils ont brûlé tous mes livres, après il y a eu les moudjahidin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Asne Seierstad, l'auteure, est une reporter de guerre norvégienne. "Embarquée" pendant six semaines, juste après le 11 septembre 2001, avec les troupes de l'Alliance du Nord qui combattent les taliban, elle arrive à Kaboul en novembre, après la chute de ces derniers. Elle y rencontre Sultan Khan, libraire, puis sa famille, avant de s'installer chez eux pendant quelques semaines, pour y vivre et raconter, de l'intérieur, le quotidien d'une famille afghane.
Une famille dont Sultan est le chef incontesté. Craint plutôt que respecté, il préside aux destinées de ses enfants et des membres de sa famille sous son autorité comme il gère ses affaires, d'une main de fer sans le gant de velours. Sultan Khan est amoureux des livres, que depuis toujours il achète et vend, protège et cache, tente de faire échapper aux autodafés des communistes, puis des moudjahidin, puis enfin des taliban. Si Sultan aime les livres, il aime aussi beaucoup l'argent qu'ils lui rapportent, au point, paradoxalement, de faire travailler (d'exploiter 15 heures par jour) tous ses fils dans ses librairies plutôt que de les envoyer à l'école. Commerçant impitoyable, il est aussi tyrannique avec ses enfants, et n'a absolument rien à faire de leurs aspirations ou de leurs rêves d'émancipation. Ce sont évidemment les femmes qui sont les principales victimes de cette société clanique et patriarcale aux traditions séculaires. Certaines trouvent une échappatoire dans le mariage, quand elles ont la chance qu'on leur attribue un mari un brin libéral. D'autres ne quittent le joug de leur père que pour tomber sous celui de leur belle-famille, condamnées à être mères et esclaves domestiques. C'est le sort de Leila qui m'a le plus fendu le coeur : « "Ressens-tu la même chose que moi ?" a-t-il écrit [son amoureux secret]. En fait, elle ne ressent rien du tout. Elle est morte de peur. C'est comme si une nouvelle réalité lui apparaissait. Pour la première fois de sa vie, quelqu'un exige d'elle une réponse. Quelqu'un veut savoir ce qu'elle ressent, ce qu'elle pense. Mais elle ne pense rien du tout, elle n'a pas l'habitude d'avoir une opinion. Et elle se persuade qu'elle ne ressent rien parce qu'elle sait qu'elle ne doit rien ressentir. Les sentiments sont une honte, a appris Leila ».
A travers ces chroniques de la vie d'une famille citadine et relativement aisée, l'auteur nous fait voir un Afghanistan qui se remet à peine de la terreur d'un régime obscurantiste et quasiment analphabète. Dans son récit, elle reste à distance, n'intervenant jamais en tant que protagoniste dans les scènes qu'elle relate. Un regard et un ton journalistiques, sans pathos, qui ne l'empêchent pas de dire, dans l'avant-propos, sa révolte et son désarroi face à la situation des femmes afghanes.
Dans un pays où, à l'époque, les moins de 20 ans n'ont connu que des guerres successives, tous aspirent à la paix, au renouveau, à la modernité. Au printemps 2002, malgré le poids de la tradition et la situation politique instable, l'espoir fleurissait. Et je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qu'il est advenu de cette famille depuis lors...
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Portraits de la vie quotidienne dans l'Afghanistan du début du XXIe siècle.

Si le règne des Talibans s'est achevé, la société est loin d'être remise de la guerre, l'électricité et l'eau courante y sont encore peu fiables, les écoles ne sont pas bien pourvues et les mentalités oscillent entre les traditions rigides et les espoirs de liberté.

Bien qu'on nomme le libraire dans le titre, ce n'est pas vraiment un héros. Même si on apprend qu'il a été emprisonné pour avoir continué à vendre des livres, ses comportements avec ses femmes et ses enfants sont loin d'être exemplaire. C'est le maître absolu de la famille et on ne peut lui désobéir sans être exclus du clan. Ses livres sont des possessions précieuses, mais il semble qu'il ne tienne pas à transmettre le goût de la littérature quand même un de ses fils n'a pas le droit d'aller à l'école.

Ce n'est pas vraiment un roman, plutôt une série de portraits, des chapitres qui se suivent, racontant l'histoire de l'un ou de l'autre. L'écriture est simple, plutôt journalistique, en gardant une certaine distance face aux situations terribles des femmes.

C'est une description d'un pays dur, des habitants dont les traditions sont très dures aussi, et où dans une famille, l'honneur passe bien avant l'amour…
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Le titre m'avait laisser présager un roman. Mais c'est plutôt un récit ou un recueil de chroniques sur la société afghane au sortir du joug des talibans. Ça a le poids du témoignage direct et c'est pire que ce qu'on aurait pu imaginer. Ce n'est pas le quotidien d'une famille pauvre et illettrée que l'autrice nous donne à partager mais, comme le titre l'indique, celui de la famille d'un libraire, d'un homme amoureux des livres, des textes anciens et des éditions rares. On imagine alors que cet homme respectueux de la littérature ne peut qu'être ouvert d'esprit et libéral mais il n'en est rien. Il est au contraire tyrannique au point d'exploiter sa famille, faisant travailler frères et fils comme des esclaves pour la prospérité financière de son commerce au détriment de leur scolarisation, sans parler des femmes qu'il maintient dans une dépendance encore plus grande si tant est que ce soit possible. Les talibans ont été chassé mais la société afghane n'en reste pas moins celle où le port de la burkha est généralisé et où les crimes d'honneur perpétrés au nom de la loi de Dieu sont loin d'être rares ! Ce récit m'a rappelé les écrits de Svetlana Alexievitch qui donnent eux aussi le pouls d'une société par des témoignages directs. Dans les deux cas, bien que les problématiques ne soient pas semblables, on sent qu'on a affaire à une société malade qui n'arrive pas à digérer son passé douloureux; dans les deux cas, on a peine à imaginer un remède tant les travers sont ancrés profondément dans les mentalités. C'est extrêmement déprimant…
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Le hasard a voulu que je tombe sur ce roman dans une boîte à livres au moment où l'Afghanistan revenait dramatiquement dans l'actualité...

Roman, pas vraiment en fait , et c'est d'autant plus intéressant . L'auteure est une journaliste reporter de guerre norvégienne qui a vécu la chute des taliban fin 2001 et qui a choisi de rester sur place , dans la famille de Sultan Khan, libraire à Kaboul, pour raconter de l'intérieur la vie d'une famille afghane de classe moyenne alors que la fuite des taliban ramène « un fragile espoir » chez les habitants.

C'est donc plus une série de portraits que nous fait Åsne Seierstad et on plonge avec elle dans le quotidien de Sultan et de sa famille élargie : femmes, enfants, frères et soeurs , mère.

A travers l'histoire de Sultan Khan, c'est l'histoire de l'Afghanistan qui défile : « D'abord, les communistes ont brûlé mes livres, puis les moudjahidin les ont pillés, avant que les taliban ne les brûlent de nouveau , racontait-il » On a d'abord de la sympathie pour cet homme qui aime les livres, a trois librairies à Kaboul où militaires et journalistes vont chercher un peu d'air et de culture .... Et puis, au fil du récit, on s'aperçoit que le libraire a aussi un sens très prononcé des affaires et qu'il aime peut être surtout les livres pour l'argent et la considération qu'ils lui apportent... Et malheur à qui s'en prend à ses biens : il n'hésite pas à faire condamner à trois années de prison un pauvre menuisier qui a eu l'audace de lui voler des cartes postales.

Mais surtout on découvre un chef de famille très autoritaire et même tyrannique.
Il interdit à ses enfants d'aller à l'école et de choisir leur métier, obligeant ses deux fils à travailler pour lui. On prend ainsi en pitié le jeune Aimal , 12 ans, qui travaille 12 heures par jour,sept jours sur sept, dans une petite échoppe dans le sombre lobby d'un hôtel de Kaboul, boutique qu'il appelle « la chambre triste ». « Jigar khoon », « mon coeur saigne », dit-il, devant son enfance gâchée .

Enfin ce sont surtout les femmes qui font pitié dans ce livre, principales victimes de cette société patriarcale et dont la situation a souvent fait bondir l'auteure, comme elle le dit dans son avant-propos : « jamais je n'ai ressenti une telle envie de frapper quelqu'un que pendant mon séjour chez les Khan. C'est toujours la même raison qui me faisait sortir de mes gonds : le comportement des hommes envers les femmes. La supériorité des hommes est si ancrée en eux qu'elle n'est qu'exceptionnellement contestée. »

« Le désir d'amour d'une femme est tabou en Afghanistan. Il est interdit aussi bien par le strict code de l'honneur des clans que par les mollahs » Tout est dit : si les taliban et leur « ministère de la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice » plus connu sous le nom de ministère des Bonnes Moeurs , ont fait « disparaître tous les visages féminins des rues de la ville » sous les burkhas bleu ciel dans les familles et la tradition, avec ou sans taliban, « tout reste inchangé : les hommes décident. »

(A noter qu'un chapitre intitulé « Ondoyantes, flottantes, serpentantes » décrit de manière assez drôle, paradoxalement, la sortie au bazar des femmes en burkhas )

« Les jeunes femmes sont avant tout un objet d'échange ou de vente ». L'auteure nous décrit en détail les tractations , la préparation du mariage, la cérémonie. Si elles ont de la chance, elles gagneront un peu d'autonomie dans le mariage, mais elles peuvent aussi passer d'un « esclavage » à l'autre . le portrait féminin le plus poignant est celui de la jeune soeur de Sultan, Leila, qui rêve d'enseigner l'anglais mais, « élevée pour servir, elle est devenue servante » et trime du matin au soir pour satisfaire les moindres désirs des 11 puis 13 personnes de la maison avant que sa mère ne la donne en mariage à un « grand dadais » inculte avec trois doigts en moins dont elle ne voulait pas... elle a essayé de trouver une porte de sortie pourtant, la pauvre Leila au coeur brisé qui piétine « dans la boue de la société et la poussière des traditions »

Ce n'est pas un roman, c'est parfois un peu décousu mais, à l'heure où les taliban reprennent le pouvoir en Afghanistan, ce quasi reportage au coeur de la société afghane est très instructif, déprimant aussi devant le sort fait aux femmes et l'impression d'une société figée dans ses archaïsmes...




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Le Libraire de Kaboul, voyage très intimiste au coeur de l'Afghanistan... Une vision fort différente de l'image que nous projettent les médias, pays en guerre, bombardé, sous le joug des Talibans. C'est que l'autrice a eu la chance de passer quelque temps dans l'intimité d'une famille afghane, régit par Sultan Khan, ce fameux libraire qui donne son nom au titre. Elle a habité avec lui et ses femmes et enfants, partageant leurs quotidiens, leurs croyances, leurs rites, leurs façons de vivre. Témoin privilégié aussi, puisqu'elle avait accès à des zones habituellement réservées aux hommes... nous permettant ainsi une immersion complète.

Bien que j'ai trouvé ce livre fort instructif et fascinant à la fois, j'ai souvent été choquée face à la place qu'occupe la femme dans le système afghan. Femmes avec peu de droits, souvent, malheureusement, occupant la place d'objet, d'épouse docile, d'esclave et servante. Révoltant ! Complétement sous l'emprise de l'homme, de l'époux, du père, du frère, avec la crainte, toujours, de la représaille, de la punition... le laid n'est pas que dans le système politique, il est également dans l'inégalité des sexes...

J'ai terminé ce roman, qui est bien plus qu'un roman... il est le témoin unique d'une situation actuelle... avec le coeur gros pour toutes ces femmes qui vivent, de façon impuissante, leur situation et la capitulation devant ce qui a toujours été et qui sera encore, malheureusement. Il me fait encore plus prendre conscience à quel point j'ai la chance de pouvoir m'exprimer, d'avoir le droit de choisir et de vivre la vie que j'aurai choisi de vivre !
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Le mariage est une sorte de petite mort. Pendant les premiers jours qui le suivent, la famille de la mariée est endeuillée comme lors d'un enterrement. On a perdu, vendu ou donné une fille. C'et surtout les mères qui portent le deuil, elles qui ont toujours tout su sur leur fille, où elle allait, qui elle rencontrait, ce qu'elle mangeait. Elles ont passé la plus grande partie de chaque journée ensemble, elles se sont levées en même temps, ont balayé la maison ensemble, ont cuisiné ensemble. Après le mariage, la fille disparaît, elle passe d'une famille à l'autre. Complètement. Elle ne vient pas rendre visite à sa famille quand bon lui semble, mais uniquement quand son mari l'y autorise, et sa famille non plus ne peut pas se rendre chez elle sans y être invitée.
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Le désir d’amour d’une femme est tabou en Afghanistan. Il est interdit aussi bien par le strict code de l’honneur des clans que par les mollahs. Les jeunes gens ne peuvent prétendre à aucun droit de se rencontrer, de s’aimer, de choisir. L’amour a peu à coir avec la romance, qui bien au contraire peut constituer un crime grave, puni de mort. Les indisciplinés sont assassinés de sang-froid. Quand un seul des deux subit la peine de mort, c’est toujours, sans exception, la femme.
Les jeunes femmes sont avant tout un objet d’échange ou de vente.
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Et l’adultère?
—S’ils sont mariés, ils sont tués à coups de pierre. S’ils sont célibataires, la peine est de cent coups de fouets et ils doivent se marier. Si l’un des deux est marié et que c’est l’homme, alors que la femme est célibataire, il doit la prendre pour seconde épouse. Si elle est mariée et lui célibataire, la femme est tuée et l’homme fouetté et emprisonné. (p. 287)
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Le pays n'a quasiment pas de matériel d'enseignement en ce printemps où les écoles ouvrent à nouveau. Ceux que les gouvernements moudjahed et taleb avaient édités sont inutilisables, les enfants du cours préparatoire apprenaient l'alphabet de la manière suivante :
"D comme Djihad, notre but en ce monde,
I comme Israël, notre ennemi,
K comme Kalachnikov, nous allons vaincre,
M comme Moudjahidin, nos héros ..."
Même dans les livres de maths, la guerre jouait un rôle central. Les écoliers - les taliban ne faisaient pas de livres pour les filles - ne comptaient pas en pommes et en gâteaux, mais en balles et en kalachnikovs. Les exercices pouvaient ressembler à quelque chose comme :
"Le petit Omar a une kalachnikov avec trois magasins. Dans chaque magasin, il y a 20 balles. Il utilise deux tiers de ses balles et tue soixante mécréants. Combien de mécréants tue-t-il avec une balle?"
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Aux yeux de Sharifa, cette maladie imaginaire était bien moins honteuse que d'avouer que c'était elle, la mère de ses enfants, qui n'était plus assez bien pour lui. C'était presque sur recommandation médicale qu'il s'était remarié. Quand elle souhaitait vraiment en rajouter, elle racontait les yeux brillants qu'elle aimait Sonya comme sa propre soeur et Latifa, son bébé, comme sa propre fille.
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Video de Asne Seierstad (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Asne Seierstad
Bande annonce du film Un 22 Juillet, adaptation de l'ouvrage En av oss d'Åsne Seierstad (2013) racontant les faits sur les attentats d'Oslo et d'Utøya commis par un unique homme, sans aucune aide extérieure, en 2011.
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Biographie générale et généalogique (557)
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